Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juin 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 14 août 2018, la SAS de Rademont et la SASU de Vincy Manoeuvre, représentées par Me F...A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) de mettre à la charge de l'EPFLO le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me D...B..., représentant les sociétés de Rademont et de Vincy Manoeuvre, et de Me E...C..., représentant l'établissement public foncier local de l'Oise et la commune de Lévignen.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 16 mai 2014, le directeur de l'établissement public foncier local de l'Oise (EPFLO), agissant par délégation de la commune de Lévignen, a décidé d'acquérir par voie de préemption un ensemble immobilier, dit " Ferme Pascarel ", situé rue du Valois, sur le territoire de cette commune. Les sociétés de Rademont et de Vincy Manoeuvre, acquéreurs évincés de cet ensemble immobilier, ont contesté cette décision devant le tribunal administratif d'Amiens. Ces deux sociétés relèvent appel du jugement du 11 avril 2017 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 16 mai 2014.
2. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 12 mai 2014 par laquelle le maire de Lévignen a délégué l'exercice du droit de préemption urbain à l'EPFLO a été transmise au contrôle de légalité le jour même. Les sociétés appelantes ne sont dès lors pas fondées à soutenir que, faute de cette transmission, cette délégation n'était pas exécutoire à la date de la décision de préemption en litige.
3. Il ressort des pièces du dossier que par une délibération du 13 mars 2014, le conseil d'administration de l'EPFLO a autorisé le directeur de cet établissement à signer tous les documents relatifs au projet d'acquisition, sur le territoire de la commune de Lévignen, des ensembles immobiliers dits " Ferme Pascarel " et " Ferme Saint-Thomas " en vue de la réalisation de logements sociaux, et notamment la convention de portage engageant l'office public d'aménagement et de construction de l'Oise à réaliser ce programme et à acquérir les biens en cause au terme de la durée du portage et les actes de vente des parcelles. Contrairement à ce que font valoir les appelantes, cette délibération n'a pas pour objet de déléguer l'exercice du droit de préemption au directeur de l'établissement, qui était déjà titulaire d'une telle délégation par l'effet d'une délibération du 18 juillet 2011, d'ailleurs visée par la décision en litige, pour exercer au nom de l'EPFLO les droits de préemption dont il est titulaire ou délégataire. En tout état de cause, il ne ressort ni des termes de la délibération du 13 mars 2014, ni d'aucune autre pièce du dossier que la commune de Lévignen ou le conseil d'administration de l'EPFLO aient entendu lier de façon indissociable ces deux opérations de construction de logements sociaux, qui ne visent d'ailleurs pas le même public. Le directeur de l'EPFLO pouvait donc, sans méconnaître les termes de cette délibération, exercer le droit de préemption urbain sur la seule " Ferme Pascarel ". Par ailleurs, si la délibération du 13 mars 2014 évoque, dans ses motifs, un prix de vente de 300 000 euros pour la " Ferme Pascarel ", ce montant, qui fait référence à la promesse de vente qui venait d'être conclue entre le propriétaire de la Ferme et les deux sociétés appelantes, pour un montant de 330 000 euros, est manifestement entaché d'une erreur matérielle. Au demeurant, le dispositif de cette délibération prévoit un plafond de 700 000 euros pour l'acquisition des deux ensembles immobiliers dits " Ferme Pascarel " et " Ferme Saint-Thomas ", la valeur de cette dernière étant estimée à 300 000 euros. Dès lors, en décidant d'acquérir par voie de préemption la " Ferme Pascarel " pour un montant de 330 000 euros, le directeur de l'EPFLO n'a pas méconnu les termes de cette délibération. Par suite, et en tout état de cause, les sociétés de Rademont et de Vincy Manoeuvre ne sont pas fondées à soutenir qu'en prenant la décision en litige, le directeur de l'EPFLO aurait méconnu les termes de l'habilitation qui lui avait été consentie par le conseil d'administration de l'établissement.
4. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.
6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'" étude de faisabilité " réalisée au mois de novembre 2013 par le maître d'oeuvre de l'office public d'aménagement et de construction de l'Oise, que l'EPFLO justifie de la réalité, à la date de la décision en litige, d'un projet consistant à aménager, sur les parcelles de l'ensemble immobilier dit " Ferme Pascarel ", des logements sociaux à destination des personnes âgées, dont il n'est pas contesté qu'il répond à l'un des objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. Dès lors, les sociétés appelantes ne sont pas fondées à soutenir que la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme citées au point 4.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance des sociétés de Rademont et de Vincy Manoeuvre, que celles-ci ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'EPFLO, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement aux sociétés de Rademont et de Vincy Manoeuvre de la somme qu'elles demandent sur ce fondement.
9. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de la société de Rademont et de la société de Vincy Manoeuvre le versement de la somme totale de 1 500 euros à l'EPFLO et à la commune de Lévignen.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des sociétés de Rademont et de Vincy Manoeuvre est rejetée.
Article 2 : Les sociétés de Rademont et de Vincy Manoeuvre verseront solidairement à l'EPFLO et à la commune de Lévignen la somme totale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS de Rademont et à la SASU de Vincy Manoeuvre, à l'établissement public foncier local de l'Oise et à la commune de Lévignen.
N°17DA01206 4