Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 avril 2019, M. A..., représenté par Me B... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Christian Boulanger, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant togolais, né le 31 décembre 1986, déclare être entré en France le 20 février 2016 pour y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 24 octobre 2016, et par la Cour nationale du droit d'asile, le 17 juillet 2017. Le 3 août 2017, il a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A... relève appel du jugement du 28 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 août 2018 édicté par la préfète du Seine-Maritime et lui refusant un titre de séjour, lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur la décision portant refus d'un titre de séjour :
2. L'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. La préfète, qui n'avait pas à viser toutes les circonstances de fait de la situation de M. A..., a cité les éléments pertinents dont elle avait connaissance, indiquant notamment que l'intéressé avait déclaré être célibataire et qu'il n'apportait pas d'élément probant permettant d'établir qu'il aurait fixé le centre de ses intérêts privés en France. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
3. Il ne résulte ni de la motivation de l'arrêté en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier, que la préfète de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A... avant de prendre la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation particulière de l'intéressé doit être écarté.
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
5. L'article R. 313-22 du même code dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code, dans sa version alors applicable : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...). / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
6. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative de se prononcer sur la demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade au vu de l'avis émis par un collège de médecins nommés par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Préalablement à l'avis rendu par ce collège d'experts, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin instructeur, doit lui être transmis. Le médecin instructeur à l'origine de ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet.
7. Il ne résulte, en revanche, d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office, ni que ce dernier devrait comporter la justification de la compétence des médecins auteurs de cet avis.
8. Dans le cadre de l'instruction de la demande de titre de séjour du requérant, la préfète de la Seine-Maritime a consulté le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a émis un avis le 2 mars 2018. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'attestation produite par la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de Rouen, rédigée le 7 janvier 2019 et qui n'est pas utilement contestée, que le docteur Baril, qui a rédigé le rapport médical, ne siégeait pas au sein du collège de médecins ayant rendu l'avis du 2 mars 2018 et que ce rapport a été transmis au collège de médecins le 18 décembre 2017. En outre, par la décision du 1er février 2018 modifiant la décision du 17 janvier 2017 portant désignation du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, les docteurs Sebille, Aoussou et Joseph ont reçu désignation pour siéger au sein de ce collège. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
10. Pour refuser d'accorder à M. A... la délivrance d'un titre de séjour pour raison médicale, la préfète de la Seine-Maritime a estimé, au vu notamment de l'avis émis le 2 mars 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que, si l'état de santé de l'intéressé rendait nécessaire une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. M. A... a versé au dossier trois certificats médicaux le concernant, deux émis le 14 juin 2017 et le 19 septembre 2018 par un psychiatre, et un troisième, émis le 22 juillet 2017 par un généraliste, qui certifient la nécessité pour M. A... de poursuivre son traitement, dont l'interruption pourrait lui être préjudiciable. Ces certificats, peu circonstanciés, ne sont cependant pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par la préfète. Par suite, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. M. A... ne fait état d'aucune intégration professionnelle en France. S'il se prévaut de la relation qu'il entretient avec une ressortissante française avec qui il a conclu un pacte civil de solidarité le 31 juillet 2018, il ne justifie que d'une relation récente et d'une brève vie commune alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside son enfant mineur et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans. Par suite, M. A... ne peut être regardé comme justifiant d'un motif exceptionnel, ni de considérations humanitaires à l'appui de sa demande d'admission au séjour. Dès lors, en rejetant cette demande, la préfète n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. Compte tenu des conditions et de la durée du séjour du requérant, décrites au point précédent, la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Seine-Maritime a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'autorité préfectorale aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour en litige est entaché d'illégalité.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
14. Compte tenu de ce qui a été dit au point 13, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
15. La préfète de la Seine-Maritime a versé au débat l'avis émis le 2 mars 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise au terme d'une procédure irrégulière, faute pour la préfète d'avoir saisi préalablement le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui font obstacle à ce qu'il soit fait obligation de quitter le territoire aux étrangers malades qui ne pourraient pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, doit être écarté.
17. Pour les motifs mentionnés aux points 11 et 12, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Seine-Maritime aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'elle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
18. La décision attaquée vise les textes sur lesquelles elle se fonde, précise la nationalité de M. A... et énonce que la décision attaquée ne contrevient pas aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision fixant le pays de destination de l'éloignement manque en fait.
19. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
20. M. A..., dont la demande a, au demeurant, été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, n'apporte pas d'éléments probants de nature à établir la réalité des risques personnels encourus en cas de retour au Togo. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
21. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au ministre de l'intérieur et à Me B... C....
Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.
N°19DA00827 7