Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2018, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M.E....
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 février 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.E..., ressortissant afghan, a déposé une demande d'asile en France le 14 septembre 2017. La consultation du fichier Eurodac a révélé qu'il avait déjà présenté une demande de protection en Hongrie, puis en Suède. Le préfet du Pas-de-Calais a adressé à chacun de ces deux Etats une demande de reprise en charge de M. E...sur leur territoire. Les autorités suédoises ont accepté cette reprise en charge par une décision du 31 août 2017, tandis que les autorités hongroises l'ont refusée par une décision du 5 septembre 2017. Par un premier arrêté du 2 novembre 2017, le préfet du Pas-de-Calais a ordonné le transfert de M. E...aux autorités suédoises et son assignation à résidence. Par un jugement n° 1709470 du 22 novembre 2017, devenu définitif, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, saisi par M.E..., a annulé l'arrêté du 2 novembre 2017. Par un second arrêté du 12 décembre 2017, le préfet du Pas-de-Calais a de nouveau ordonné le transfert de M. E... aux autorités suédoises et son assignation à résidence. Le préfet relève appel du jugement du 21 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 12 décembre 2017.
Sur les motifs d'annulation retenus par le tribunal administratif :
2. Pour annuler, par le jugement attaqué, l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 12 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur deux motifs tirés, d'une part, de la violation de l'autorité de la chose jugée par le jugement du 22 novembre 2017 et, d'autre part, de la méconnaissance de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
En ce qui concerne le motif tiré de la violation de l'autorité de la chose jugée :
3. Les articles 20 et suivants du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride fixent les règles selon lesquelles sont organisées les procédures de prise en charge ou de reprise en charge d'un demandeur d'asile par l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile. Ces articles déterminent notamment les conditions dans lesquelles l'Etat sur le territoire duquel se trouve le demandeur d'asile requiert de l'Etat qu'il estime responsable de l'examen de la demande de prendre ou de reprendre en charge le demandeur d'asile. Dans ce cadre, le paragraphe 1 de l'article 26 du règlement précise : " Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale ". Le paragraphe 1 de l'article 27 du règlement prévoit, pour sa part, que le demandeur " dispose d'un droit de recours effectif, sous la forme d'un recours contre la décision de transfert ou d'une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction ".
4. Pour pouvoir procéder au transfert d'un demandeur d'asile vers un autre Etat membre en mettant en oeuvre ces dispositions du règlement, et en l'absence de dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile organisant une procédure différente, l'autorité administrative doit obtenir l'accord de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile avant de pouvoir prendre une décision de transfert du demandeur d'asile vers cet Etat. Une telle décision de transfert ne peut donc être prise, et a fortiori être notifiée à l'intéressé, qu'après l'acceptation de la prise en charge par l'Etat requis. Le juge administratif, statuant sur des conclusions dirigées contre la décision de transfert et saisi d'un moyen en ce sens, prononce l'annulation de la décision de transfert si elle a été prise sans qu'ait été obtenue, au préalable, l'acceptation par l'Etat requis de la prise ou de la reprise en charge de l'intéressé.
5. Pour annuler, par son jugement du 22 novembre 2017, l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 2 novembre 2017 portant transfert de M. E...aux autorités suédoises, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur le motif tiré de ce que " le préfet du Pas-de-Calais n'établit pas par le seul courrier de l'agence suédoise de migration que l'accord donné par les autorités suédoises le 31 août 2017 concerne le requérant, alors du reste que les noms mentionnés dans ce courrier et dans l'arrêté attaqué diffèrent ; que, par suite, M. E...est fondé à soutenir que sa demande de reprise en charge n'a pas fait l'objet d'un accord de la part desdites autorités ".
6. L'autorité de la chose jugée qui s'attache au dispositif de ce jugement et au motif qui en est le soutien nécessaire ne faisait pas obstacle à ce que le préfet du Pas-de-Calais, après s'être assuré que l'accord de reprise en charge des autorités suédoises concernait bien M.E..., prenne à nouveau à son encontre une décision de transfert à ces autorités.
