Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2020, et un mémoire en réplique, enregistré le 5 janvier 2022, la société Auto Guadeloupe Développement, représentée par Me Zapf, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2020 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;
2°) de prononcer un dégrèvement de 83 582 euros sur la cotisation foncière des entreprises, la taxe spéciale d'équipement et la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la valeur locative retenue pour ses locaux au titre de l'année 2015 est dépourvue de bien-fondé, dès lors que les locaux-types utilisés pour évaluer ses propres locaux ne sont pas pertinents ; ainsi, le local-type n° 41 de la commune des Abymes ne peut être retenu, car il n'est pas démontré que ce local était affecté à une activité de dépôt au 1er janvier de l'année d'imposition ; ensuite, les locaux-types n° 50 et n° 51 de ladite commune ne peuvent non plus servir de termes de comparaison, leur mode d'évaluation étant inconnu ; enfin, le local-type n° 52 de la même commune, qui a été évalué par comparaison avec le local-type n° 20 de la commune de Saint-François, ne peut pas être retenu dès lors qu'il n'est pas démontré qu'une activité de bureau était exercée dans le local n° 20 ;
- à la place, il y aurait lieu de retenir le local-type n° 53 de la commune de Baie-Mahaut, d'une surface de 639 m², dès lors qu'il abrite une activité d'atelier mécanique similaire à celle qu'elle exerce ; étant donné la surface de ce local-type, devrait être appliqué à son tarif, et sur le fondement de l'article 324 de l'annexe III au CGI, un abattement de 20 % pour tenir compte de la différence de superficie, ce qui aboutirait à un tarif de 7,50 €/m² ;
- à titre subsidiaire, pourrait être retenu le local-type n° 18 de la commune de Baie-Mahaut, d'une surface de 125 m², correspondant à un usage d'atelier pour réparations automobiles, activité très similaire à celle qu'elle exerce, en appliquant là aussi un abattement de 20 %, ce qui aboutirait à un tarif de 9,38 €/m² ; en outre, le recours à ce local-type n° 18 a été validé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 avril 2015 et un arrêt du Conseil d'Etat du 28 novembre 2016.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 31 mars 2021 et le 10 février 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens présentés par la SA Auto Guadeloupe Développement ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SA Auto Guadeloupe Développement, venue, après absorption, aux droits de la société Sorecar, qui exerce une activité de vente et réparation de véhicules automobiles, a été assujettie à la cotisation foncière des entreprises, à la taxe spéciale d'équipement et à la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie, au titre de l'année 2015, pour un montant de 137 860 euros, à raison des locaux qu'elle exploite route de la Gabarre aux Abymes. Par une réclamation préalable du 11 décembre 2016, elle a sollicité un dégrèvement partiel de son imposition, à hauteur de 108 691 euros. Cette demande a fait l'objet d'un rejet de l'administration fiscale le 29 janvier 2019, notifiée le 7 février 2019. Elle fait appel du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 13 juillet 2020, qui a rejeté sa demande de décharge à hauteur de 108 691 euros, en ne sollicitant plus en appel qu'une décharge de 83 582 euros.
Sur les conclusions à fin de décharge :
2. Aux termes de l'article 1498 du code général des impôts : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : (...) 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date, Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; 3° À défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe ".
3. Aux termes de l'article 1518 bis du code général des impôts : " I. Dans l'intervalle de deux révisions générales, les valeurs locatives définies aux I et II de l'article 1496 et aux articles 1497 et 1498, ainsi que celles des propriétés non bâties et des terrains et sols à usage industriel ou commercial, sont actualisées tous les trois ans au moyen de coefficients correspondant à l'évolution de ces valeurs, entre la date de référence de la dernière révision générale et celle retenue pour l'actualisation.(...) ". En Guadeloupe, le coefficient de revalorisation forfaitaire était de 2,772 en 2015.
4. Enfin, aux termes de l'article 324 AA de l'annexe III du code général des impôts : " La valeur locative cadastrale des biens loués à des conditions anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un titre autre que celui de locataire, vacants ou concédés à titre gratuit est obtenue en appliquant aux données relatives à leur consistance - telles que superficie réelle, nombre d'éléments - les valeurs unitaires arrêtées pour le type de la catégorie correspondante. Cette valeur est ensuite ajustée pour tenir compte des différences qui peuvent exister entre le type considéré et l'immeuble à évaluer, notamment du point de vue de la situation, de la nature de la construction, de son état d'entretien, de son aménagement, ainsi que de l'importance plus ou moins grande de ses dépendances bâties et non bâties si ces éléments n'ont pas été pris en considération lors de l'appréciation de la consistance. ".
5. Pour arrêter la valeur locative de l'immeuble à évaluer, l'administration, faisant application de la méthode par comparaison, peut procéder par comparaisons itératives, pourvu qu'il n'existe pas pour chacune de ces évaluations, un terme de comparaison plus approprié, que le terme de comparaison ultime ne soit pas inadéquat et que l'analogie de la situation économique des communes en cause puisse être admise. Dans le cas où le juge de l'impôt retient une évaluation par comparaison en application des dispositions du 2° de l'article 1498 du code général des impôts, il ne peut prononcer une décharge des cotisations primitives de la part foncière de la taxe professionnelle lorsqu'il écarte un terme de comparaison proposé par les parties mais il doit, au vu des éléments dont il dispose ou qu'il sollicite par un supplément d'instruction, rechercher un terme de comparaison qu'il estime, par une appréciation souveraine, pertinent et dont il vérifie la régularité, et à défaut de terme de comparaison pertinent, déterminer la valeur locative par voie d'appréciation directe.
