Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2017, Mme A...D..., représentée par la SELARL Eden avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien, valable un an et portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime, à titre subsidiaire, de lui délivrer, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SELARL Eden avocats de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 contre renonciation de la part de ce conseil au bénéfice de l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 novembre 2017 du président de la cour administrative d'appel de Douai.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur la décision de refus de séjour :
1. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'arrêté attaqué, qui comprend l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde, que la préfète de la Seine-Maritime a procédé à l'examen de la situation individuelle de MmeD....
2. Mme D...ne peut utilement se prévaloir des dispositions, dépourvues de valeur règlementaire, de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. Les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leur conjoint et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Par suite, Mme D...ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inapplicables en l'espèce.
4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Par ailleurs, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que son père, de nationalité algérienne, est décédé en 1982, d'autre part, que son frère et sa soeur, de nationalité française, résident en France ainsi que sa mère, qui dispose d'une carte de résident de dix ans. Pour autant, MmeD..., de nationalité algérienne, née le 20 avril 1979 en Algérie, n'est entrée en France qu'en mai 2014, alors âgée de trente-cinq ans. A la date de l'arrêté attaqué, elle n'était en France que depuis deux ans et vivait séparée de sa mère depuis dix ans. Elle est célibataire et sans enfant à charge. Il n'est pas établi qu'elle soit dépourvue de toute famille en Algérie, pays où elle a d'ailleurs nécessairement développé, pendant ces trente-cinq années de vie continue, des relations personnelles et amicales. Par suite, la décision de la préfète de la Seine-Maritime n'a pas, compte tenu des conditions et de la durée de son séjour, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, ni les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont été méconnues.
6. Il ressort des pièces versées au dossier que si, du fait de son état de santé, la mère de Mme D...bénéficie de l'allocation personnalisée à l'autonomie et qu'elle emploie l'appelante à ce titre dans le cadre de chèques emplois service universel, cette aide est cependant limitée à 21 heures par mois, soit, en moyenne, à moins d'une heure par jour. Si l'intéressée fait valoir que ces 21 heures seraient, en réalité, insuffisantes, une telle circonstance, à la supposer même avérée, est sans influence sur la légalité de la décision attaquée dès lors qu'à la date de celle-ci aucun nouveau plan d'aide, différent de celui accepté par sa mère, n'avait été décidé. Par ailleurs, il est constant que cette dernière n'est pas isolée en France dès lors, en particulier, que son fils et son autre fille résident à quelques kilomètres seulement de son domicile. Au demeurant, il ne ressort pas formellement des pièces versées au dossier que, selon les allégations de la requérante, la mère de l'intéressée serait effectivement séparée de son second mari ou que celui-ci serait décédé. Dans les circonstances de l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que la présence en France de Mme D...auprès de sa mère serait indispensable. Si, par ailleurs, elle se prévaut des difficultés de tous ordres pour une femme non mariée de vivre seule dans une région d'Algérie dont elle est originaire, qu'elle qualifie de socialement et religieusement conservatrice, elle n'apporte, en tout état de cause, aucun élément probant à l'appui de ses affirmations de nature à justifier un maintien sur le territoire français. Par suite, et au regard également des éléments relevés au point précédent, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de MmeD....
7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 6 que la décision de refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité.
Sur la décision portant obligation de quitter :
8. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de séjour doit être écarté.
9. Le moyen tiré de ce que la préfète de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle avant de prendre la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 1.
10. L'arrêté litigieux vise les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait état de la situation privée et familiale de Mme D.... Il comporte ainsi l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles se fonde la décision portant obligation de quitter le territoire français. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit, par suite, être écarté.
11. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les même motifs que ceux énoncés au point 5.
12. Le moyen tiré de l'erreur manifeste commise dans l'appréciation des conséquences de la décision prise sur sa situation personnelle doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6.
13. Il résulte de tout ce qui a été dit aux points 8 à 12 que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité.
Sur la décision fixant le pays de destination :
14. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
15. L'arrêté contesté fait état de la nationalité algérienne de l'intéressée et relève que la décision qui lui est opposée ne contrevient pas aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, et alors que la requérante ne soutient ni même n'allègue avoir fait part à la préfète de la Seine-Maritime, dans le cadre de sa demande de titre de séjour, de risques particuliers en cas de retour en Algérie, la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée.
16. Si la requérante fait état des risques pour une femme non mariée de vivre seule dans une région d'Algérie qu'elle qualifie de conservatrice, elle n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses dires. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
17. Il résulte de ce qui a été dit aux points 14 à 16 que la décision fixant le pays de destination n'est pas entachée d'illégalité.
18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles qu'elle présente sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être également rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D..., au ministre de l'intérieur et à Me B...C....
Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 22 mars 2018 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Michel Richard, président-assesseur,
- M. Xavier Fabre, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 avril 2018.
Le rapporteur,
Signé : X. FABRELe premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°17DA02286 2