7. Il ressort des pièces du dossier que l'accord de reprise en charge donné le 31 août 2017 par les autorités suédoises concerne " B...Sakhidad ", également connu en Suède sous l'identité de " MohammadB... ". Si cette identité diffère sensiblement, dans sa rédaction, de celle de l'intimé, le préfet du Pas-de-Calais a présenté une nouvelle demande de reprise en charge le 9 octobre 2017 pour Mohamed B...E..., qui a donné lieu à une décision de refus des autorités suédoises du 12 octobre 2017 motivée par le fait que cette demande, concernant l'individu connu en Suède sous le nom de " F...B... ", avait déjà donné lieu à un accord de reprise en charge le 31 août 2017. Il résulte de ce document que les autorités suédoises ont effectivement accepté de reprendre en charge M. E...sur leur territoire. Dès lors, en décidant, au vu de ces éléments et après avoir procédé, en exécution du jugement du 22 novembre 2017, au réexamen de la situation de l'intéressé, qui a été reçu à la préfecture pour un entretien le 12 décembre 2017, de le transférer à nouveau aux autorités suédoises, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas méconnu l'autorité de la chose jugée par ce jugement. Le préfet est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 12 décembre 2017.
En ce qui concerne le motif tiré de la méconnaissance de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 :
8. D'une part, aux termes de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen (...) ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) ". Aux termes de l'article 18 de ce règlement : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : / a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre État membre ; / (...) / d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) ".
9. D'autre part, aux termes de l'article 3 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers : " 1. Les arguments de droit et de fait exposés dans la requête sont examinés au regard des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 et des listes des éléments de preuve et des indices figurant à l'annexe II du présent règlement. / 2. Quels que soient les critères et dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 invoqués dans la requête, l'État membre requis vérifie, dans les délais fixés à l'article 18, paragraphes 1 et 6, dudit règlement, de manière exhaustive et objective, et en tenant compte de toutes les informations qui lui sont directement ou indirectement disponibles, si sa responsabilité pour l'examen de la demande d'asile est établie. Si les vérifications de l'État requis font apparaître que sa responsabilité est engagée sur la base d'au moins un des critères du règlement (CE) n° 343/2003, cet État membre est tenu de reconnaître sa responsabilité ". Aux termes de l'article 4 du même règlement : " Lorsqu'une requête aux fins de reprise en charge est fondée sur des données fournies par l'unité centrale d'Eurodac et vérifiées par l'État membre requérant conformément à l'article 4, paragraphe 6, du règlement (CE) n° 2725/2000, l'État membre requis reconnaît sa responsabilité, à moins que les vérifications auxquelles il procède ne fassent apparaître que sa responsabilité a cessé en vertu des dispositions de l'article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, ou de l'article 16, paragraphes 2, 3 ou 4, du règlement (CE) n° 343/2003. La cessation de la responsabilité en vertu de ces dispositions ne peut être invoquée que sur la base d'éléments de preuve matériels ou de déclarations circonstanciées et vérifiables du demandeur d'asile ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M.E..., ressortissant afghan, a présenté des demandes d'asile en Hongrie et en Suède avant de rejoindre le territoire français, ce qu'a constaté le préfet du Nord en consultant le fichier Eurodac à la suite de la nouvelle demande de protection présentée en France par l'intéressé. En application des dispositions précitées, le préfet du Pas-de-Calais a adressé une demande de reprise en charge à chacun de ces deux Etats, qui a donné lieu à un accord exprès des autorités suédoises le 31 août 2017 délivré au titre du d) du premier paragraphe de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013 cité au point 1. Il résulte des dispositions citées au point précédent que cet accord de l'Etat requis intervient à la suite de vérifications exhaustives menées sur la base de l'ensemble des informations disponibles et manifeste la reconnaissance, par ce dernier, de sa responsabilité. En outre, les