Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2017, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il annule la décision du 5 octobre 2017 fixant le pays de destination ;
2°) de rejeter la demande de M. D....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., né le 1er janvier 1992 en Afghanistan, de nationalité afghane, est entré irrégulièrement en France et a été interpellé par les services de police le 4 octobre 2017. Par un arrêté du 5 octobre 2017, le préfet du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à destination du pays dont il revendique la nationalité ou de tout autre pays où il établirait être légalement admissible et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an. Par un jugement du 12 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 5 octobre 2017 en tant qu'il fixe l'Afghanistan comme pays de destination de la mesure d'éloignement et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable.
Sur le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille :
2. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a été entendu préalablement à l'édiction de la mesure contestée, comme en témoigne le procès-verbal d'audition du 5 octobre 2017, lequel a été signé par l'intéressé et son interprète. A cette occasion, le requérant a pu faire valoir ses observations, notamment sur sa situation administrative et personnelle et sur sa volonté ou non de retourner en Afghanistan. A la question " craignez-vous pour votre vie en cas de retour dans votre pays d'origine ", il n'a assorti sa réponse affirmative d'aucune précision sur la nature de ses craintes. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il disposait d'informations tenant à sa situation qu'il a été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision.
4. Il ne ressort pas plus des pièces du dossier que des éléments d'information rendus publics par des organismes internationaux que la situation de conflit armé en Afghanistan, malgré sa gravité, serait caractérisée par un degré de violence aveugle d'un niveau si élevé qu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'un civil renvoyé dans ce pays y serait exposé, du seul fait de sa présence, à un risque réel de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si la situation prévalant dans la province de Nangarhâr peut être qualifiée de violence généralisée de forte intensité, compte tenu du nombre et de la nature des actes de violence qui ont touché la population civile, M. D... n'assortit d'aucun élément précis ou vérifiable ses affirmations selon lesquelles il serait originaire de cette province. En outre, ainsi qu'il a été dit au point précédent, M. D... n'a fait état, lors de son audition par les services de police le 5 octobre 2017, d'aucun risque particulier le concernant. Il ne démontre pas qu'il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Afghanistan. Il n'a, au demeurant, pas déposé de demande d'asile. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler la décision fixant l'Afghanistan comme pays de destination.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... contre la décision fixant le pays de renvoi devant la juridiction administrative.
Sur les autres moyens :
6. Par un arrêté du 6 mars 2017, publié le même jour au recueil spécial n° 16 des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. E... B..., chef de la section éloignement, à l'effet de signer notamment les décisions fixant le pays de destination de l'éloignement. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté.
7. L'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Sa motivation n'est pas stéréotypée. Il décide, en outre, qu'il est fait obligation à M. D... de quitter le territoire français à destination du pays dont il revendique la nationalité ou de tout autre pays où il établirait être légalement admissible. Le préfet doit ainsi être regardé comme ayant, par une décision distincte de l'obligation de quitter le territoire français, décidé que l'intéressé pourrait notamment être reconduit en Afghanistan. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
8. La légalité de la décision obligeant M. D... à quitter le territoire ayant été confirmée par le jugement du 12 octobre 2017 du tribunal administratif de Lille, l'intéressé n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 5 octobre 2017 fixant le pays de destination.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du 12 octobre 2017 est annulé.
Article 2 : La demande de M. D...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... F...D....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 22 mars 2018 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Michel Richard, président-assesseur,
- M. Xavier Fabre, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 avril 2018.
Le président-rapporteur,
Signé : M. C...Le premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°17DA02290 2