Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 août 2019, M. et Mme G..., représentés par Me I... B..., et un mémoire, enregistré le 24 septembre 2020 M. et Mme G..., représentés ensuite par Me A... C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille ;
2°) d'annuler les décisions des 20 mai et 8 août 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'établissement public foncier du Nord-Pas-de-Calais la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me A... C..., représentant M. et Mme G..., et de Me F... H..., représentant l'établissement public foncier du Nord-Pas-de-Calais.
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions à fin d'annulation :
1. Mmes J...-D... et D..., propriétaires d'un immeuble situé sur les parcelles AD 334 et 415 au 36 quai des Salines à Saint-Omer, ont adressé à la commune de Saint-Omer, le 1er avril 2016, une déclaration d'intention d'aliéner ce bien au profit des époux G....
2. Le 20 mai 2016, le directeur général de l'établissement public foncier du Nord-Pas-de-Calais a exercé le droit de préemption urbain sur le bien en cause. M. et Mme G... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler d'une part cette décision et d'autre part celle qui a rejeté leur recours gracieux. Le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 18 juin 2019 dont M. et Mme G... font appel.
En ce qui concerne le moyen tiré de la tardiveté de la décision de préemption :
3. Aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée ou, en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix, ainsi que les informations dues au titre de l'article L. 514-20 du code de l'environnement. Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière. (...). Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. (...) ".
4. Aux termes de l'article R. 213-7 du même code : " I. - Le silence gardé par le titulaire du droit de préemption dans le délai de deux mois qui lui est imparti par l'article L. 213-2 vaut renonciation à l'exercice de ce droit. Ce délai court à compter de la date de l'avis de réception postal du premier des accusés de réception ou d'enregistrement délivré en application des articles L. 112-11 et L. 112-12 du code des relations entre le public et l'administration, ou de la décharge de la déclaration faite en application de l'article R. 213-5. ".
5. D'une part, il résulte de la combinaison des dispositions précitées, qui visent notamment à garantir que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption puissent savoir de façon certaine et dans les plus brefs délais s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise, que lorsque le titulaire du droit de préemption a décidé de renoncer à exercer ce droit, que ce soit par l'effet de l'expiration du délai de deux mois imparti par la loi ou par une décision explicite prise avant l'expiration de ce délai, il se trouve dessaisi et ne peut, par la suite, retirer cette décision ni, par voie de conséquence, légalement décider de préempter le bien mis en vente.
6. D'autre part, la réception d'une déclaration d'intention d'aliéner ouvre à l'autorité titulaire du droit de préemption mentionné à l'article L. 213-1 du code de l'urbanisme la possibilité d'exercer légalement ce droit, alors même, sauf lorsque le code de l'urbanisme en dispose autrement, qu'elle aurait renoncé à en faire usage à la réception d'une précédente déclaration d'intention d'aliéner du même propriétaire portant sur la vente du même immeuble aux mêmes conditions.
7. Il ressort des pièces du dossier que le notaire de Mmes J...-D... et D... a adressé une déclaration d'intention d'aliéner un immeuble situé 36 quai des Salines à Saint-Omer au profit des époux G..., le 4 mars 2016, à la commune de Saint-Omer qui l'a reçue le 7 suivant. Cette déclaration mentionnait les références et la surface des parcelles concernées, le prix de 160 000 euros et la commission d'agence de 8 000 euros. A la suite de cette déclaration, aucune demande de communication de document ou de visite n'a été faite et le délai légal de deux mois a expiré le 7 mai 2016 sans que le droit de préemption ait été exercé.
8. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le même notaire a adressé une nouvelle déclaration d'intention d'aliéner, le 1er avril 2016, à la commune de Saint-Omer qui l'a reçue le 5 suivant. Cette déclaration comportait les mêmes informations que la déclaration précédente, à la seule exception de la mention, faite pour la première fois, d'une évaluation du mobilier meublant la maison à hauteur de 2 000 euros, et elle a été transmise à la communauté d'agglomération de Saint-Omer puis à l'établissement public foncier du Nord-Pas-de-Calais, titulaire du droit de préemption urbain par délégation.
9. Compte tenu de ce qui a été dit au point 6, sachant que cette nouvelle déclaration d'intention d'aliéner a procédé de la seule initiative du notaire de Mmes J...-D... et D... et alors au surplus qu'elle comportait une modification, même de portée limitée, par rapport à la déclaration précédente, un nouveau délai de préemption de deux mois a été ouvert au bénéfice de l'établissement public foncier du Nord-Pas-de-Calais le 5 avril 2016.
10. Il résulte de ce qui précède que la décision de préemption attaquée, prise le 20 mai 2016, n'a pas méconnu les dispositions citées aux points 3 et 4 et n'était pas tardive.
En ce qui concerne les moyens tirés de la violation des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code l'urbanisme :
11. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) "
12. Aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations. "
13. Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.
S'agissant de la motivation :
14. Il ressort des termes mêmes de la décision en litige qu'elle a été prise dans le cadre d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat et de renouvellement urbain concernant le quartier du centre-ville de Saint-Omer situé à proximité de la gare, en vue de créer des logements en mixité, une résidence étudiante, un plateau accueillant des professionnels de santé et d'autres éléments en cours d'étude. Cette décision, même si elle faisait usage de termes techniques, faisait ainsi apparaître la nature du projet en vue duquel le droit de préemption était exercé et a ainsi satisfait aux exigences de motivation résultant de l'article L. 2101 du code de l'urbanisme.
S'agissant de la réalité du projet :
15. Il ressort des pièces du dossier que l'opération programmée d'amélioration de l'habitat et de renouvellement urbain a été mise en place dès la fin 2015, un document intitulé " protocole de préfiguration du projet de renouvellement urbain " ayant fixé les grandes orientations en matière d'aménagement. Par ailleurs, une convention opérationnelle de l'opération " Saint-Omer quai du commerce et quai des Salines " fixant un périmètre du projet a été signée en dernier lieu le 13 janvier 2016.
16. Si, à la date de la décision en litige, le contenu des aménagements impliqués par ce projet n'était pas encore précisément défini, il résulte de ce qui précède que tant la détermination de l'autorité administrative à entreprendre cette opération que l'inclusion du bien en cause dans son périmètre étaient certains.
17. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la communauté d'agglomération de Saint-Omer ne justifiait pas, à la date de la délibération en litige, de la réalité d'un projet entrant dans les prévisions de l'article L. 3001 du code de l'urbanisme doit être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public foncier du Nord-Pas-de-Calais, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme G... réclament au titre des frais liés au litige.
20. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge de M. et Mme G... une somme globale de 1 500 euros à verser à l'établissement public foncier du Nord-Pas-de-Calais au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête M. et Mme G... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme G... verseront une somme globale de 1 500 euros à l'établissement public foncier du Nord-Pas-de-Calais au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me A... C... pour M. et Mme E... G... et à l'établissement public foncier du Nord-Pas-de-Calais.
N°19DA01955 2