autorités hongroises ont, pour leur part, refusé de reprendre en charge M. E... sur leur territoire le 5 septembre 2017, par une décision qui énonce que, faute pour les autorités suédoises de les avoir saisies, à la suite de la demande d'asile qui leur a été présentée par l'intéressé, d'une demande de reprise en charge pendant le délai prévu à cet effet par le règlement du 26 juin 2013, la Suède est devenue l'Etat membre responsable de sa demande d'asile. Si les demandeurs d'asile peuvent contester l'application erronée des critères de responsabilité prévus par les dispositions citées au point 8, M. E..., qui se borne à faire valoir, devant la cour, qu'il a présenté une première demande d'asile en Hongrie avant de se rendre en Suède, n'établit pas, au regard notamment des termes du refus de reprise en charge des autorités hongroises, que cet Etat serait effectivement l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et que cette responsabilité n'aurait pas cessé depuis son départ. Dès lors, en décidant de le remettre aux autorités suédoises, après avoir obtenu l'accord de celles-ci, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas méconnu les dispositions du règlement du 26 juin 2013 précité. Il en résulte que le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 12 décembre 2017.
11. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E...devant la juridiction administrative.
Sur les autres moyens soulevés par M.E... :
En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'arrêté en litige :
12. Par un arrêté du 3 avril 2017, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais, M. G...C..., chef de la section éloignement de la préfecture, a reçu délégation du préfet de ce département à l'effet de signer, notamment, les décisions de transfert et d'assignation à résidence. M. E...n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige a été pris par une autorité incompétente.
En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision de transfert :
13. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...). / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...) ". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ".
14. Il ressort des pièces du dossier que M. E...a bénéficié, le 14 septembre 2017, d'un entretien individuel avec un agent habilité de la préfecture du Nord et l'assistance d'un interprète en langue dari. Le compte-rendu de cet entretien mentionne que trois brochures d'information lui ont été remises en langue anglaise, faute d'être disponibles en langue dari, mais qu'elles lui ont été traduites par son interprète. M. E...a d'ailleurs attesté avoir reçu les informations requises. L'intimé n'est dès lors pas fondé à soutenir que les formalités prévues par les dispositions citées au point 13 n'auraient pas été respectées.
15. Les motifs de l'arrêté en litige énoncent que M. E...a présenté une demande d'asile en Hongrie puis en Suède avant de se rendre en France, que les autorités suédoises " n'ont pas souhaité 'dubliner' l'intéressé et n'ont pas saisi les autorités hongroises d'une demande de reprise en charge ", qu'elles ont ainsi " décidé de se déclarer responsables de la demande d'asile de l'intéressé en faisant usage de la clause de souveraineté prévue à l'article 17 du règlement Dublin III " et qu'elles ont d'ailleurs accepté la reprise en charge de l'intimé, tandis que les autorités hongroises l'ont, pour leur part, explicitement refusée. Ce faisant, contrairement à ce que soutient M.E..., le préfet du Pas-de-Calais a mis à même l'intéressé de comprendre le motif retenu par le préfet pour désigner la Suède comme l'Etat responsable de sa demande d'asile. Le préfet du Pas-de-Calais n'était pas tenu de faire figurer, dans la motivation de sa décision, l'existence de la demande d'asile présentée en France par l'intéressé, la date de cette demande et l'autorité qui l'avait reçue, ni de préciser que les garanties procédurales prévues par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été respectées, dès lors que de telles indications ne constituent pas des motifs de la décision de transfert. M. E... n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la décision de transfert est entachée d'insuffisance de motivation.
16. Il ne ressort ni des motifs de l'arrêté en litige, ni des autres pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais, qui, ainsi qu'il a été dit au point 7, a reçu M. E...en préfecture pour un nouvel entretien le 12 décembre 2017, n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé.
