Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 février 2018 et un mémoire, enregistré le 29 mars 2018, la SCI des Clos du Mont, représentée par Me E... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;
3°) d'enjoindre au maire de Charly-sur-Marne d'annuler l'arrêté du 4 mai 2015 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Charly-sur-Marne la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, sa note en délibéré n'étant pas visée dans le jugement et n'ayant pas été analysée par le tribunal ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de forme dès lors qu'il n'est pas établi, en méconnaissance des articles R. 424-11 et R. 424-12 du code de l'urbanisme et L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, qu'il soit exécutoire et que le pétitionnaire ait été informé de sa transmission au représentant de l'Etat ;
- l'article A. 424-2 du code de l'urbanisme a été méconnu dès lors que le lieu des travaux n'est pas suffisamment précis ;
- aucun avis des personnes publiques intéressées n'a été recueilli en méconnaissance de l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme ;
- le projet architectural n'est pas complet en méconnaissance des articles L. 431-2 et R. 431-12 du code de l'urbanisme ;
- le projet ne respecte pas l'article UA11 du règlement du plan local d'urbanisme et l'article R. 431-14 du code de l'urbanisme en ce que le projet ne s'intègre pas dans l'environnement présent et ne respecte pas la perspective monumentale que constitue l'église de Drachy ;
- le projet se situe dans une zone de risque d'effondrement ;
- sa propriété subira du fait du projet une perte d'ensoleillement, une perte de vue ainsi qu'une baisse de sa valeur vénale ;
- le projet entre dans le champ d'application du décret n° 2004-490 relatif aux procédures administratives et financières en matière d'archéologie préventive et à ce titre la procédure de l'article R. 425-31 du code de l'urbanisme aurait dû être respectée ;
- les règles de distance ne sont pas respectées en méconnaissance de l'article L. 111-3 du code rural ;
- les niveaux altimétriques du projet ne sont pas conformes à la réalité, en ce que le projet est situé plus d'un mètre en dessous du niveau de la zone inondable et que le remblai nécessaire est bien supérieur au projet présenté, le titulaire aurait dû déposer une demande d'autorisation de remblai ;
- M. B... qui n'est pas viticulteur ne justifie pas en quoi son projet serait lié à l'exploitation d'une activité agricole ou viticole.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2018, M. A... B..., représenté par l'AARPI Quennehen-Tourbier, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SCI des Clos du Mont de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,
- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,
- et les observations de Me F... D..., représentant la commune de Charly-sur-Marne.
Considérant ce qui suit :
1. Le 4 mai 2015, M. A... B... a obtenu un permis de construire un hangar agricole et des boxes pour chevaux sur des parcelles lui appartenant, cadastrées section A nos 316 et 392, situées chemin rural dit des Patis à Charly-sur-Marne. La SCI des Clos du Mont, propriétaire d'un terrain voisin, a formé un recours gracieux contre cet arrêté qui a été rejeté par une décision du maire de Charly-sur-Marne le 8 septembre 2015. Cette société relève appel du jugement du 19 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la recevabilité de la requête :
2. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " En cas (...) de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, (...) l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (...) La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt (...) du recours. / (...). / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux ".
3. Aux termes de l'article A. 424-17 du même code : " Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : / " Droit de recours : / " Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code de l'urbanisme). / " Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d'irrecevabilité, être notifié à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R. 600-1 du code de l'urbanisme)." ". L'article A. 424-18 du même code précise que : " Le panneau d'affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier ".
4. Il résulte de la combinaison des dispositions citées aux deux points précédents que l'irrecevabilité tirée de l'absence d'accomplissement des formalités de notification prescrites par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ne peut être opposée, en première instance ou en appel, qu'à la condition que l'obligation de procéder à cette notification ait été mentionnée dans l'affichage du permis de construire.
5. Il ressort des pièces du dossier, et ainsi qu'il sera dit au point 10, que les mentions portées sur le panneau d'affichage du permis de construire en litige étaient illisibles. Par suite, l'irrecevabilité mentionnée au point précédent ne saurait être opposée à la requête de la SCI des Clos du Mont.
Sur le bien- fondé du jugement :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
6. En premier lieu, en vertu de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, le délai de recours contre une décision administrative est de deux mois. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) et pendant toute la durée du chantier. (...) / Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme règle le contenu et les formes de l'affichage ".
7. S'il incombe au bénéficiaire d'un permis de construire de justifier qu'il a accompli les formalités d'affichage prescrites par les dispositions citées aux points 3 et 6, le juge doit apprécier la continuité de l'affichage en examinant l'ensemble des pièces qui figurent au dossier qui lui est soumis.
