Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me Irène Baton représentant la société Match et de Me Charles-Eric Thoor substituant Me David Bozzi représentant la SNC Lidl.
Une note en délibéré présentée par la SNC Lidl a été enregistrée le 9 février 2022.
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions à fin d'annulation :
1. La SNC Lidl a déposé une demande de permis de construire le 1er février 2019 dans le but de démolir une surface de vente existante de 995 m² à l'enseigne " Lidl " située 25 rue Clémenceau à Wattignies et d'édifier, sur le même terrain et pour la même enseigne, une nouvelle surface de vente d'une superficie de 1 420 m². Le projet a reçu, le 25 juillet 2019, un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial du Nord. Par un avis du 21 novembre 2019, la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé par les sociétés Supermarchés Match, Cora et Auchan Hypermarché. Avant l'intervention de cet avis, le maire de Wattignies a accordé le permis de construire sollicité, par un arrêté du 5 septembre 2019 dont la société Supermarchés Match demande l'annulation en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.
En ce qui concerne la légalité externe :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire a été délivré par M. A... B..., maire de la commune de Wattignies. Par suite, et alors même que l'arrêté mentionne la qualité de conseiller communautaire du signataire de l'acte, le moyen tiré de l'incompétence de l'arrêté contesté doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ".
5. Si la requérante soutient qu'il n'est pas établi que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial aient été convoqués en temps utile, ni même qu'un dossier comportant les pièces mentionnées à l'article R. 752-35 du code de commerce leur ait été communiqué, il ressort des pièces du dossier que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été convoqués le 6 novembre 2019 à la séance du 21 novembre 2019 au cours de laquelle la Commission a examiné le projet de la SNC Lidl. La lettre de convocation informait ses destinataires que les documents utiles seraient mis à leur disposition sur une plateforme de téléchargement cinq jours au moins avant la tenue de la séance. Dans ces conditions, et alors que la société requérante ne fait état d'aucun élément précis de nature à établir l'irrégularité de la convocation, son moyen doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 752-6 du code du commerce, dans sa rédaction alors applicable : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : / (...) / 4° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : / (...) / g) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial ; / (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que s'il est prévu dans le projet que les véhicules de livraison accéderont au site par la même voie d'accès que les clients, la société Lidl envisage aussi la possibilité de créer un accès spécifique pour les véhicules de livraison. Si la requérante soutient qu'aucune garantie n'a été apportée quant au financement de cet aménagement et aux accords nécessaires pour la création de cette voie, sa réalisation n'est pas nécessaire à la desserte du projet et ne présente au demeurant aucun caractère certain. Dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
8. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable : " (...) / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / (...) / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / (...) / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / (...) / ".
9. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet aux objectifs énoncés par la loi au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation de ces objectifs.
S'agissant de l'objectif d'aménagement du territoire :
10. Il ressort des pièces du dossier que le projet s'implante sur la parcelle occupée par le supermarché existant ainsi que sur une parcelle mitoyenne de plus de 3 000 m² actuellement à l'état naturel. Il est par ailleurs constant que la superficie totale du bâti sera de 2 293 m² intégralement de plain-pied et que la surface de parking, de plain-pied également, sera portée de 3 484 m² à 4 917 m², soit une augmentation de 40 %. Il existe ainsi une disproportion entre la surface occupée par les parkings et celle du bâtiment. Dans ces conditions, le projet ne permet pas une consommation économe de l'espace en matière de stationnement.
11. Toutefois, en premier lieu, il est constant que le projet de la SNC Lidl consiste à reconstruire et à agrandir un supermarché dont la surface de vente passera de 995 m² à 1 420 m². Cet établissement était exploité depuis 2009 et il ressort du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale que le nombre d'articles référencés restera stable. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le bâtiment projeté prendra place au sein d'un environnement mixte d'habitat et d'activités diverses dans un paysage urbain dense, à un kilomètre environ du centre-ville et à proximité du quartier prioritaire de la ville du secteur du sud de Lille, Faches-Thumesnil, Loos, Lezennes, Wattignies. Il n'est en outre pas sérieusement contesté que le centre-ville de Wattignies ne connaît pas de vacance commerciale. Enfin, il n'est pas établi que le projet aura un effet négatif sur les commerces de proximité implantés à Wattignies ou à Seclin.
12. En deuxième lieu, la requérante ne peut utilement invoquer, dans un litige concernant l'appréciation d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale par la Commission nationale d'aménagement commercial, le moyen tiré de ce que certains éléments du projet en cause sont prévus au sein de l'emplacement réservé par la commune pour un projet d'élargissement de voie, en méconnaissance du plan local d'urbanisme de la commune de Wattignies.
