Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 novembre 2019 et le 6 octobre 2020, Mme A..., représentée par Me C... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 14 septembre 2016 de rejet de sa demande préalable d'indemnisation ;
3°) de condamner l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais-Picardie à lui verser la somme de 30 000 euros en indemnisation de l'ensemble des préjudices subis, avec intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2016 et capitalisation de ceux-ci ;
4°) de mettre à la charge de l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais-Picardie une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., nommée le 29 novembre 2004 secrétaire administratif des affaires sanitaires et sociales à la suite de sa réussite au concours et affectée au pôle habitat santé en qualité de correspondant administratif en matière d'instruction et de suivi des dossiers d'habitat insalubre, a saisi le 13 juillet 2016 l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais d'une demande préalable d'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'agissements de harcèlement moral, qui a été rejetée par une décision du 14 septembre 2016. Mme A... relève appel du jugement du 30 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du harcèlement moral dont elle aurait été victime et des manquements de cette agence au regard de ses obligations en matière de sécurité et de santé.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 14 septembre 2016 rejetant la demande préalable de Mme A... :
2. La décision du 14 septembre 2016 par laquelle l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais-Picardie a rejeté la demande préalable de Mme A... a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de cette demande qui a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressée à percevoir la somme qu'elle réclame, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de la décision du 14 septembre 2016 doivent être rejetées.
Sur la responsabilité de l'agence régionale de santé des Hauts-de-France :
3. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. "
4. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été reconnue travailleur handicapé depuis l'année 2004 et que, par des avis des 17 janvier et 29 juillet 2008, le médecin de prévention a reconnu l'aptitude de l'intéressée sous réserve d'un maximum de quatre heures de travail par jour sur écran, et de l'absence du port de charges lourdes. Mme A... soutient que depuis l'année 2008, elle a vu sa charge de travail augmenter sans aménagement de son poste de travail alors qu'elle a la qualité de travailleur handicapé et que la passivité de sa hiérarchie et la dégradation de ses conditions de travail sont constitutives de harcèlement moral.
6. S'agissant tout d'abord de l'aménagement du poste de travail de Mme A..., il ressort des pièces du dossier et, en particulier, du compte-rendu d'entretien de l'intéressée avec le responsable du pôle habitat santé qui s'est déroulé le 18 octobre 2013, que Mme A... a reconnu qu'elle disposait d'un fauteuil ergonomique et qu'ont été prises en compte ses demandes tendant à l'obtention d'un écran plus large, d'un rehausseur d'écran avec le recours, si nécessaire, à un ergonome.
7. Ensuite, s'agissant de l'évolution de la charge de travail de Mme A..., il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a vu sa charge de travail augmenter en 2008 et, plus particulièrement, à compter du mois de décembre 2012 à la suite du congé de maladie d'une collègue. Si une fiche d'aptitude du 5 avril 2013 a posé des restrictions à l'exercice de ses fonctions en limitant à six heures par jour le temps de travail sur écran et en lui interdisant d'effectuer des heures supplémentaires, il ressort du compte-rendu d'entretien de Mme A... avec le responsable du pôle habitat santé du 18 octobre 2013 qu'il a été décidé de mener une étude sur la redéfinition de la charge de travail afin d'effectuer un rééquilibrage des tâches entre les agents du service dont Mme A..., quant à la répartition des dossiers et quant à la charge de travail entre les dossiers planifiables et non-planifiables pouvant entraîner une surcharge. En outre, il ressort d'un courriel du 10 avril 2014 du responsable du même pôle à la suite d'un échange avec Mme A..., qu'une méthode d'évaluation de la charge de travail a été mise en place afin de tenir compte de la spécificité des dossiers et du temps consacré par chaque agent à sa mission d'instruction de ces dossiers. Une proposition d'aménagement de la fiche de poste occupé par l'intéressée a finalement été établie en juillet 2014 afin de tenir compte des dernières préconisations du médecin de prévention visant à diminuer de 20 % les missions qui lui étaient confiées. Si Mme A... a contesté le bien-fondé de certains aménagements proposés, elle a cependant accepté la méthode et pris acte de la suppression de certaines de ses missions.
8. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que, s'il y a eu une augmentation de la charge de travail de Mme A... en raison de l'absence pour maladie d'un agent et de la réorganisation du service liée à la création de l'agence régionale de santé des Hauts-de-France à l'origine d'une activité importante du service et d'une dégradation des conditions de travail de l'intéressée, cette dégradation liée à une surcharge de travail, qui a été prise en compte par les autorités hiérarchiques de l'intéressée afin d'y remédier et qui était justifiée par l'intérêt du service, ne révèle aucun agissement répété excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. Si l'intéressée soutient aussi que la surcharge de travail lui a occasionné un syndrome dépressif, ainsi que cela ressort du certificat médical du 25 juin 2015, cette circonstance n'est pas de nature à elle seule à faire présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral. En outre, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'agence régionale de santé aurait commis une faute en méconnaissant son obligation de sécurité et de protection de la santé des agents placés sous son autorité.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions indemnitaires. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... le versement à l'agence régionale de santé des Hauts-de-France d'une somme au titre de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'agence régionale de santé des Hauts-de-France présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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