3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me Antoine Le Dylio représentant la société Ferme éolienne de Mont Joie.
Considérant ce qui suit :
1. La société Ferme éolienne de Mont Joie a adressé le 27 juin 2019 à la préfète de la Somme une demande d'autorisation environnementale tendant à construire et exploiter un parc éolien composé de huit aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Soues. Par un courrier du 30 août 2019, la préfète de la Somme a demandé des compléments d'information à la pétitionnaire. Estimant que les éléments transmis le 25 mai 2020 restaient insuffisants, la préfète de la Somme a rejeté, par un arrêté du 29 septembre 2020, la demande de la société Ferme éolienne de Mont Joie. Cette dernière demande l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 29 septembre 2020 :
2. D'une part, aux termes du I de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / Ce contenu tient compte, le cas échéant, de l'avis rendu en application de l'article R. 122-4 et inclut les informations qui peuvent raisonnablement être requises, compte tenu des connaissances et des méthodes d'évaluation existantes. ".
3. Aux termes du II du même article : " En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : / (...) / 3° Une description des aspects pertinents de l'état initial de l'environnement / (...) / 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement / (...) / 8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour : / - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité (...) ".
4. Aux termes du VIII du même article : " Afin de veiller à l'exhaustivité et à la qualité de l'étude d'impact : / (...) / c) L'autorité compétente veille à disposer d'une expertise suffisante pour examiner l'étude d'impact ou recourt si besoin à une telle expertise ; / d) Si nécessaire, l'autorité compétente demande au maître d'ouvrage des informations supplémentaires à celles fournies dans l'étude d'impact, mentionnées au II et directement utiles à l'élaboration et à la motivation de sa décision sur les incidences notables du projet sur l'environnement prévue au I de l'article L. 122-1-1 ".
5. D'autre part, aux termes de l'article R. 181-34 du code de l'environnement : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : / 1° Lorsque, malgré la ou les demandes de régularisation qui ont été adressées au pétitionnaire, le dossier est demeuré incomplet ou irrégulier / (...) / La décision de rejet est motivée ".
En ce qui concerne la motivation de l'arrêté :
6. L'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent leur fondement. Il mentionne notamment les lacunes de l'étude d'impact ayant justifié une demande de régularisation et indique que les éléments fournis le 25 mai 2020 par la pétitionnaire restaient insuffisants. Dès lors, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté.
En ce qui concerne l'insuffisance de l'étude d'impact :
7. Pour rejeter la demande de la société Ferme éolienne de Mont Joie sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 181-34 du code de l'environnement, la préfète de la Somme s'est fondée sur l'incomplétude de l'étude d'impact malgré la demande de régularisation adressée à la pétitionnaire.
S'agissant des chiroptères :
8. Il résulte de l'instruction que la zone d'implantation du projet, qui s'étend à proximité d'espaces boisés, notamment le bois de Cavillon situé à 500 mètres, et de zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique, dont la plus proche est située à 1 650 mètres, présente elle-même des chemins enherbés, des haies et des bosquets. Pour mesurer la sensibilité chiroptérologique de cette zone, la pétitionnaire a effectué deux séries de prospections, l'une en 2015 et 2016, l'autre en 2018. Ces prospections ont permis d'identifier 13 espèces différentes, dont certaines présentent des risques élevés de collision ou de barotraumatisme en présence d'éoliennes. Par un courrier du 30 août 2019, la préfète de la Somme a demandé à la pétitionnaire de lui fournir des " prospections complémentaires sur une période continue avec des écoutes en altitude " aux motifs qu'un délai trop important s'était écoulé entre les deux séries de prospections et que les écoutes en altitude, réalisées à l'aide d'un ballon, n'étaient pas assez fiables. Contrairement à ce que soutient la requérante, la sensibilité chiroptérologique du site justifiait la réalisation de ces études complémentaires.
9. Si la société Ferme éolienne de Mont Joie n'a pas fourni ces études avant l'édiction de l'arrêté attaqué, elle produit dans la présente instance de nouvelles écoutes réalisées en continu et en altitude à l'aide d'un mât d'écoutes, durant un cycle biologique complet s'étendant du 3 mai au 18 novembre 2021. Il ne résulte pas de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas allégué que ces écoutes complémentaires ne répondraient pas aux demandes formulées par la préfète de la Somme. Par ailleurs, si la ministre conteste la suffisance des écoutes réalisées durant les périodes d'activité printanière et automnale, il résulte de l'instruction que les écoutes complémentaires, qui ont été réalisées sur un cycle biologique complet, n'ont pas permis d'identifier une nouvelle espèce de chiroptères et corroborent ainsi les inventaires initiaux. Dans ces conditions et sans préjudice des études supplémentaires que nécessiterait la détermination de mesures de réduction des incidences sur les chiroptères, la requérante est fondée à soutenir que l'étude d'impact, complétée en cours d'instance, comporte une analyse suffisante de la sensibilité chiroptérologique du site.
S'agissant de l'avifaune :
10. Il résulte de l'instruction que les espaces naturels mentionnés au point 8 situés à proximité de la zone d'implantation du projet, de même que les surfaces agricoles qui composent cette zone sont propices à la fréquentation de l'avifaune nicheuse. Il résulte en outre de l'instruction et notamment de l'étude d'impact que cette même zone est traversée par l'un des principaux axes de déplacement identifié en Picardie de l'avifaune migratrice. Pour mesurer la sensibilité du site, la pétitionnaire a réalisé 24 prospections diurnes et 13 nocturnes en 2015, 2016 et 2018. Ces mesures ont permis de relever la présence d'au moins 64 espèces nicheuses différentes, dont deux à fort enjeu patrimonial, ainsi qu'une présence diffuse d'espèces migratrices. Par un courrier du 30 août 2019, la préfète de la Somme a demandé à la pétitionnaire de réaliser des " prospections complémentaires sur une période continue " afin de disposer de données " suffisantes, récentes et d'un même tenant ". Il est constant que ces compléments n'ont pas été fournis par la pétitionnaire avant l'édiction de l'arrêté attaqué.
11. Si la requérante conteste la nécessité de prospections complémentaires, la ministre fait valoir, sans être sérieusement contredite, que la méthode de recensement utilisée, dite de " l'indice ponctuel d'abondance " et qui consiste à observer et compter les oiseaux depuis un point fixe durant 20 minutes, n'était pas adaptée à la richesse ornithologique du site et qu'une méthode plus fine d'observation par plans quadrillés et sur un cycle biologique complet aurait dû être mise en œuvre. La ministre fait en outre valoir, sans être sérieusement contredite, que la présence d'un axe de déplacement important au-dessus de la zone d'implantation du projet justifiait la réalisation d'observations en continu des flux migratoires, en recourant à une technologie radar.
12. Par suite, en se fondant sur les seules insuffisances mentionnées au point précédent, l'autorité administrative a pu à bon droit estimer qu'eu égard à la richesse ornithologique du site, l'étude d'impact ne comportait pas une analyse suffisamment précise de l'avifaune et ne répondait pas aux prescriptions de l'article R. 122-5 du code de l'environnement. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions citées au point 5 de l'article R. 181-34 du code de l'environnement.
13. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés à l'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la société Ferme éolienne du Mont Joie demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Ferme éolienne de Mont Joie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Ferme éolienne de Mont Joie et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera transmise, pour information, à la préfète de la Somme.
N° 21DA01900
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