Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2015, le préfet de police demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme J...devant le tribunal administratif de Rouen ;
3°) de rejeter les conclusions de cette dernière tant en première instance qu'en appel tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de sommes sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus de séjour sur la situation personnelle l'intéressée a été retenu à tort par les premiers juges ;
- c'est à tort que le tribunal a alloué directement à l'intéressée une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2015, Mme B...J..., représentée par la SELARL Eden avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme J...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 septembre 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai, qui a désigné Me I...E....
Vu :
- l'ordonnance du président de la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris n° 15PA02583 du 15 juillet 2015 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du n° 79- 587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hadi Habchi, premier conseiller,
- et les observations de Me F...D...substituant Me C...H..., représentant MmeJ....
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) / " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que MmeJ..., ressortissante comorienne née le 13 mai 1991, est entrée en France selon ses déclarations, le 28 août 2009, démunie de tout visa ou document de séjour ; qu'à la suite d'un premier arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français du 1er juin 2010, annulé par le tribunal administratif de Paris pour incompétence de son auteur, par un jugement du 12 janvier 2012, le préfet de police de Paris a délivré à l'intéressée un titre de séjour en qualité d'élève, valable du 7 novembre 2012 au 6 novembre 2013, période pendant laquelle elle a subi avec succès les épreuves du CAP " petite enfance " ainsi que celles de la mention complémentaire " aide à domicile " ; qu'en revanche, cette même autorité a refusé de renouveler ce titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire par un nouvel arrêté du 3 décembre 2014 ; que l'intéressée, qui réside dans un foyer maternel situé en Seine-Maritime, s'est prévalue devant le tribunal administratif de Rouen de la présence en France de son père, de nationalité française, ainsi que de ses trois demi-frères et trois demi-soeurs, tous résidents à Paris ; qu'elle n'a toutefois pas justifié de l'intensité de ses liens familiaux en France alors qu'il n'est pas sérieusement contesté qu'elle a conservé des attaches familiales aux Comores où résident encore deux de ses frères ; qu'en outre, si elle a donné naissance le 6 juin 2014 à une fille en France, elle ne fait pas état d'une vie familiale sur le territoire français où elle demeure sans ressources stables ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle présenterait une intégration sociale et professionnelle en France d'une particulière intensité ; qu'ainsi et en dépit d'une période d'emploi de trois semaines dans le domaine des services à la personne, au cours du mois de juillet 2013, Mme J...ne saurait être regardée comme ayant le centre de ses intérêts privés en France ; qu'eu égard aux conditions de séjour de l'intéressée, et en dépit de sa durée, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme J...une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ; que, par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a retenu ce dernier motif pour annuler le refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination ;
3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme J...devant la juridiction administrative ;
4. Considérant que, par arrêté n° 2014-00739 du 27 octobre 2014, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris le 4 novembre 2014, le préfet de police a donné délégation à Mme G...A..., attachée d'administration à la direction de la police générale à la préfecture de police, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi ni même allégué qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de l'arrêté attaqué ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté ;
5. Considérant que l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait, notamment au regard de la situation personnelle et familiale de l'intéressée, qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivé ;
6. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 2, Mme J...n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police a entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de l'intéressée ou que le préfet de police aurait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 6 que Mme J...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour pour soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale ;
8. Considérant que les décisions de refus de séjour et d'éloignement n'étant pas illégales, Mme J...n'est pas fondée à soutenir, par voie d'exception, que la décision fixant le pays de destination est entachée d'illégalité ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé sa décision de refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, celle portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination ;
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le conseil de Mme J...demande sur leur fondement tant en première instance qu'en appel ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme J...devant le tribunal administratif de Rouen et ses autres conclusions sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme B...J...et à Me I...E....
Copie en sera transmise pour information au préfet de police de Paris et au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 21 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller.
Lu en audience publique le 4 février 2016.
Le rapporteur,
Signé : H. HABCHILe premier vice-président de la cour,
président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le Greffier en chef,
Ou par délégation,
Le Greffier,
Sylviane Dupuis
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N°15DA01204 5