Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 juillet 2017 et un mémoire enregistré le 30 janvier 2018, M.D..., représenté par Me A...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 7 juin 2017 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de licenciement du 30 avril 2014 ;
2°) d'annuler cette décision de licenciement du 30 avril 2014 ;
3°) de condamner la Maison départementale des personnes handicapées du Nord à lui verser la somme de 6228,13 euros au titre de rémunérations restant dues pour la période antérieure à sa suspension, la somme de 13 929, 10 euros au titre des rémunérations dues pour la période comprise entre février et juin 2014 ou la somme de 30 644,02 euros au titre des rémunérations dues pour la période comprise entre février et décembre 2014 et la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral ;
4°) de mettre à la charge de la Maison départementale des personnes handicapées du Nord la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me E...F..., représentant la Maison départementale des personnes handicapées du Nord.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...a été recruté par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Nord pour exercer les fonctions de médecin, sous la forme de plusieurs contrats à durée déterminée, le dernier ayant été conclu pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014. Le 6 février 2014, le directeur de la MDPH du Nord l'a suspendu de ses fonctions. M. D...a ensuite été convoqué à un entretien préalable, qui s'est finalement déroulé le 7 avril 2014 et a été licencié, sans préavis ni indemnité de licenciement, par une décision du 30 avril 2014. Il a saisi le tribunal administratif de Lille d'un recours tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux décisions du 6 février 2014 et du 30 avril 2014 ainsi qu'à la condamnation de la MDPH à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis et à lui verser des compléments de rémunération. Par un jugement du 7 juin 2017, le tribunal administratif a annulé la décision de suspension du 6 février 2014, en estimant que les fautes reprochées au requérant par l'intéressé n'atteignaient pas le degré de gravité pouvant justifier une suspension, mais a rejeté le surplus de ses conclusions. M. D...doit être regardé comme faisant appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à la totalité de ses conclusions.
Sur la légalité de la décision de licenciement du 30 avril 2014 :
2. Selon l'article 36-1 du décret du 15 février 1988 susvisé: " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents non titulaires sont les suivantes : (...) ; 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. / La décision prononçant une sanction disciplinaire doit être motivée. ". Aux termes de l'article 37 du même décret : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité territoriale ayant le pouvoir de procéder au recrutement. / L'agent non titulaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'autorité territoriale doit informer l'intéressé de son droit à communication du dossier. "
3. Il ressort des termes de la décision du 30 avril 2014 que le licenciement de M. D... est fondé, d'une part, sur l'attitude agressive de l'intéressé et, d'autre part, sur son refus de quitter son lieu de travail après la notification de la décision de suspension. Si, par un courrier du 6 février 2014, M. D...avait été convoqué à un entretien préalable au prononcé éventuel d'un avertissement en raison de comportements agressifs ou déplacés, prévu le même jour, et informé de son droit à la communication du dossier, ces poursuites disciplinaires ont été poursuivies, ensuite, en y ajoutant un nouveau grief, tiré de l'attitude adoptée par le requérant à la suite de la notification de sa décision de suspension et en envisageant, cette fois, le prononcé d'un licenciement. Il ressort aussi des pièces du dossier que le directeur de la MDHP du Nord n'aurait pas pris, à l'encontre de M.D..., une sanction de licenciement s'il s'était fondé uniquement sur les griefs énoncés dans le courrier du 6 février 2014. Dans ces conditions, la mention, dans le seul courrier du 6 février 2014, antérieur à cette modification des poursuites disciplinaires, du droit à communication du dossier, ne peut être regardée, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, comme de nature à assurer le respect des dispositions précitées de l'article 37 du décret du 15 février 1988. La méconnaissance, par la MDHP du Nord, de ces dispositions, qui instituent une garantie en faveur des agents, entache d'illégalité la décision de licenciement du 30 avril 2014, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M.D....
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne les rappels de rémunération demandés :
4. M. D...a sollicité en janvier 2014 une régularisation des traitements perçus depuis septembre 2012, fondée, selon lui, sur une erreur du montant du supplément familial de traitement attribué ainsi qu'une erreur de calcul de son temps de travail, pour un montant total de 11 885,72 euros. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 22 avril 2014, la MDPH du Nord a informé le requérant qu'elle avait commis une erreur relative au prorata du temps partiel de travail et qu'elle lui était redevable d'une somme de 5 657,59 euros. M. D...ne justifie pas qu'une somme complémentaire de 6 228,13 euros lui resterait due dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction, que les montants du supplément familial, de l'indemnité de résidence et de l'indemnité d'exercice retenus par l'administration seraient erronés.
