Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 avril 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 22 novembre 2018, M. F...B...et Mme D...B..., représentés par Me I...C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) d'enjoindre au président du conseil départemental du Pas-de-Calais d'autoriser expressément la création d'un accès à leur parcelle afin de desservir les deux maisons qui y ont été construites ;
4°) de mettre à la charge du département du Pas-de-Calais le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la route ;
- le code de la voirie routière ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2009-615 du 3 juin 2009 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me A...G..., représentant M. et MmeB..., et de Me E...H..., représentant le département du Pas-de-Calais.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B...ont obtenu en 2011 du maire d'Audruicq la délivrance d'un permis de construire les autorisant à édifier deux maisons d'habitation sur un terrain dont ils sont propriétaires sur le territoire de cette commune. Ces deux maisons devaient, selon les indications du dossier de demande de permis de construire, disposer d'un accès à la route départmentale 219, également dénommée rue du Fort Bâtard. Alors que la fin des travaux approchait, M. et Mme B...ont demandé au président du conseil général du département du Pas-de-Calais, en sa qualité de gestionnaire de cette voie, de leur délivrer une permission de voirie les autorisant à élargir un accès préexistant à celle-ci, afin de le rendre compatible avec la desserte de deux logements. Par une décision du 2 décembre 2013, le président du conseil général a refusé de leur délivrer cette permission de voirie. M. et Mme B...ont contesté cette décision devant le tribunal administratif de Lille. Ils relèvent appel du jugement du 28 février 2017 par lequel ce tribunal a rejeté leur demande.
Sur le non-lieu à statuer :
2. Si le département du Pas-de-Calais fait valoir que par un jugement du 4 juillet 2017, le tribunal administratif de Lille a condamné la commune d'Audruicq à verser une indemnité à M. et Mme B... au titre, notamment, du surcoût résultant pour eux de la nécessité d'aménager une voie d'accès aux nouvelles maisons à partir de la rue d'Hennuin, située au sud du terrain, cette circonstance n'a pas privé de son objet le recours pour excès de pouvoir formé par les intéressés à l'encontre du refus de permission de voirie en litige. Le département du Pas-de-Calais n'est dès lors pas fondé à soutenir que la présente requête serait devenue sans objet.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors en vigueur : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B...disposent d'une permission de voirie délivrée le 26 août 2008 par le président du conseil général du département du Pas-de-Calais, les autorisant à aménager un accès à leur terrain à partir de la route départementale 219, à condition de respecter certaines prescriptions techniques. Contrairement à ce que soutient le département du Pas-de-Calais, il ne résulte nullement des termes de cet arrêté que la permission qu'il accorde serait limitée à un usage agricole de la parcelle. Toutefois, la décision du 2 décembre 2013 en litige, si elle n'est pas dépourvue d'ambigüité, n'a pas pour effet d'abroger la permission de voirie du 26 août 2008 qui, ayant été délivrée pour une durée de vingt-cinq ans, demeure en vigueur, mais se borne à rejeter la nouvelle demande de permission de voirie de M. et MmeB..., tendant à ce qu'ils soient autorisés à élargir cet accès. Cette décision, dans la mesure où elle a été prise sur demande des intéressés, n'avait pas à faire l'objet d'une procédure contradictoire préalable. M. et Mme B...ne sont dès lors pas fondés à soutenir qu'elle aurait été prise en méconnaissance des dispositions citées au point précédent.
5. Aux termes de l'article L. 113-2 du code de la voirie routière : " En dehors des cas prévus aux articles L. 113-3 à L. 113-7 et de l'installation par l'Etat des équipements visant à améliorer la sécurité routière, l'occupation du domaine public routier n'est autorisée que si elle a fait l'objet, soit d'une permission de voirie dans le cas où elle donne lieu à emprise, soit d'un permis de stationnement dans les autres cas. Ces autorisations sont délivrées à titre précaire et révocable ".
6. Le libre accès des riverains à la voie publique constitue un accessoire du droit de propriété. Il ne peut être porté atteinte à ce droit que pour un motif tiré des nécessités de la conservation du domaine public de la commune ou de celles de la circulation publique.
7. Par sa décision du 2 décembre 2013, le président du conseil général du département du Pas-de-Calais a refusé d'autoriser M. et Mme B...à élargir l'accès de leur terrain à la route départementale 219 au motif que l'utilisation de cet accès par les occupants des deux nouveaux logements aurait pour effet de nuire à la fluidité de la circulation sur cette route et représenterait un danger pour la sécurité de la circulation. M. et Mme B...soutiennent que ces motifs sont entachés d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation.
8. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existante à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
9. Pour soutenir que la décision attaquée était légale, le département du Pas-de-Calais invoque, dans un mémoire qui a été communiqué à M. et MmeB..., un motif, distinct de celui figurant dans la décision en litige, tiré de ce que la route départementale 219 constitue une déviation et une route à grande circulation, de sorte que la loi interdit de créer des accès à cette route ou de modifier les accès existants.
10. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de la route : " Les routes à grande circulation, quelle que soit leur appartenance domaniale, sont les routes qui permettent d'assurer la continuité des itinéraires principaux et, notamment, le délestage du trafic, la circulation des transports exceptionnels, des convois et des transports militaires et la desserte économique du territoire, et justifient, à ce titre, des règles particulières en matière de police de la circulation. La liste des routes à grande circulation est fixée par décret, après avis des collectivités et des groupements propriétaires des voies (...) ". Aux termes de l'article L. 152-1 du code de la voirie routière : " Lorsqu'une route à grande circulation, au sens du code de la route, est déviée en vue du contournement d'une agglomération, les propriétés riveraines n'ont pas d'accès direct à la déviation ". Aux termes de l'article L. 152-2 du même code : " Dès l'incorporation d'une route ou section de route dans une déviation, aucun accès ne peut être créé ou modifié par les riverains, mais les interdictions applicables aux accès existants ne peuvent entrer en vigueur qu'après le rétablissement de la desserte des parcelles intéressées ".
11. Il ressort des pièces du dossier que la portion de la route départementale 219 qui passe au droit du terrain de M. et Mme B...constitue une déviation permettant le contournement de l'agglomération d'Audruicq. Elle est d'ailleurs mentionnée par l'annexe du décret du 3 juin 2009 fixant la liste des routes à grande circulation. Dès lors, en application des dispositions de l'article L. 152-2 du code de la voirie routière cité au point précédent, aucun accès à cette route ne peut être modifié par les riverains. Le département du Pas-de-Calais est par suite fondé à soutenir que ce motif, qui peut être substitué à celui figurant dans la décision attaquée, est de nature, en tout état de cause, à justifier son refus de délivrer aux appelants la permission de voirie qu'ils demandaient pour élargir l'accès dont ils disposent sur cette route.
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 11, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la légalité du motif opposé aux pétitionnaires par le président du conseil général du département du Pas-de-Calais dans la décision en litige, que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que cette décision est entachée d'illégalité.
13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le département du Pas-de-Calais, que M. et Mme B...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département du Pas-de-Calais, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. et Mme B...de la somme qu'ils demandent sur ce fondement.
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme B... le versement au département du Pas-de-Calais de la somme qu'il demande sur le même fondement.
Sur l'indemnité pour procédure abusive :
16. La requête de M. et Mme B...ne présente pas un caractère abusif. Le département du Pas-de-Calais n'est dès lors pas fondé, en tout état de cause, à demander la condamnation des requérants à lui verser une indemnité pour procédure abusive.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département du Pas-de-Calais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'indemnité pour procédure abusive sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...B...et Mme D...B...et au département du Pas-de-Calais.
N°17DA00788 5