13. En troisième lieu, si la requérante soutient que la voirie, trop étroite, présente des risques pour la sécurité publique, ces risques, au demeurant non établis, sont sans rapport avec la méconnaissance de l'objectif d'aménagement du territoire. Par ailleurs, le moyen analysé au point 7 et présenté par la requérante au titre de la légalité interne, est également sans incidence sur l'objectif d'aménagement du territoire.
14. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que le site est desservi par plusieurs lignes de bus dont les arrêts se situent à environ 100 mètres de l'entrée de l'aire de stationnement. Il existe également de nombreux aménagements piétonniers aux alentours de la surface commerciale qui comprendra en outre un cheminement piétonnier matérialisé au sol. Si le projet ne prévoit pas de piste cyclable, le site est néanmoins accessible par les cyclistes par le biais des voies existantes et comportera une aire pouvant accueillir 16 vélos.
S'agissant de l'objectif de développement durable :
15. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le bâtiment projeté prend place en partie sur une parcelle à l'état naturel. Toutefois, une part importante du terrain occupé par le magasin existant, jusque-là imperméabilisée, sera rendue à nouveau perméable. Les éléments du dossier montrent que le projet n'imperméabilise que 15 m² supplémentaire par rapport à l'existant et que les surfaces perméables représenteront 40 % du terrain d'assiette du futur établissement, alors qu'elles en représentaient 13 % avant les travaux. Dans ces conditions, l'imperméabilisation des sols n'est pas de nature à justifier un refus d'autorisation.
16. En deuxième lieu, s'il ressort des pièces du dossier que la commune et donc le terrain support du projet se trouvent dans l'aire d'alimentation de captages et que la vulnérabilité de la nappe est qualifiée de forte, il n'est pas établi qu'à la date de la décision contestée, le terrain aurait été concerné par un dispositif de protection spécifique tel que l'inscription dans le périmètre de champ captant (PIG). Contrairement à ce qui est allégué, le comité partenarial " Territoire Sud " sur le secteur de l'alimentation des captages au sud de Lille n'avait pas à être consulté sur les risques générés par le projet, notamment en raison des risques d'infiltration d'hydrocarbures dans l'aire de captage lors de la réalisation d'aires de parking perméables. Il ressort en outre des pièces du dossier et en particulier du rapport de la Commission nationale d'aménagement commercial que la société pétitionnaire a réalisé une notice hydraulique, citée en annexe de ce rapport, et que la voirie sera dotée d'un séparateur à hydrocarbures permettant de dépolluer les eaux. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet aurait un effet négatif sur la gestion des eaux pluviales ou la préservation de l'environnement.
17. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet présente une architecture contemporaine habituelle de ce type d'activité. Il prend place dans un environnement mixte d'habitat et d'activités. Si les constructions les plus proches présentent un front bâti le long de la rue Clémenceau que la construction projetée vient interrompre en s'implantant à environ 100 mètres de l'alignement, il ressort des pièces du dossier que la construction existante était déjà édifiée en retrait de l'alignement. En outre, la plupart des constructions massives accueillant des activités et situées à proximité du projet sont implantées en retrait de l'alignement. Par ailleurs, le projet prévoit un renforcement des espaces verts qui sera de nature à estomper la perception du nouveau bâtiment depuis la rue Clémenceau. Enfin, le projet reprend le ton blanc présent sur de nombreuses constructions voisines recouvertes de crépi ou dont les briques sont peintes en blanc. Dans ces conditions, et en dépit de la visibilité du quai de livraison, l'insertion architecturale du projet est satisfaisante.
18. Dans ces conditions, la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas commis d'erreur d'appréciation en considérant que le projet ne portait pas atteinte à l'objectif de développement durable.
19. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 11 à 17 et dès lors que l'effet relevé au point 10 de consommation non économe de l'espace en matière de stationnement sera largement atténué par la perméabilisation d'une grande partie des places de stationnement, permettant ainsi l'infiltration des eaux et limitant en conséquence à 15 m2 l'augmentation de la surface imperméabilisée, la superficie excessive du parking créé par le projet ne saurait à elle seule justifier le refus d'accorder l'autorisation sollicitée. La Commission nationale d'aménagement commercial n'a donc pas fait une inexacte application de l'article L. 752-6 du code de commerce.
20. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 5 septembre 2019.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
21. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties, les frais d'instance qu'elles ont exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Supermarchés Match est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la SNC Lidl présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Supermarchés Match, à la SNC Lidl et à la commune de Wattignies et à la Commission nationale d'aménagement commercial.
N°20DA00176 2