Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 avril 2021, Mme B..., veuve A..., représentée par Me Durand, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 15 décembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui remettre une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande devant les premiers juges était recevable ;
S'agissant du refus de titre de séjour,
- il appartient au préfet de produire l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, afin de s'assurer que les prescriptions prévues par les dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été observées :
- il ne ressort par ailleurs d'aucune pièce de procédure que l'avis ait été rendu dans le respect de la collégialité ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit dans l'application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle ne peut être traitée en Albanie ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français,
- la décision est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit dans l'application du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi,
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 et 13 janvier 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Par décision du 18 mars 2021, Mme D... B..., veuve A..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-347 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... B... veuve A..., ressortissante albanaise née le 10 avril 1960 à Tirana (Albanie), est entrée en France le 18 octobre 2018 sous couvert d'un passeport en cours de validité pour y présenter une demande d'asile, le 3 décembre 2018, laquelle a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 mars 2019, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 12 août 2019. Le 25 avril suivant, elle a déposé une demande de délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par arrêté du 13 janvier 2020, le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un tel titre, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Elle relève appel du jugement du 15 décembre 2020 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".
3. En premier lieu, le moyen tiré de ce que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 26 août 2019, que le préfet a produit devant les premiers juges, ne respecterait pas les prescriptions prévues par les dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
4. En deuxième lieu, l'avis en cause porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant " et a été signé par les trois médecins composant le collège de médecins. En se bornant à soutenir qu'" il ne ressort d'aucune pièce de procédure que l'avis ait été rendu dans le respect de la collégialité ", la requérante ne contredit pas les mentions de l'avis, lesquelles font foi jusqu'à preuve du contraire.
5. En troisième lieu, l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 26 aout 2019 mentionne que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que l'état de santé de l'intéressée peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. La requérante soutient que les soins nécessaires à son état de santé ne sont pas disponibles en Albanie et produit des certificats médicaux qui font état de la gravité des pathologies dont elle souffre, laquelle n'est pas contestée. S'agissant de la disponibilité des soins en Albanie, elle se borne à produire le certificat d'un oncologue du 16 avril 2019, qui atteste que le Tamoxifene n'est pas disponible en Albanie, sans établir ni même alléguer qu'elle ne pourrait y bénéficier d'un autre traitement adapté à son état de santé. Ainsi, Mme B... ne contredit pas l'appréciation portée par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et le préfet sur la possibilité d'être traitée dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation dans l'application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. Aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable: " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...)3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III ".
7. En premier lieu, il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté.
8. En deuxième lieu, il ressort des dispositions rappelées au point 9 que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas spécifiquement motivée doit être écarté.
9. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, le moyen titré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
10. En premier lieu, il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
11. En second lieu, la décision contestée mentionne que " l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine " et est dès lors suffisamment motivée.
12 Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande devant le premier juge, que Mme B... veuve A..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles 37 de la loi n° 91-347 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... B..., veuve A..., est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., veuve A..., et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente assesseure,
Mme Nathalie Gay, première conseillère.
Rendu public après mise à disposition au greffe le 24 mars 2022.
La rapporteure,
Frédérique C... Le président
Éric Rey-Bèthbéder La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX01659