Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 février 2021, le préfet du Nord, représenté par Me Yves Claisse, demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter les demandes de M. B....
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que ces dispositions ne visent pas la personne placée en procédure accélérée mais directement les cas qui fonderaient une procédure accélérée et plus particulièrement les personnes dont la présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat, de sorte qu'à compter de la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, M. B... ne disposait plus du droit de se maintenir en France ;
- aucun des moyens soulevés en première instance par M. B... n'est fondé.
Par un mémoire, enregistré le 29 avril 2021, M. A... B..., représenté par Me Myriam Hentz, conclut au rejet de la requête du préfet du Nord et demande la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros à son conseil en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il disposait du droit de se maintenir sur le territoire français, en application de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a statué en procédure normale, nonobstant la circonstance qu'il a mentionné, dans sa décision de refus, que la présence du demandeur d'asile constituait une menace pour la sécurité nationale ;
- il réitère l'ensemble des moyens développés dans ses écritures de première instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère ;
- et les observations de Me Anissa Cherfi Younis représentant le préfet du Nord.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant syrien né le 25 janvier 1997 à Alkhwari (Syrie), est entré en France le 3 février 2017, muni de son passeport syrien valide jusqu'au 24 mars 2018, revêtu d'un visa D délivré par les autorités consulaires françaises basées à Riyad. Le 20 mars 2017, il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par lOffice français de protection des réfugiés et apatrides, par une décision du 13 novembre 2018 notifiée le 17 novembre suivant. Entre-temps, le 18 novembre 2017, M. B... avait été interpellé dans le cadre d'une commission rogatoire pour des faits d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'acte de terrorisme et association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes et placé sous contrôle judiciaire le 2 décembre 2017. Le 8 janvier 2019, M. B... a saisi la Cour nationale du droit d'asile d'une demande tendant à l'annulation de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Par un arrêté du 8 avril 2019, le préfet du Nord a, d'une part, décidé l'expulsion de l'intéressé du territoire en raison de la menace grave à l'ordre public que constitue sa présence en France et, d'autre part, fixé la Syrie ou tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible comme pays à destination duquel il serait renvoyé. Par un jugement du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté, au motif de la méconnaissance, par le préfet, du droit de M. B... de se maintenir sur le territoire français au titre des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 novembre 2020, le préfet du Nord a obligé M. B... à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai de trois ans. Par un jugement du 15 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté au même motif tiré de la méconnaissance, par le préfet, du droit de M. B... de se maintenir sur le territoire français au titre des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Nord relève appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :
2. Aux termes de l'article L. 743-1 du code précité, dans sa numérotation et sa version alors en vigueur : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L.741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code, alors en vigueur : " Par dérogation à l'article L.743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée (...) lorsque : (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 (...) ". Enfin, aux termes du III de l'article L. 723-2 du même code : "L'office statue également en procédure accélérée lorsque l'autorité administrative chargée de l'enregistrement de la demande d'asile constate que : (...) 5° La présence en France du demandeur constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que le droit de se maintenir sur le territoire français du demandeur d'asile qui a formé un recours contre la décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci, peut être refusé dans le cas où l'Office statue en procédure accélérée lorsque l'autorité administrative chargée de l'enregistrement de la demande d'asile a constaté que la présence en France du demandeur constituait une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'attestation de demande d'asile délivrée au requérant le 6 novembre 2020 et valable jusqu'au 5 mai 2021 porte la mention " procédure normale " et non " procédure accélérée ". En outre, l'Office n'a pas statué dans le délai de quinze jours à compter de l'introduction de la demande, comme requis par les dispositions de l'article R. 723-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, si la décision attaquée mentionne, avant de conclure au rejet de la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié et de bénéficiaire de la protection subsidiaire, que la présence en France de M. B... constitue " une menace de sécurité nationale et une menace terroriste ", ce motif n'est exposé que pour écarter la sincérité de la demande de protection et la réalité des craintes en cas de retour invoquées par M. B.... Il ne ressort donc d'aucune pièce du dossier que l'Office aurait entendu se fonder sur les dispositions du 5° du III de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, dont les dispositions ne sont d'ailleurs pas visées dans la décision du 13 novembre 2018. Il suit de là qu'en obligeant M. B... à quitter le territoire français alors que son recours formé devant la Cour nationale du droit d'asile était encore pendant, le préfet du Nord a méconnu le droit de l'intéressé de se maintenir sur le territoire français tel que reconnu par les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 3 novembre 2020 obligeant M. B... à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui interdisant le retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai de trois ans.
Sur les frais liés à l'instance :
6. M. B... n'établissant pas avoir exposé d'autres frais que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été accordée par décision du 29 avril 2021, sa demande tendant à ce que l'Etat lui verse la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doit être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Nord est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par Me Hentz au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 22 février 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,
- Mme Muriel Milard, première conseillère,
- Mme Anne Khater, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 mars 2022.
La rapporteure,
Signé : A. KhaterLa présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière
Anne-Sophie Villette
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N°21DA00419