Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 avril 2016, Mme A...E..., représentée par Me C...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) d'enjoindre au préfet du Nord, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, dans l'attente de cette décision, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, contre renonciation, de la part de ce conseil, au bénéfice de l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle excipe, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français viole le droit à une bonne administration et méconnaît le principe général du droit communautaire du respect des droits de la défense dès lors qu'elle n'a pas été informée qu'elle était susceptible, en cas de refus de séjour, de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers sur lesquelles le préfet du Nord s'est fondé pour lui accorder uniquement un délai de 30 jours pour quitter le territoire national ne sont pas conformes aux objectifs fixés par l'article 7 de la directive 2008/115/CE ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire à 30 jours est insuffisamment motivée, en tant qu'elle ne lui accorde pas un délai plus long ;
- en ne prenant pas en considération les éléments propres à sa situation personnelle pour envisager l'opportunité de lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à 30 jours, le préfet du Nord a entaché sa décision d'illégalité ;
- elle excipe, à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2016, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mars 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai désignant Me C...D....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que le 5 janvier 2015, Mme E...a sollicité son admission exceptionnelle au séjour et la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ; que par arrêté en date du 24 septembre 2015, le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a indiqué qu'à l'expiration de ce délai elle pourrait être éloignée à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel elle serait légalement admissible ; que Mme E...relève appel du jugement du 23 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant l'annulation de cet arrêté ;
Sur la demande de titre de séjour :
2. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde sont précisées et qu'elles ne constituent pas la reproduction de formules stéréotypées ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté ;
3. Considérant que MmeE..., née en 1979 en Algérie, de nationalité algérienne, déclare être entrée en France le 22 octobre 2009, avec son époux et leur première enfant née en 2008 en Algérie, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa C valable trente jours ; qu'elle s'est maintenue sur le territoire national à la faveur de l'examen de sa demande d'asile et a séjourné au centre d'accueil pour demandeurs d'asile d'Halluin entre le 18 novembre 2009 et le 11 mai 2012 ; que sa demande d'asile a été rejetée le 15 juin 2011 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et définitivement le 22 mars 2012 par une décision de la Cour nationale du droit d'asile ; qu'elle s'est ensuite maintenue irrégulièrement en France jusqu'au dépôt d'une demande régularisation de son séjour le 5 janvier 2015 dont le rejet fait l'objet du présent recours ; que trois enfants sont nés en France en mars 2010, septembre 2012 et septembre 2014 et les aînés y sont scolarisés ; que Mme E...a vécu la majeure partie de sa vie en Algérie ; qu'en dehors de son mari, également en situation irrégulière, et de ses quatre enfants, elle est dépourvue d'autres attaches familiales en France alors qu'elle n'en est pas dépourvue en Algérie où vivent sa famille, ainsi d'ailleurs que la mère, les cinq frères et les cinq soeurs de son mari ; qu'en dépit d'efforts réels d'insertion attestés par les pièces du dossier, elle ne démontre pas qu'à la date de la décision attaquée le centre de ses intérêts était désormais en France ; qu'ainsi et compte tenu des conditions du séjour en France et en dépit de sa durée, le préfet n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise ; que, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;
4. Considérant que, pour les mêmes raisons que celles exposées au point précédent, en refusant de délivrer le titre de séjour demandé, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. [...] " ;
6. Considérant qu'il résulte de ces stipulations, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;
7. Considérant que le refus de titre de séjour n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les quatre enfants de Mme E...de leurs parents ; qu'alors même qu'ils ont vécu plusieurs années en France où trois des quatre enfants de la fratrie sont nés et y sont pour les plus âgés scolarisés, ces circonstances ne font pas obstacle à ce qu'ils suivent leurs parents dont ils ont la nationalité ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne pourraient, compte tenu de leur âge et de leurs aptitudes scolaires, poursuivre leur scolarité en dehors de la France et notamment en Algérie ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de séjour est entachée d'illégalité ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 8 que l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'illégalité du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
10. Considérant que, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne (C 166/13 du 5 novembre 2014) rendue sur renvoi préjudiciel d'une juridiction administrative française, le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il s'applique dans le cadre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier et, notamment, de l'article 6 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce qu'une autorité nationale n'entende pas le ressortissant d'un pays tiers spécifiquement au sujet d'une décision de retour lorsque, après avoir constaté le caractère irrégulier de son séjour sur le territoire national à l'issue d'une procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu, elle envisage de prendre à son égard une telle décision, que cette décision de retour soit consécutive ou non à un refus de titre de séjour ;
11. Considérant qu'à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour, Mme E... a eu la possibilité de faire état de l'ensemble des éléments relatifs à sa situation personnelle et familiale ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée disposait d'informations tenant à sa situation qu'elle a été empêchée de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure qu'elle conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, doit être écarté ;
12. Considérant que les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'appelante et qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés respectivement aux points 3 à 7 ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité ;
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
14. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008, transposée par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " Départ volontaire : 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt (...) / 3. Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire. 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours " ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine (...) Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) " ;
15. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision attaquée, que le préfet se serait abstenu de procéder à l'examen de la situation personnelle de Mme E...en assortissant l'obligation de quitter le territoire d'un délai de départ volontaire de trente jours ;
16. Considérant que l'autorité administrative, lorsqu'elle accorde le délai de trente jours, n'est pas tenue de motiver sa décision sur ce point si l'étranger, comme en l'espèce, n'a présenté aucune demande tendant à l'octroi d'un délai supérieur ; que le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de cette décision doit donc être écarté comme inopérant ;
17. Considérant que Mme E...fait grief aux dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'être restrictives, en ce qu'elles ne permettraient pas à l'autorité administrative d'apprécier au cas par cas la situation de chaque étranger au regard d'une décision octroyant un délai de départ volontaire ; que, toutefois, il résulte des dispositions précitées que le préfet dispose d'un pouvoir d'appréciation pour accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur au délai de droit commun de trente jours ; que, par suite, Mme E...n'est pas fondée à soutenir que les dispositions précitées sont contraires à l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 ;
18. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E...aurait fait état auprès de l'administration de circonstances particulières de nature à justifier qu'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours lui soit octroyé ; qu'en outre, il ne ressort pas davantage des écritures de première instance et d'appel que la situation de MmeE..., eu égard à sa situation familiale à la date de l'arrêté attaqué, nécessitait l'octroi d'un tel délai de départ supérieur à trente jours ; que, par suite, la décision fixant le délai de départ n'est pas entachée d'illégalité ;
19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant à 30 jours le délai de départ volontaire est entachée d'illégalité ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
20. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination est entachée d'illégalité du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination est entachée d'illégalité ;
22. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquences, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E...née B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 10 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Xavier Fabre, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 novembre 2016.
Le rapporteur
Signé : X. FABRELe premier vice-président de la cour,
président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°15DA00790 2