6. La société requérante conteste les modalités d'évaluation des valeurs locatives des huit locaux de son établissement commercial sis route de la Gabarre dans la commune des Abymes, d'une surface pondérée totale de 8 165 m², que l'administration fiscale a évalués par méthode comparative, en se référant aux locaux-types n° 41, n° 50, n° 51 et n° 52 des procès-verbaux de la révision foncière de ladite commune et des procès-verbaux complémentaires. Elle réclame, à titre principal, que soit utilisé le local-type n° 53 du procès-verbal complémentaire de la commune de Baie-Mahaut ou, à titre subsidiaire, le local-type n° 18 du procès-verbal d'origine de cette dernière commune, en appliquant dans un cas comme dans l'autre un abattement de 20 % sur le fondement de l'article 324 de l'annexe III au code général des impôts.
7. S'agissant, en premier lieu, du local-type n° 41 du procès-verbal de la révision foncière de la commune des Abymes du 27 janvier 1977, qui correspond à un établissement construit en 1970, à usage de dépôt situé Morne Caruel et dans un état d'entretien considéré comme " bon ", la requérante fait valoir qu'il ne peut être retenu, à défaut d'établir que l'activité de dépôt y était toujours exercée au 1er janvier 2015, ce que ne démontreraient pas les recherches qu'elle a effectuées. Cependant, l'administration fiscale, qui a produit en première instance la copie de l'extrait du procès-verbal d'évaluation du 21 janvier 1977 de la commune des Abymes, précise que ce local, qui a été construit en 1970, était occupé par la société GUP, centre d'entretien et de réparation automobile de vente de pneus et d'accessoires automobiles, qu'il figure toujours au procès-verbal de la commune et n'a pas été invalidé. Par suite, la requérante, qui n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations, ne critique pas utilement ce terme de comparaison utilisé par l'administration fiscale.
8. S'agissant, en deuxième lieu, des locaux-types n° 50 et n° 51, inscrits sur le procès-verbal complémentaire des évaluations foncières des Abymes du 23 septembre 2004, il résulte de l'instruction, d'une part, qu'ils ont été construits, respectivement, en 1995 et 1989 à Baie-Mahaut, le premier, estimé dans un état d'entretien " bon ", étant occupé par la société Arnoux et Fils pour son activité de vente et réparation automobiles, le second, dans un état d'entretien " assez bon ", par la société Auto Guadeloupe Investissement elle-même, et, d'autre part, qu'ils ont été évalués par comparaison avec le local-type n° 31, qui figure sur le procès-verbal d'origine des Abymes du 27 janvier 1977, produit par l'administration. Ce local-type n° 31, situé dans la commune de Pointe-à-Pitre, limitrophe de la commune des Abymes, était occupé par la société Auto Caraïbes pour y exercer une activité de vente de voitures. La construction avait été considérée dans un état d'entretien " bon " à l'établissement du procès-verbal. Par suite, la société ne peut se prévaloir de ce que le mode d'évaluation des locaux-type n° 50 et n° 51 serait inconnu.
9. Si, en outre, en appel, la société Auto Guadeloupe Développement se prévaut, dans le dernier état de ses écritures, de ce que le local-type n° 31 aurait été supprimé en 2004, comme le montrerait le procès-verbal qu'elle produit en annexe à son mémoire en réplique, ce document, non daté et dont l'origine n'est pas établie, est illisible et ne permet donc pas à la cour d'apprécier la portée de ce moyen.
10. S'agissant, en troisième lieu, du local-type n° 52, inscrit au procès-verbal des évaluations foncières des Abymes du 31 janvier 2005, il s'agit d'un local à usage de bureau, construit en 1978, et qui a été évalué par comparaison avec le local-type n° 20 du procès-verbal de la commune de Saint-François, produit par l'administration, comparaison que conteste la société Auto Guadeloupe Développement. Ce local n° 20 correspond à des bureaux construits en 1968 et situés dans la commune du Gosier. L'état d'entretien de la construction a été considéré comme " bon ". Cependant, si la requérante fait valoir que ses recherches, menées sur internet, ont montré qu'aucune activité de bureau n'était exercée dans ce local, cette adresse ne regroupant que des entreprises hôtelières ou assimilées, elle ne produit aucun élément à l'appui de cette allégation alors qu'il résulte de l'instruction qu'il a été régulièrement inscrit au procès-verbal de la commune de Saint-François et n'a pas été invalidé.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Auto Guadeloupe Développement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande à fin de décharge des impositions litigieuses, en tant qu'elles portent sur un montant de 83 582 euros.
Sur les frais de l'instance :
12. L'État n'étant pas partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Auto Guadeloupe Développement relatives aux frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Auto Guadeloupe Développement est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Auto Guadeloupe Développement, ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.
La rapporteure,
Florence Rey-Gabriac
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03130