Procédure devant la cour :
I. Par une requête et des mémoires enregistrés, sous le n° 19DA01548, les 8 juillet, 30 septembre, 27 novembre 2019, 5 et 14 octobre 2020, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de première instance de M. A....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 ;
- le décret n° 2010-112 du 2 février 2010 ;
- l'arrêté du 13 juin 2014 portant approbation du référentiel général de sécurité et précisant les modalités de mise en oeuvre de la procédure de validation des certificats électroniques ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., se disant ressortissant nigérian né le 23 avril 1997 et déclarant être entré en France au mois d'août 2013, a été admis à l'aide sociale à l'enfance par un jugement du tribunal de grande instance du Havre du 18 mars 2014. Il s'est vu délivrer le 30 avril 2015 une carte de séjour portant la mention " salarié ". Dans le cadre de ses démarches tendant au renouvellement de ce titre de séjour, la photocopie du passeport qu'il a produite ayant révélé plusieurs anomalies, il a été invité par la préfète de la Seine-Maritime à justifier de son état civil. Par un arrêté du 24 janvier 2017, la préfète de la Seine-Maritime a refusé le renouvellement du titre de séjour de M. A... mais, par un jugement du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté. C'est le jugement dont le préfet de la Seine-Maritime interjette régulièrement appel.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. "
3. Eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Pour annuler l'arrêté du 24 janvier 2017 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de renouveler le titre de séjour de M. A..., les premiers juges se sont fondés sur l'erreur manifeste d'appréciation commise par la préfète quant aux conséquences de cet arrêté sur la situation personnelle de l'intéressé. Ce faisant, alors qu'ils ne se sont pas prononcés sur le motif fondant à titre principal le refus de renouvellement litigieux tenant à ce que l'identité de M. A... n'était pas établie, l'intéressé ayant produit la photocopie d'un passeport révélant un document falsifié, ayant refusé de délivrer à l'administration son passeport original et produit un extrait d'acte de naissance irrecevable, les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'erreur manifeste d'appréciation commise par la préfète de la Seine-Maritime pour annuler l'arrêté du 24 janvier 2017 refusant à M. A... le renouvellement de son titre de séjour.
5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen et devant la cour.
Sur la légalité de l'arrêté du 24 janvier 2017 :
6. Aux termes de l'alinéa premier de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. "
7. Ainsi qu'il a été dit, la préfète de la Seine-Maritime a fondé à titre principal l'arrêté litigieux sur les doutes suscités quant à l'identité réelle de M. A... par les documents qu'il a produits. Il ressort à cet égard des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, que la photocopie de son passeport jointe à sa demande de titre de séjour faisait apparaître plusieurs anomalies révélant la falsification du passeport original, que l'intéressé a au demeurant refusé de transmettre à l'administration. Cette falsification a par la suite été confirmée par l'analyse réalisée par les services de la police aux frontières le 9 mars 2017. Par ailleurs, il est constant qu'alors qu'il s'était rendu en préfecture pour retirer le titre de séjour que le jugement litigieux avait enjoint au préfet de lui délivrer, les empreintes de M. A... ont été relevées et renseignées dans le fichier Visabio, ont révélé qu'il avait demandé la délivrance d'un visa à l'ambassade du Nigéria le 13 février 2013 en déclarant une date de naissance le 23 avril 1985, alors que les autres documents produits font état d'une naissance le 23 avril 1997. Il résulte en outre d'un procès-verbal d'audition en date du 22 novembre 2013, établi par les services de la police aux frontières, que M. A... a été soumis à un test osseux révélant un âge estimé entre 18 et 19 ans. S'il soutient que la marge d'erreur de ces tests conforte sa minorité au moment de son entrée en France, il résulte des résultats mêmes du test que l'analyste a tenu compte de cette marge en évoquant un âge possible entre 18 et 19 ans au plus tard au 22 novembre 2013. La préfète de la Seine-Maritime établit par ailleurs que le premier extrait d'acte de naissance a été délivré par un tribunal local sur le fondement de la seule déclaration de l'intéressé, et non par la " National Population Commission " seule habilitée à cette fin, et n'est par suite pas de nature à établir l'identité de M. A.... La circonstance que M. A... produise, pour la première fois en cause d'appel, une attestation de naissance émanant de la " National Population Commission " en date du 3 octobre 2019 attestant de son état civil, n'est pas de nature à mieux établir son identité dans la mesure, notamment, où les services de la police aux frontières ont pu établir le caractère falsifié de ce nouveau document par une analyse documentaire du 14 avril 2020 jointe au mémoire du préfet de la Seine-Maritime enregistré le 5 octobre 2020 et communiqué le même jour à l'intéressé. Si M. A... produit enfin, par un mémoire enregistré le 9 octobre 2020, une attestation émanant de la " National Population Commission " en date du 6 octobre 2020 répondant aux critiques de cette analyse documentaire, l'impossibilité d'authentifier cette attestation qui ne constitue pas un document officiel, et les conditions, notamment de célérité, dans lesquelles elle a été produite, ne sont pas de nature à établir l'authenticité de l'attestation de naissance en date du 3 octobre 2019.
8. Il résulte de ce qui précède qu'en estimant, par l'arrêté litigieux du 24 janvier 2017, que la réalité de l'identité de M. A... n'était pas établie et en rejetant, à titre principal pour ce motif, sa demande de titre de séjour, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur de fait, ni d'erreur de droit. Les autres moyens invoqués à l'appui de son recours par M. A..., tirés de l'atteinte portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, à son droit à obtenir un titre de séjour en qualité de salarié et aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ne peuvent dans ces conditions qu'être écartés. Le préfet de la Seine-Maritime est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 24 janvier 2017. Les conclusions présentées par M. A... en première instance et en appel tendant à l'annulation de cet arrêté doivent dès lors être rejetées, ensemble les conclusions en injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dont elles sont assorties.
Sur la demande d'exécution du jugement du 11 juin 2019 :
9. Le présent arrêt se prononçant sur le fond de la requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen du 11 juin 2019, les conclusions tendant à son exécution sont sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.
DÉCIDE :
Article 1er : M. A... est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le jugement n° 1702231 du tribunal administratif de Rouen du 11 juin 2019 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Rouen du 11 juin 2019.
N°19DA01548 2