Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 avril 2016, MmeB..., représentée par la SCP Caron, Daquo, Amouel, Pereira, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté préfectoral du 10 décembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à venir ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa demande, sous les mêmes conditions.
Elle soutient que :
- son état de santé psychologique et la nécessité de recevoir des soins appropriés à son état ainsi que l'impact négatif pour ses enfants d'un retour en Angola constituent une considération humanitaire et un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français aura de graves conséquences sur sa situation personnelle et celle de ses enfants ;
- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- sa famille et elle seraient directement exposées au danger s'ils étaient renvoyés en Angola.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2016, le préfet de l'Oise conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme B...a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mai 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91- 647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeB..., ressortissante angolaise, est, selon ses déclarations, entrée irrégulièrement en France le 27 juillet 2012 accompagnée de trois de ses enfants, Lidia, Daniela et Isac, alors âgés respectivement de treize ans, huit ans et cinq ans ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 juin 2013, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 décembre 2013 ; que sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, déposée le 21 février 2014, a été rejetée par un arrêté du 12 juin 2014 assorti d'une obligation de quitter le territoire français à laquelle Mme B...n'a pas déféré ; que sa demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée le 3 novembre 2015, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été rejetée par le préfet de l'Oise le 10 décembre 2015; que Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la décision refusant le titre de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
3. Considérant qu'en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de ces dispositions, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; qu'il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'elle a portée sur l'un ou l'autre de ces points ;
4. Considérant que MmeB..., qui produit deux attestations établies par une psychologue et par un psychiatre, en date respectivement du 3 octobre 2013 et du 19 février 2014, affirme souffrir d'une dépression liée à des traumatismes subis en Angola ; que le médecin de l'agence régionale de santé de Picardie, dans un avis du 5 mai 2014, a estimé que l'état de santé de Mme B...nécessitait une prise en charge médicale, mais que son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il existait un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine et qu'elle pouvait voyager sans risque ; que Mme B...ne produit à l'appui du présent recours aucun élément de nature à établir que son état se serait détérioré depuis que le préfet de l'Oise a rejeté le 12 juin 2014 une précédente demande de titre de séjour déposée en qualité d'étranger malade ; que la dépression dont souffrirait la requérante ne constitue pas une considération humanitaire ou un motif exceptionnel au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il en va de même de la bonne intégration et des succès scolaires de ses enfants en France ; que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour en litige est entaché d'illégalité ;
Sur la décision portant obligation de quitter de territoire français :
5. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les enfants de Mme B...ne pourraient pas accompagner leur mère hors de France et notamment en Angola, Etat où ils sont nés et dont ils ont la nationalité, et, compte tenu de leur âge et de leur scolarité, poursuivre le cursus scolaire entamé hors de France ; que si la requérante fait valoir que son époux et l'un de ses quatre enfants sont portés disparus dans ce pays, elle n'établit pas être dépourvue de famille ou de connaissances en Angola où elle a vécu jusque l'âge de trente-cinq ans ; que, dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté à son droit à une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
6. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. [...] " ; qu'il résulte de ces stipulations, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;
7. Considérant que les trois enfants de MmeB..., Lidia, Daniela et Isac, sont arrivés en France en 2012, à l'âge respectivement de treize ans, huit ans et cinq ans ; qu'ils ont vécu jusqu'à cette date en Angola avec leur mère ; qu'à la date de l'arrêté, ils n'étaient présents en France que depuis trois ans ; que s'ils sont bien intégrés et scolarisés, avec notamment pour Lidia de très bons résultats scolaires, il ne ressort pas des pièces du dossier ainsi qu'il a été dit au point 5 qu'ils ne pourraient pas poursuivre leur scolarité hors de France et notamment en Angola ; qu'il n'apparaît qu'au cas d'espèce et compte tenu des éléments fournis à la cour, l'intervention de la mesure d'éloignement en cours d'année scolaire serait effectivement de nature à affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation au regard des poursuites d'études ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
8. Considérant, qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, il résulte de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 5 mai 2014, que l'état de santé de la requérante, qui nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, lui permet de voyager ; que la décision en litige ne méconnaît donc pas les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est entachée d'illégalité ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
10. Considérant que si Mme B...affirme que sa vie et celle de ses enfants seraient en danger en cas de retour en Angola, elle ne produit aucun élément de nature à appuyer ses déclarations, au demeurant peu circonstanciées, ou à étayer le caractère réel et actuel des mauvais traitements auxquels elle serait susceptible d'être exposée en cas de retour en Angola ; qu'au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile ; que, par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Oise du 10 décembre 2015 ; que, dès lors, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...épouse A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 24 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 décembre 2016.
Le président-assesseur,
Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°16DA00817 2