2°) de rejeter la demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Lille.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., de nationalité camerounaise né le 19 mars 1979, entré en France le 11 juillet 2010, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de son état de santé. Par un arrêté du 9 mai 2019, le préfet du Nord a refusé de renouveler ce titre, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 13 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 9 mai 2019 par lequel il a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. A... B... demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation de la décision du 9 mai 2019 lui faisant obligation de quitter le territoire français.
Sur l'appel principal du préfet du Nord :
2. Pour annuler la décision du 9 mai 2019 par lequel le préfet du Nord a fixé le pays de destination de l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de M. A... B..., le tribunal administratif de Lille a estimé, au vu des constatations médicales produites et de l'ancienneté du suivi dont elles procèdent, que la réalité des violences subies au Cameroun par M. A... B... en raison de son orientation sexuelle devait être regardée comme établie et qu'ainsi, le préfet avait, en fixant le Cameroun comme pays d'exécution de la mesure d'éloignement, méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3. Le préfet du Nord fait valoir que M. A... B... n'établit pas la réalité des violences subies au Cameroun en lien avec son orientation sexuelle ainsi que cela ressort notamment de la décision du 28 juin 2011 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 8 avril 2013 de la Cour nationale du droit d'asile. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier de plusieurs certificats médicaux produits par M. A... B... très circonstanciés, dont celui du 25 avril 2017 adressé au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, émanant d'un praticien hospitalier, psychiatre que l'intéressé a été victime de violences graves en raison de son orientation sexuelle au Cameroun et qu'il souffre en conséquence d'un stress post-traumatique compliqué, d'une dépression sévère nécessitant un traitement psychotrope. Ce praticien précise qu'un retour au Cameroun entraînerait une décompensation massive des troubles dont souffre l'intéressé et confirme ses constatations par un nouveau certificat médical du 27 mars 2018 qui précise que l'état clinique de M. A... B... est précaire et nécessite la poursuite d'un suivi médical et la prise d'un traitement psychotrope pendant une durée minimale de cinq ans. Ces constatations médicales ne sont, en l'espèce, pas utilement contredites par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile dont se prévaut le préfet.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur le motif de la réalité des violences subies au Cameroun par M. A... B... en raison de son orientation sexuelle pour annuler la décision du 9 mai 2019 fixant le pays de destination de l'obligation de quitter le territoire français.
Sur les conclusions d'appel incident tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français :
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B..., entré en France le 11 juillet 2010, s'est vu délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'au 26 avril 2012 puis un premier titre de séjour valable jusqu'au 13 octobre 2012, qui a été régulièrement renouvelé jusqu'au 3 mars 2018 sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de son état de santé. Comme il a été dit au point 2, l'intéressé souffre d'un stress post-traumatique compliqué d'une dépression sévère nécessitant un traitement psychotrope, pour lesquels il bénéficie d'une prise en charge depuis l'année 2011 et, à la date de la décision attaquée, il était en situation régulière sur le territoire français depuis plus de six ans. Par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par M. A... B..., le préfet du Nord a, en prononçant une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de l'intéressé, entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé. Il convient donc d'en prononcer l'annulation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A... B... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés à l'instance :
7. M. A... B... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil, en application des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me D... renonce à la part contributive de l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Nord est rejetée.
Article 2 : La décision du 9 mai 2019 du préfet du Nord faisant obligation de quitter le territoire français à M. A... B... est annulée.
Article 3 : Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A... B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, pendant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera au conseil de M. A... B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de Me D... à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet du Nord, à M. E... A... B... et à Me C... D....
N°20DA00270 2