Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée 13 mai 2020, M. A..., représenté par Me E... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 10 novembre 2017 de la préfète de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime d'autoriser le regroupement familial sollicité en faveur de sa fille dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... D..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant de la République populaire de Chine, né le 20 décembre 1971, a présenté le 6 février 2017 une demande d'autorisation de regroupement familial afin que sa fille, Mengjun A..., née le 27 juillet 2000, soit autorisée à séjourner en France à ses côtés. Par une décision du 10 novembre 2017, la préfète de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à cette demande. Par un jugement du 18 octobre 2019, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. L'arrêté en date du 10 novembre 2017 portant refus de regroupement familial énonce que " Aux termes de l'instruction de votre dossier comportant le recueil des avis réglementaires du maire de votre commune, j'ai décidé de refuser votre demande pour les motifs suivants (...) ". A la différence d'une décision juridictionnelle, une décision administrative n'a pas à faire la preuve, par elle-même et ex ante, de sa régularité, au travers de mentions qui font foi. Or, le requérant se borne à soutenir, sans plus de précision, que " la décision du 10 novembre 2017 mentionne le recueil des avis du maire du Havre, mais ces avis ne sont pas joints. Ce défaut de production ne permet pas de vérifier l'existence de ces avis et leur régularité ", puis " l'autorité préfectorale n'a pas versé l'avis du maire du Havre au débat de première instance, de sorte que la décision litigieuse est bien entachée d'un vice de procédure ", sans rattacher ce moyen à un texte précis et alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe n'impose au préfet de produire les avis mentionnés dans son arrêté. Le moyen tiré du vice de procédure doit donc être écarté.
3. M. A... réitère en appel les moyens tirés de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse et de l'insuffisance de motivation. Cependant, il n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ces moyens. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, de les écarter.
4. Aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. (...) ". Aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / (...) - cette moyenne majorée d'un cinquième pour une famille de six personnes ou plus. "
5. M. A... est père de six enfants, dont quatre enfants nés en France et souhaite faire venir l'une de ses deux filles restées en Chine, qui était encore mineure à la date de sa demande du 6 février 2017. Il ressort des termes mêmes de la décision contestée que la préfète de la Seine-Maritime a examiné la possibilité d'accorder à l'intéressé le bénéfice du regroupement familial en examinant dans le détail les revenus de M. A... et qu'elle a refusé d'y faire droit car l'intéressé ne disposait que d'une moyenne mensuelle de revenus nets de 1 080,20 euros sur la période de référence alors que le montant exigé et non contesté par l'intéressé, est de 1 341,09 euros nets pour une famille de sept personnes. La préfète a aussi examiné la demande de M. A... au vu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, la préfète de la Seine-Maritime ne s'est pas sentie en situation de compétence liée pour refuser de faire droit à la demande dont il était saisi.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... vit en France depuis 2003, son épouse l'a rejoint en 2007 et la famille vit en France avec quatre de leurs enfants, nés sur le territoire national en 2008, 2010, 2012 et 2015. M. A... est titulaire d'un titre de séjour valable jusque 2026. Sa fille Mengjun, en faveur de laquelle il a demandé le bénéfice du regroupement familial, a toujours vécu en Chine. Or, M. A... n'établit ni même allègue qu'elle serait isolée dans son pays d'origine, où vit aussi sa soeur aînée et alors qu'en 2007, son épouse a décidé de venir en France en laissant leurs deux filles en Chine. Dans ces conditions, en refusant d'accorder le bénéfice du regroupement familial, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "
9. Ainsi qu'il a été dit au point 8, la fille de M. A..., Mengjun, âgée de seize ans à la date de la demande de regroupement familial, vit séparée de ses parents depuis 2003 s'agissant de son père et 2007 s'agissant de sa mère. Or, M. A... n'établit pas qu'elle serait isolée dans son pays d'origine, tandis que ses quatre frères et soeurs nés en France n'ont jamais vécu avec elle. Dès lors, la préfète de la Seine-Maritime ne peut être regardée comme ayant porté atteinte à l'intérêt supérieur de Mengjun A... en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
10. Les moyens tirés de la méconnaissance des articles 9 et 10 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne sont pas assortis des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A..., au ministre de l'intérieur et à Me E... C....
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
N°20DA00730 2