Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 août 2017 et le 2 septembre 2019, l'association du Mont de couple, représentée par Me C...-D... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 juin 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 29 juillet 2013 accordant une dérogation de distance à M. C... A... ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- l'arrêté du 7 février 2005 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les élevages de bovins, de volailles et/ou de gibier à plumes et de porcs soumis à déclaration au titre du livre V du code de l'environnement ;
- l'arrêté du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration sous les rubriques nos 2101, 2102 et 2111 ;
- le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public ;
- et les observations de Me C...-D... B..., représentant l'association du Mont de couple.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., exploitant agricole, envisage de mettre en place un atelier de 200 veaux de boucherie et d'augmenter son atelier de vaches allaitantes, dont les effectifs resteront toutefois en dessous du seuil de déclaration. Afin de loger la totalité des bovins, un nouveau bâtiment doit être implanté, sur un terrain situé 730 rue Principale à Hervelinghen, à une distance de 80 mètres et de 92 mètres de la limite de la zone UD du plan d'occupation des sols de la commune. M. A... a sollicité une dérogation à la règle de distance, conformément aux dispositions de l'article R. 512-52 du code de l'environnement, pour l'implantation de bâtiments en vue de la création de cet atelier de veaux de boucherie. Le dossier de déclaration au titre de la rubrique 2101 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement a été déposé le 5 février 2013 et le récépissé de déclaration a été délivré le 22 mars 2013. Par un arrêté du 29 juillet 2013, le préfet du Pas-de-Calais a accordé à M. A... cette dérogation de distance et, par un jugement du 7 juin 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande d'annulation de cet arrêté, présentée notamment par l'association du Mont de couple. L'association relève appel de ce jugement et demande l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision attaquée :
2. L'arrêté attaqué expose la situation de l'exploitation de M. A..., notamment son implantation et sa capacité de production. Les textes applicables du code de l'environnement, ainsi que l'arrêté ministériel du 7 février 2005 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les élevages de bovins, de volailles et/ou de gibier à plumes et de porc soumis à déclaration au titre du livre V du code de l'environnement sont visés. Le sont également le rapport et les propositions circonstanciées de l'inspecteur des installations classées en date des 21 mai 2013 et 11 juin 2013. L'arrêté mentionne que les intérêts prévus par l'article L. 511-1 du code de l'environnement sont préservés, le pétitionnaire ne disposant pas de parcelles permettant d'implanter le bâtiment à distance réglementaire, que le projet n'aura pas d'incidence sur le développement de la zone urbanisable et que la nouvelle construction sera intégrée dans le paysage. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation dudit arrêté, au regard des prescriptions des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 visée ci-dessus, ne peut qu'être écarté.
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 512-10 du code de l'environnement : " Pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, le ministre chargé des installations classées peut fixer par arrêté, après consultation des ministres intéressés et du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques, les prescriptions générales applicables à certaines catégories d'installations soumises à déclaration (...). ". Le ministre chargé des installations classées a, par arrêté du 7 février 2005, fixé les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les élevages de bovins soumis à déclaration. En vertu de l'article 1er de cet arrêté, les installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration sous la rubrique 2101 (élevages de bovins) de la nomenclature sont soumises aux dispositions figurant à son annexe I. Il résulte du paragraphe 2.1.1 de cette annexe que les bâtiments d'élevage et leurs annexes doivent être implantés à au moins 100 mètres des habitations des tiers. Le même paragraphe précise toutefois que le préfet peut, sur demande de l'exploitant, dès lors que la commodité du voisinage est assurée, réduire cette distance à 50 mètres, lorsqu'il s'agit de bâtiments d'élevage de bovins sur litière. Aux termes de l'article 4 du même arrêté : " Le préfet peut, pour une installation donnée, adapter par arrêté les dispositions de l'annexe I dans les conditions prévues par l'article L. 512-12 du code de l'environnement et l'article 30 du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 susvisés ". L'article 30 de ce décret, désormais codifié à l'article R. 512-52 du code de l'environnement, dispose que : " Si le déclarant veut obtenir la modification de certaines des prescriptions applicables à l'installation, il adresse une demande au préfet, qui statue par arrêté. Les arrêtés pris en application de l'alinéa précédent (...) sont pris sur le rapport de l'inspection des installations classées et après avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques. Ils font l'objet des mesures de publicité prévues à l'article R. 512-49 (...) ". L'arrêté du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration sous les rubriques nos 2101-1, 2101-2, 2101-3, 2102 et 2111, abrogeant l'arrêté du 7 février 2005 à compter du 1er janvier 2014, prévoit, au paragraphe 2.1 de son annexe I, que : " Pour les installations existantes, les dispositions du 2.1 ne s'appliquent qu'aux bâtiments d'élevage ou à leurs annexes et parcours pour lesquels le dossier de déclaration a été déposé après le 1er janvier 2014 ou pour lesquels le changement notable a été porté à la connaissance du préfet après le 1er janvier 2014, sauf si ces bâtiments ou annexes remplacent un bâtiment existant avec une emprise au sol ne dépassant pas celle de l'existant augmentée de 10 %. ".
4. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.
5. Les règles relatives à l'implantation des bâtiments d'élevage et de leurs annexes définies par l'arrêté du 27 décembre 2013 ne s'appliquent qu'aux bâtiments et annexes pour lesquels la déclaration a été déposée après le 1er janvier 2014 ou pour lesquels un changement notable a été porté à la connaissance du préfet après le 1er janvier 2014, sauf si ces bâtiments ou annexes remplacent un bâtiment existant avec une emprise au sol ne dépassant pas celle de l'existant, augmentée de 10 %. M. A... ayant déposé son dossier de déclaration le 5 février 2013, les règles de fond que doit appliquer le juge du plein contentieux à la demande de dérogation de distance présentée par le pétitionnaire sont, par voie de conséquence, celles prévues par l'arrêté du 7 février 2005.
6. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 512-12 et R. 512-52 du code de l'environnement et de l'article 4 de l'arrêté du 7 février 2005 rappelées ci-dessus que le préfet peut, pour une installation déterminée, adapter par arrêté les règles de distance définies par le paragraphe 2.1.1 de l'annexe I de cet arrêté, au vu d'un rapport de l'inspection des installations classées et après avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques, en assortissant éventuellement sa décision de prescriptions spéciales, lorsque ne sont pas applicables les dispositions dérogatoires de ce paragraphe. Par suite, s'agissant d'un élevage de bovins sur caillebotis, le préfet pouvait légalement adapter les prescriptions générales de l'arrêté ministériel, notamment celles de la règle de distance sur le fondement de l'article 4 de l'arrêté du 7 février 2005 sans que le projet soit regardé comme une construction existante, dès lors que les circonstances locales le permettent, et, contrairement à ce que soutient l'appelante, dans le sens de l'assouplissement de ces règles.
7. L'article L. 511-1 du code de l'environnement dispose que : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Le préfet peut imposer, à l'occasion de sa décision dérogatoire aux règles de distance, des prescriptions notamment pour assurer la protection des intérêts garantis par l'article L. 511-1.
8. L'association requérante se borne à soutenir que l'atelier de 200 veaux de boucherie s'insère dans un site qui serait " remarquable " et que la commune serait " une pépite préservée, ..., disposant d'un territoire au caractère bucolique affirmé ", sans établir ni même alléguer que la dérogation à la règle de distance serait par elle-même à l'origine d'une atteinte aux lieux. Dès lors, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué porte atteinte au paysage et à la conservation des sites.
9. L'arrêté attaqué oblige à stocker le lisier dans une fosse enterrée et à l'évacuer par l'arrière de l'exploitation. L'association requérante affirme que le chemin existant est un tracé à travers champs, non enrobé, rejoignant un sentier étroit et en pente rendant impossible la circulation d'un poids lourd ou d'un tracteur. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un tracteur ou tout autre véhicule adapté ne pourrait pas évacuer ce lisier par ce chemin, déjà utilisé par des exploitants agricoles avec leurs engins. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué porte atteinte à la salubrité publique doit être écarté.
10. L'association requérante n'établit pas, par la production de photographies non datées, l'existence d'un camping au jour de la décision juridictionnelle. Dès lors, à le supposer opérant, le moyen tiré de l'existence d'un camping et d'une aire d'accueil pour campings cars manque en fait.
11. L'association soutient que le maire serait en situation de compétence liée pour refuser les permis de construire dans un rayon de 80 à 100 mètres autour des bâtiments en litige en raison de la dérogation de distance accordée et de ce que celle-ci aurait une incidence sur le développement de la zone urbanisable. La règle de réciprocité aux règles de distance prévue par l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit toutefois, au 4e alinéa de ce même article, que : " par dérogation aux dispositions du 1er alinéa, une distance d'éloignement inférieure peut être autorisée par l'autorité qui délivre le permis de construire, après avis de la chambre d'agriculture, pour tenir compte des spécificités locales. ". Dès lors, en l'absence de compétence liée de l'autorité administrative, le moyen invoqué doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, l'association du Mont de couple n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à l'association requérante de la somme qu'elle réclame au titre des frais liés au litige.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'association du Mont de couple est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association du Mont de couple, à M. C... A... et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.
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N°17DA01620