17. Si le préfet du Pas-de-Calais a cité à tort, dans l'arrêté en litige, les dispositions de l'article 24 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui sont relatives à la " présentation d'une requête aux fins de reprise en charge lorsque aucune nouvelle demande a été introduite dans l'Etat membre requérant ", alors que M.E..., qui a présenté une nouvelle demande d'asile en France, relève des dispositions de l'article 23 du même règlement, relatives à la " présentation d'une requête aux fins de reprise en charge lorsqu'une nouvelle demande a été introduite dans l'Etat membre requérant ", cette erreur, pour regrettable qu'elle soit, n'est pas de nature à entacher cet arrêté d'une erreur de droit, dès lors que ces dispositions relatives à la procédure de reprise en charge de l'intéressé ne constituent pas un motif de droit de la décision de transfert.
18. Il ressort de l'ensemble des pièces du dossier qu'alors que M. E...avait, en premier lieu, saisi les autorités hongroises d'une demande d'asile, les autorités suédoises, saisies à leur tour d'une telle demande, ont choisi de l'examiner plutôt que de solliciter la reprise en charge de l'intéressé par la Hongrie sur le fondement du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Dès lors, en indiquant, dans les motifs de l'arrêté en litige, que les autorités suédoises ont " décidé de se déclarer responsables de la demande d'asile de l'intéressé en faisant usage de la clause de souveraineté prévue à l'article 17 du règlement Dublin III ", le préfet du Pas-de-Calais n'a pas fait reposer sa décision sur des faits matériellement inexacts.
19. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants ".
20. La décision contestée a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Suède et non dans son pays d'origine. Si la Suède a accepté de reprendre en charge M. E... sur son territoire sur le fondement du d) du premier paragraphe de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013, cité au point 8, qui prévoit la reprise en charge après le rejet d'une demande d'asile, il n'est pas allégué que les autorités de cet Etat, qui est membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'aurait pas procédé à un examen sérieux et attentif de cette demande. En outre, il ne ressort des pièces du dossier ni que l'intéressé ferait l'objet, de la part des autorités suédoises, d'une mesure d'éloignement à destination de l'Afghanistan, ni que, en pareil cas, il ne disposerait pas d'une voie de recours effective contre cette mesure, ni enfin, en tout état de cause, que les autorités suédoises n'évalueront pas, avant l'exécution d'une telle mesure, les risques réels et actuels de mauvais traitements qui naîtraient pour lui du fait de son éventuel retour en Afghanistan. Dès lors, M. E... n'est pas fondé à soutenir que son transfert aux autorités suédoises l'expose à des risques de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
21. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 20 que M. E...n'est pas fondé à soutenir que la décision de transfert dont il fait l'objet est entachée d'illégalité.
En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre l'assignation à résidence :
22. Aux termes du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 1° (...) fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ; / (...) Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois (...) ".
23. Il ne ressort ni des motifs de l'arrêté du 12 décembre 2017, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet du Pas-de-Calais se serait considéré comme tenu de prendre à l'égard de M. E... une décision d'assignation à résidence d'une durée de quarante-cinq jours. Celui-ci n'est dès lors pas fondé à soutenir que cette décision serait entachée d'une erreur de droit à ce titre.
24. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'obligation faite à M. E...de se présenter deux fois par semaine dans un commissariat de police porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ou emporte des conséquences manifestement excessives sur sa situation personnelle.
25. Il résulte de ce qui a été dit aux points 22 à 24 que M. E...n'est pas fondé à soutenir que la décision d'assignation à résidence dont il fait l'objet est entachée d'illégalité.
26. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 12 décembre 2017.
Sur les frais liés au litige :
27. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au conseil de M. E...de la somme qu'il demande sur ce fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 21 décembre 2017 est annulé.
Article 2 : La demande de M. E...et les conclusions présentées par son conseil devant la cour au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. H...B...E...et à Me D...A....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
N°18DA00249 2