8. M. B... soutient avoir procédé à l'affichage de son permis de construire le 7 mai 2015 sans toutefois apporter aucun élément à l'appui de ses allégations. La SCI des Clos du Mont soutient, quant à elle, que l'affichage n'a été réalisé que le 15 mai suivant. Elle verse au dossier en outre, une photographie, certes non datée, d'un panneau d'affichage dont les mentions sont illisibles. Par suite, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'affichage ait été régulier et continu pendant la période de deux mois prévue par les dispositions de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme, ni, par suite, qu'il ait été de nature à faire courir le délai de recours contentieux. Dès lors, M. B... n'est pas fondé soutenir que la demande de première instance de la SCI des Clos du Mont serait tardive.
9. En second lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa version alors applicable : " Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
10. La SCI des Clos du Mont est propriétaire de la parcelle immédiatement voisine du lieu d'implantation du projet qui, selon elle, entraînerait, compte tenu de son implantation, une perte d'ensoleillement et de vue. Par suite, M. B..., qui ne conteste pas la réalité de ces nuisances, n'est pas fondé à soutenir que la SCI des Clos du Mont ne justifiait pas, en première instance, d'un intérêt à agir.
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation :
11. Aux termes de l'article A2 du règlement annexé au plan local d'urbanisme de Charly-sur-Marne : " Sont autorisés nonobstant l'article A1 : au sein de la zone A / les reconstructions, extensions, modifications et bâtiments nouveaux à vocation agricole et viticole liées et nécessaires au siège des exploitations en place à la date d'approbation du PLU ".
12. Pour vérifier que la construction ou l'installation projetée est nécessaire à cette exploitation, l'autorité administrative compétente doit s'assurer au préalable, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la réalité de l'exploitation agricole, au sens de ces dispositions, laquelle est caractérisée par l'exercice effectif d'une activité agricole ou forestière d'une consistance suffisante. Par ailleurs, le lien de nécessité, qui doit faire l'objet d'un examen au cas par cas, s'apprécie entre, d'une part, la nature et le fonctionnement des activités de l'exploitation agricole et, d'autre part, la destination de la construction ou de l'installation projetée.
13. M. B... a, lors de l'instruction de sa demande de permis de construire un hangar agricole avec création de box pour chevaux, indiqué qu'il était viticulteur et que le hangar était destiné à recevoir des outils, des matériaux et des véhicules de culture de la vigne. Il a également précisé que ce hangar serait idéalement situé à proximité de son exploitation viticole, la SARL Champagne Antoine B.... Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B... n'était plus le gérant de cette société à la date de la demande de permis de construire. En effet, M. B... se présente dans ses écritures d'appel en qualité de bailleur de biens agricoles. Si cette circonstance ne fait pas nécessairement obstacle à ce que la construction projetée soit regardée comme liée à une exploitation agricole, il appartient toutefois au pétitionnaire de démontrer qu'elle est effectivement affectée à une telle exploitation. Or, M. B... n'établit pas que la construction projetée serait destinée à la SARL Champagne Alain B..., qu'il ne dirige plus et dont le siège se situe, au demeurant, à un autre endroit de la commune. Il n'apporte pas davantage d'élément relatif aux conditions concrètes de l'activité agricole à laquelle il prétend consacrer la construction projetée. Par suite, M. B... ne démontre pas que cette construction serait nécessaire à une exploitation agricole en place à la date d'approbation du plan local d'urbanisme. Dès lors, la SCI des Clos du Mont est fondée à soutenir que l'arrêté en litige est illégal et doit être annulé.
14. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués par l'appelante n'est, en l'état du dossier soumis à la cour, susceptible d'entraîner l'annulation de l'arrêté attaqué.
15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'irrégularité du jugement soulevé par la SCI des Clos du Mont, que cette dernière est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fin d'injonction :
16. Compte tenu de ce qui a été dit au point 15, il n'y a pas lieu, en tout état de cause, de faire droit aux conclusions présentées par la SCI des Clos du Mont, tendant à ce qu'il soit fait injonction à la commune de Charly-sur-Marne d'annuler le permis de construire en litige.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SCI des Clos du Mont, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme réclamée sur leur fondement par M. B....
18. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Charly-sur-Marne une somme de 1 500 euros à verser à la SCI des Clos du Mont sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 19 décembre 2017 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 4 mai 2015 par lequel le maire de Charly-sur-Marne a délivré à M. A... B... un permis de construire, ensemble la décision du 8 septembre 2015 de rejet du recours gracieux exercé contre ce permis sont annulés.
Article 3 : La commune de Charly-sur-Marne versera à la SCI des Clos du Mont la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI des Clos du Mont, à M. A... B... et à la commune de Charly-sur-Marne.
N°18DA00374 2