Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2018, Mme A...C..., représentée par Me D...E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur la légalité externe de l'arrêté en litige :
1. L'arrêté en litige énonce, pour chacune des décisions qu'il contient, les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Il est, dès lors, suffisamment motivé.
Sur la légalité interne de l'arrêté en litige :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. Il ne ressort ni des motifs de l'arrêté en litige, ni des autres pièces du dossier que la préfète de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme C... avant de rejeter sa demande de titre de séjour.
3. L'arrêté en litige énonce que le mari de Mme C...et leur troisième enfant demeurent.en Guinée Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, Mme C...et son mari ont divorcé, et que le troisième enfant de l'appelante vit en France à ses côtés. L'arrêté en litige repose donc, dans cette mesure, sur des faits matériellement inexacts, alors même que ces évolutions de la situation de l'intéressée n'avaient pas été portées à la connaissance de l'administration. Toutefois, cette inexactitude n'affecte qu'une partie seulement des éléments de fait pris en compte par la préfète de la Seine-Maritime dans son appréciation. Il résulte de l'instruction que la préfète aurait pris la même décision si elle ne s'était pas fondée sur ces éléments de fait matériellement inexacts. Dès lors, cette inexactitude n'est pas de nature à entacher d'illégalité sa décision de refus de titre de séjour.
4. Il ressort des pièces du dossier et des indications données par l'appelante qu'elle et son mari ont fait le choix de confier leurs deux filles, nées en 2006 et 2009, à M.B..., de nationalité française, à partir du mois de septembre 2015. Ce dernier, qui s'est vu confier la tutelle des fillettes par un jugement d'un tribunal civil guinéen de 2016, est présenté comme leur oncle, sans que ce lien de parenté ne soit établi, comme l'ont relevé les premiers juges. Si l'appelante fait valoir qu'elle et son mari ont pris la décision d'envoyer leurs deux filles en France pour les protéger contre un risque de mariage forcé, après qu'elles aient subi une excision contre leur volonté, elle n'assortit ce récit d'aucun élément probant. Au demeurant, il est constant qu'à la date de l'arrêté en litige, Mme C...n'avait demandé l'asile ni pour elle, ni pour ses enfants. L'appelante vivait ainsi séparée de ses deux filles depuis un an et demi lorsqu'elle est entrée irrégulièrement en France avec son troisième enfant, au mois de mars 2017 selon ses déclarations. Elle ne s'y trouvait que depuis neuf mois à la date de la décision contestée. Elle ne se prévaut d'aucune autre attache familiale sur le territoire français et n'établit pas, compte tenu de ce qui vient d'être dit, qu'elle se trouverait dans l'impossibilité de retourner dans son pays d'origine avec ses enfants. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de Mme C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise. Elle n'a donc pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point précédent, que la séparation de Mme C...et de ses deux petites filles résulte d'une décision prise par elle-même et par son mari. En outre, il n'est pas établi, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, que Mme C...serait dans l'impossibilité de reconstituer dans son pays d'origine la cellule familiale constituée par elle et ses trois enfants, qui pourraient ainsi bénéficier de la présence de leur père. Il n'est pas davantage établi que Mme C...et son ancien mari ne seraient pas en mesure de protéger leurs deux filles contre le risque d'un mariage forcé, à le supposer même avéré. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de titre de séjour ne saurait être regardée comme contraire à l'intérêt supérieur des enfants de MmeC..., garanti par le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
6. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Si les dispositions de l'article L. 313-14 du code permettent à l'administration de délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " à un étranger pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, il ressort des termes mêmes de cet article, et notamment de ce qu'il appartient à l'étranger de faire valoir les motifs exceptionnels justifiant que lui soit octroyé un titre de séjour, que le législateur n'a pas entendu déroger à la règle rappelée ci-dessus, ni imposer à l'administration, saisie d'une demande d'une carte de séjour, quel qu'en soit le fondement, d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article. Il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de cet article. Ainsi, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de titre de séjour de Mme C...n'était pas présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'intéressée ne saurait utilement soutenir que la décision de la préfète de la Seine-Maritime rejetant sa demande serait contraire à cet article.
7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 6 que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'illégalité.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que Mme C...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
9. Pour les raisons énoncées aux points 4 et 5, l'obligation faite à Mme C...de quitter le territoire français n'apparaît pas contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni à celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
10. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en faisant obligation à Mme C...de quitter le territoire français, la préfète de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressée.
11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 1 et 8 à 10 que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. Il résulte de ce qui a été dit au point 11 que Mme C...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
13. Les deux filles de Mme C...étant mineures et placées sous la tutelle de leur oncle de nationalité française, elles ne font l'objet d'aucune mesure d'éloignement. L'appelante, qui n'est pas tenue de les emmener avec elle en Guinée, ne saurait donc utilement se prévaloir du risque encouru par ses filles en cas de retour dans leur pays d'origine. En tout état de cause, ainsi qu'il a été dit au point 4, MmeC..., qui, à la date de la décision en litige, n'a pas présenté de demande d'asile pour elle ou pour ses enfants, n'établit nullement qu'il existerait pour elles, en cas de retour en Guinée, un risque réel et sérieux de subir un mariage forcé, alors qu'elle-même et son ancien mari s'y opposent. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que la décision fixant la Guinée comme pays de destination de son éloignement serait contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 1, 12 et 13 que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination de son éloignement est entachée d'illégalité.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées, de même que la demande présentée par son conseil au titre de 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., au ministre de l'intérieur et à Me D...E.en Guinée
Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Seine-Maritime.
N°18DA02148