Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2021, Mme D..., représentée par Me Marie Verilhac demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2020 du préfet de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an et portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au profit de Me Verilhac, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... B..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... D..., ressortissante algérienne née le 19 mars 1990, est entrée en France le 21 août 2017 munie d'un visa court séjour. Elle interjette appel du jugement du 1er octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 janvier 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En vertu de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions individuelles défavorables doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement. La décision de refus de délivrance d'un titre de séjour vise les textes dont elle fait application, notamment l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et mentionne les faits qui en constituent le fondement indiquant notamment sa date d'entrée en France et précisant qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie où elle a vécu jusque l'âge de vingt-sept ans. Ainsi, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour répond aux exigences de motivation posées par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Il ressort en outre des termes mêmes de cet arrêté que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation de Mme D.... Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation et d'examen particulier manquent en fait et doivent être écartés.
3. Mme D... réitère son moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Cependant, elle n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 3 et 4 du jugement attaqué, de l'écarter.
4. Il ne ressort pas des pièces du dossier et, notamment, de la motivation de l'arrêté attaqué que le préfet de la Seine-Maritime se serait cru lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
5. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
6. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui se prévaut des stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968, de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays d'origine. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
7. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
8. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser la délivrance d'un certificat de résidence à Mme D... sur le fondement de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le préfet de la Seine-Maritime a estimé, en s'appuyant sur l'avis établi par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en date du 30 décembre 2019, que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est porteuse d'une prothèse oculaire qui nécessite un polissage tous les six mois et doit être remplacée tous les six ans par un oculariste. Elle a également subi une greffe dermo-graisseuse en juin 2019 et devra subir une intervention chirurgicale de façon " à diminuer le ptosis et améliorer le résultat esthétique ". Si les certificats médicaux versés à l'instance précisent que l'absence de polissage ou de changements pourraient lui causer des conjonctivites voir des inflammations, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que ces actes ne pourraient pas être réalisés en Algérie. Ainsi, Mme D... n'établit pas l'impossibilité de bénéficier d'un traitement adapté à ces pathologies dans son pays d'origine et ne contredit pas l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6, 7° de l'accord franco-algérien doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'état de santé de Mme D... doit être écarté.
9. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressée peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressée. Or, il est constant que Mme D... avait présenté une demande de titre de séjour en raison, exclusivement, de son état de santé et que le préfet de la Seine-Maritime n'a examiné sa demande de titre de séjour que sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par suite, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 est inopérant et doit être écarté.
10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
11. Mme D... est entrée en France le 21 août 2017 et se prévaut de sa relation sentimentale avec M. E..., un compatriote titulaire d'une carte de résident, père de son fils né le 1er avril 2020 et avec qui elle vit depuis novembre 2019. Toutefois, la communauté de vie entre Mme D... et son concubin était, à la date de la décision attaquée, très récente. En outre, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans. Dès lors, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme D... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les raisons ci-dessus énoncées, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation.
12. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "
13. A la date de l'arrêté attaqué du 29 janvier 2020, l'enfant de Mme D... et de son concubin n'était pas encore né, sa naissance ayant eu lieu le 1er avril 2020. Or, la légalité d'une décision s'apprécie à la date de son édiction. En tout état de cause, Mme D..., qui ne justifie pas la réalité d'une communauté de vie familiale stable et ancienne avec son concubin, n'établit pas que ce dernier ne pourrait rendre visite à son enfant en Algérie. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la décision attaquée a été prise en méconnaissance des stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
14. L'arrêté vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permet d'assortir un refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire. Par suite, la mesure d'éloignement contestée, qui, en vertu des termes mêmes de cet article, n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour, est elle-même suffisamment motivée. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
15. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du vice de procédure.
16. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
17. Mme D... ne peut utilement soulever le moyen tiré de la méconnaissance du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Si Mme D... entend soulever ce moyen à l'encontre de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait sollicité l'octroi d'un délai de départ supérieur à trente jours. Ce moyen ne peut qu'être écarté.
18. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) ".
19. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 11 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de destination :
20. La décision fixant le pays de destination vise notamment les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise la nationalité de Mme D... et indique que celle-ci n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à ces dispositions, ni aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination ne serait pas suffisamment motivée.
21. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.
22. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " Aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. " Aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. "
23. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que Mme D... ne pourrait pas réaliser les actes médicaux liés à l'entretien et au remplacement de sa prothèse oculaire dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
24. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 11, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
25. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 29 janvier 2020. Ses conclusions à fin d'annulation, à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent donc être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D..., au ministre de l'intérieur et à Me Marie Verilhac.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
N°21DA00028 3