En ce qui concerne les rémunérations afférentes à la période pendant laquelle M. D... a été suspendu :
5. Un agent contractuel écarté provisoirement de son emploi en raison d'une procédure disciplinaire n'a pas, sauf texte contraire, droit au paiement de sa rémunération. Il est constant que M. D...n'a pas été rémunéré pendant la durée de sa suspension, entre le 6 février 2014 et le 30 avril 2014. Cette mesure de suspension a été définitivement annulée par le tribunal administratif de Lille, lequel a estimé qu'elle n'était pas justifiée. Ayant été ainsi illégalement évincé, le requérant a droit à la réparation du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre, y compris au titre de la perte des rémunérations auxquelles il aurait pu prétendre s'il était resté en fonctions. Il ne résulte pas de l'instruction que le requérant aurait perçu des revenus de remplacement pendant la période en cause. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi au titre de la perte de rémunération en l'évaluant à la somme de 7500 euros.
En ce qui concerne les préjudices résultant de la décision de licenciement :
6. La décision de licenciement est motivée par l'attitude agressive de l'intéressé " renforçant un sentiment de mal être des professionnels de la MDPH " et par son refus de quitter les locaux de la MDPH après la notification de la mesure de suspension du 6 février 2014. L'attitude agressive de M. D...est établie par le compte-rendu d'incident du 16 janvier 2014 dressé par un agent polyvalent, relatant les propos grossiers et discourtois tenus par M. D...le même jour ainsi que par l'attestation établie par la responsable adjointe du pôle évaluation de la MDPH, relatant l'altercation survenue le 6 février 2014 avec M. D...qui a conduit à la mesure de suspension. Aucun élément du dossier n'est de nature à indiquer que ces attestations seraient mensongères, comme l'affirme le requérant. Il résulte également de l'instruction que M. D... a refusé de quitter les locaux de la MDPH après que le directeur de l'établissement lui a notifié la décision de suspension et que les services de police, qui ont été appelés, ont dû recourir à la force pour qu'il quitte les lieux. Enfin, il ressort d'une attestation de la responsable des ressources humaines de la MDPH, témoin des faits reprochés du 6 février 2014, qu'elle a été alertée, par plusieurs agents, du comportement agressif de l'intéressé créant un sentiment de crainte au sein du personnel. Ainsi, et nonobstant les attestations produites en faveur du requérant par des agents n'ayant pas assisté aux faits qui lui sont reprochés, la matérialité des faits reprochés à M. D...doit être regardée comme établie. Ces faits sont de nature à justifier une sanction disciplinaire. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment des fonctions exercées par l'intéressé, la sanction de licenciement n'est pas disproportionnée.
7. Il ne résulte pas de l'instruction que le licenciement résulterait des revendications salariales émises par M. D...en janvier 2014.
8. Si la sanction de licenciement est entachée d'un vice de procédure, la même décision aurait pu être légalement prise, s'agissant tant du principe même de la sanction que de son quantum, dans le cadre d'une procédure régulière. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à demander à être indemnisé de la perte de rémunérations, au demeurant non établie, qui résulterait de ce licenciement. Par ailleurs, ni l'illégalité de la décision de suspension ni le recours par la MDHP au concours de la force publique ne sont, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de l'attitude de M.D..., de nature à justifier la condamnation de la MDHP à réparer le préjudice moral qu'il estime avoir subi.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de licenciement du 30 avril 2014 et a rejeté, à hauteur de 7500 euros, ses conclusions indemnitaires. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la MDPH du Nord le versement à M. D...de la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au titre de la MDPH du Nord au titre des mêmes dispositions ne peuvent, en revanche, qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1404214 du tribunal administratif de Lille du 7 juin 2017 est annulé.
Article 2 : La décision du 30 avril 2014 par laquelle le directeur de la Maison départementale des personnes handicapées du Nord a prononcé le licenciement de M. D...est annulée.
Article 3 : La Maison départementale des personnes handicapées du Nord est condamnée à verser à M. D...la somme de 7 500 euros.
Article 4 : La Maison départementale des personnes handicapées du Nord versera à M. D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et à la Maison départementale des personnes handicapées du Nord.
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N°17DA01437