Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2015, M.B..., représenté par Me D...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen du 23 juillet 2015 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et celles tendant à l'annulation de la décision de placement en rétention ;
2°) d'annuler les décisions du 2 mars 2015 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et l'arrêté du 21 juillet 2015 du préfet de la Seine-Maritime le plaçant en rétention administrative ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine par le préfet de la Seine-Maritime du directeur général de l'agence régionale de santé ;
- elle est illégale à raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ; celle-ci est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'un vice de procédure dans la mesure où il n'est pas établi que les garanties prévues aux articles 10 à 14 de la directive CE 2005/85 ont été respectées ; elle est fondée sur la directive CE 2005/85 et non sur les dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît les stipulations du I de l'article 23 de cette directive et les dispositions des articles L. 741-4 et L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où sa demande d'asile n'est pas abusive ; elle méconnaît les stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la même convention ; elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la même convention ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays destination est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision de placement en rétention est illégale à raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination de cette mesure ;
- elle méconnaît le principe du contradictoire résultant du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 15 de la directive dite " retour " et les dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2016, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens présentés par M. B...ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005 ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.B..., ressortissant nigérian né le 8 juillet 1978, entré en France le 22 mars 2014 selon ses déclarations, a demandé son admission au séjour au titre de l'asile ; que sa demande a été rejetée par une décision du 29 octobre 2014 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que M. B...relève appel du jugement du 23 juillet 2015 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et celles tendant à l'annulation de la décision du 21 juillet 2015 le plaçant en rétention ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant que M. B...ne démontre pas avoir fait état devant le préfet de la Seine-Maritime d'éléments concernant son état de santé tendant à faire obstacle à son éloignement ; que le préfet de la Seine-Maritime n'était ainsi pas tenu de saisir le médecin de l'agence régionale de santé préalablement à la décision en litige ;
3. Considérant que si M. B...excipe de l'illégalité de la décision du 2 mars 2015 du préfet de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour, toutefois, le moyen tiré de la méconnaissance des garanties procédurales prévues par les articles 10 à 14 de la directive susvisée 2005/85 est inopérant à l'encontre de la décision par laquelle le préfet refuse, en fin de procédure, la délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement de l'asile ; qu'en outre, la décision attaquée énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent son fondement et n'avait pas à mentionner les dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne sont applicables qu'à la décision d'admission provisoire au séjour pendant l'examen d'une demande d'asile ; que par ailleurs, le préfet ne s'est pas fondé sur ces dispositions pour prendre la décision attaquée ; que sont inopérants les moyens tirés de l'absence de caractère abusif de sa demande d'asile, de la méconnaissance de l'article 23 de la directive CE 2005/85 et de l'article 6 de la directive 2013/33, dont les prévisions ne sont applicables qu'aux refus d'admission provisoire au séjour ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est quant à lui pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que la décision de refus de titre de séjour ne fait pas obstacle à ce que l'intéressé fasse valoir ses droits devant la Cour nationale du droit d'asile, au besoin par l'intermédiaire de son conseil et ainsi les moyens tirés de la violation des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ; qu'enfin, M.B..., entré sur le territoire français le 22 mars 2014 selon ses déclarations, n'établit ni avoir noué sur le territoire français des liens personnels ni être dépourvu de toute attache soit au Nigéria où il a vécu jusqu'à l'âge de trente deux ans, soit en Belgique, où il a séjourné à partir de l'année 2010 ; que, par suite, la décision de refus de titre de séjour n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé à l'encontre de la décision en litige ;
4. Considérant que comme cela a été dit au point 2, M. B...ne démontre pas avoir fait état devant le préfet de la Seine-Maritime d'éléments concernant son état de santé tendant à faire obstacle à son éloignement ; qu'en outre, il n'établit pas par la production de deux certificats médicaux, postérieurs à la décision attaquée, en date des 27 et 29 juillet 2015, se bornant à faire état d'un suivi psychiatrique associé à un traitement médicamenteux et d'une pathologie asthmatique, que son état de santé faisait obstacle à la mesure d'éloignement contestée ; que par suite, la décision en litige ne méconnaît pas les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant que M. B...soutient que la décision en litige est de nature à porter atteinte à son droit à un procès équitable, tel que garanti par les stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au motif que l'exécution de l'arrêté l'empêcherait de faire valoir ses droits devant la Cour nationale du droit d'asile ; que toutefois, comme cela a été dit au point 3, M. B...dispose de la possibilité de se faire représenter par l'intermédiaire d'un avocat ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
6. Considérant que M. B... fait valoir qu'il lui est impossible de mener une vie privée normale au Nigéria en raison de son orientation sexuelle et de ses pathologies ; que toutefois, comme cela a été dit au point 3, l'intéressé est entré en France en mars 2014 à l'âge de 32 ans ; qu'il est célibataire et sans enfant et n'établit pas avoir constitué une vie privée et familiale sur le territoire français ; qu'en outre, il n'établit pas davantage être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine ; que par suite, eu égard tant à la durée qu'aux conditions de séjour en France de M.B..., la décision en litige ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en outre, le requérant, qui ne produit aucun élément sur la situation des homosexuels au Nigéria, n'établit pas la réalité des craintes personnelles alléguées ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur le pays de destination :
7. Considérant qu'il y a lieu, par adoption du motif retenu à bon droit par le premier juge, d'écarter le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
8. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " ( ...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que cet article 3 énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
9. Considérant que si M. B...fait valoir qu'il encourrait des risques en cas de retour au Nigéria, il ne produit toutefois aucun élément probant de nature à l'établir ; que par suite, le requérant, dont la demande d'asile a été écartée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 octobre 2014 n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
10. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 6 et 9, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Sur le placement en rétention administrative :
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination à l'encontre de la décision en litige ;
12. Considérant qu'il résulte du procès-verbal d'audition du requérant du 21 juillet 2015, que M. B...a été mis à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité de son séjour ; que, par suite, la circonstance que l'administration n'ait pas mis à même l'intéressé de présenter ses observations sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement ne l'a pas privé de la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la décision attaquée ;
13. Considérant que M. B...ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 15 de la directive 2008/115/CE dès lors qu'elles ont été transposées en droit interne par la loi du 16 juin 2011 ; que par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait cet article de la directive est inopérant ;
14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B... était dépourvu de tout document d'identité et de voyage et ne disposait pas d'un domicile stable ; qu'ainsi, il ne pouvait être regardé comme présentant, à la date de l'arrêté en litige, des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dont il faisait l'objet ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ; que pour les mêmes motifs, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la directive 2013/33/UE et de l'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation doivent être écartés ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...B..., au ministre de l'intérieur et Me D...A....
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 24 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Muriel Milard, première conseillère,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique le 7 juin 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. C...Le président-assesseur,
Signé : M. F...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA01643 2