Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 février et 16 octobre 2020, Mme A..., représentée par Me Antoine Mary, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 14 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire, valable un an, ou à défaut, une autorisation provisoire de séjour valable pendant le réexamen de sa situation, dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A..., ressortissante algérienne née le 8 février 1994, est entrée en France le 9 mai 2017. Le 19 juillet 2018, est né Miloude de son union avec un compatriote, M. B..., titulaire d'une carte de résident de dix ans, qu'elle a épousé le 25 août 2018. Le 11 décembre 2018, Mme A... épouse B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 14 octobre 2019, le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Algérie comme pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 30 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, en vertu de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions individuelles défavorables doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement. La décision contestée vise les textes dont elle fait application, notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'accord franco-algérien. Elle mentionne les faits qui en constituent le fondement, et notamment la situation personnelle et familiale de la requérante, précisant qu'elle est mariée depuis le 25 août 2018 avec un compatriote titulaire d'une carte de résident en cours de validité et mère d'un enfant né le 19 juillet 2018. La décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, qui indique qu'il n'est pas envisagé de séparer la mère de son enfant, n'avait pas à mentionner l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui n'en constitue pas le fondement. Ainsi, la décision de refus de séjour contestée répond aux exigences de l'article L. 211-5. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen sérieux et particulier de la situation de Mme B... avant de prendre à son encontre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier doit être écarté.
4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) / 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France le 9 mai 2017 sous couvert d'un visa de court séjour qui ne l'autorisait pas à s'installer durablement et s'y est maintenue durant un an et demi avant de solliciter un titre de séjour. Si elle fait valoir qu'elle a épousé le 25 août 2018 un ressortissant algérien avec lequel elle a eu deux enfants, elle ne justifiait à la date de la décision contestée du 14 octobre 2019 que d'un an de mariage avec ce compatriote en situation régulière et son deuxième enfant est né postérieurement à la décision attaquée, le 23 septembre 2020. En outre, elle ne se prévaut d'aucune perspective d'insertion sociale et professionnelle et n'apporte aucun élément quant à son intégration sur le territoire, ni celle de son époux. Enfin, si elle indique également que son état de santé nécessite une intervention chirurgicale, elle se borne à fournir le résultat d'une IRM mammaire. Par suite, compte tenu de la faible durée de son mariage à la date de la décision contestée et des conditions du séjour en France de Mme B..., le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision contestée n'est pas non plus entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
6. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "
7. Il ressort des pièces du dossier que la cellule familiale, constituée de l'époux de Mme B... et de leurs jeunes enfants, peut se reconstituer en Algérie, pays dont tous les membres de la famille ont la nationalité. Dès lors, le préfet de la Seine-Maritime, dont la décision contestée n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer la requérante de ses enfants, n'a pas porté à l'intérêt supérieur de ces derniers une atteinte méconnaissant les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Mme B... se borne à reprendre les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, qu'elle méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu, qu'elle est illégale dès lors qu'elle se fonde sur un refus de séjour lui-même illégal, qu'elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Toutefois, elle n'apporte, en appel, aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif et ne critique pas la réponse apportée par ce dernier. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ces moyens.
Sur la décision fixant le pays de destination :
9. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
10. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Il suit de là que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressée à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination qui sont prises concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Dès lors, Mme B..., qui au demeurant n'apporte aucune précision au sujet des éléments qu'elle aurait pu porter à la connaissance de l'administration si elle avait été invitée à le faire, n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office, serait entachée d'un vice de procédure à ce titre.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... épouse B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
N°20DA00364 5