Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 mars 2018 et 11 avril 2019, la SAS Clinique de Saint-Omer, représentée par Me B... A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement et la décision du 12 août 2015 du directeur général de l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais ;
2°) d'enjoindre à la directrice générale de l'agence régionale de santé des Hauts-de-France de réexaminer sa demande d'autorisation d'exercer une activité de soins de suite et de réadaptation non spécialisés des adultes sous forme d'hospitalisation complète sur le site de la clinique dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à venir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,
- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 4 décembre 2014, le directeur général de l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais a adopté un arrêté relatif au bilan quantifié de l'offre de soins recensant, pour le territoire de santé du Littoral, le besoin d'une implantation d'un service de soins de suite et de réadaptation non spécialisés. Par une décision du 12 août 2015, le directeur général de cette agence a rejeté la demande d'autorisation présentée, en réponse à l'appel à candidature résultant de ce bilan quantifié, par la SAS clinique de Saint-Omer pour l'exercice de l'activité de soins de suite et de réadaptation non spécialisés. La SAS clinique de Saint-Omer demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille du 29 décembre 2017 par lequel le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 août 2015.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique : " Sont soumis à l'autorisation de l'agence régionale de santé les projets relatifs à la création de tout établissement de santé, la création, la conversion et le regroupement des activités de soins, y compris sous la forme d'alternatives à l'hospitalisation ou d'hospitalisation à domicile, et l'installation des équipements matériels lourds (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 6122-2 de ce code dans sa rédaction alors applicable : " L'autorisation est accordée lorsque le projet : / 1° Répond aux besoins de santé de la population identifiés par les schémas mentionnés aux articles L. 1434-7 et L. 1434-10 ; / 2° Est compatible avec les objectifs fixés par ce schéma ; / 3° Satisfait à des conditions d'implantation et à des conditions techniques de fonctionnement (...) ". Aux termes de l'article L. 1434-7 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable, le schéma régional d'organisation des soins " a pour objet de prévoir et de susciter les évolutions nécessaires de l'offre de soins afin de répondre aux besoins de santé de la population et aux exigences d'efficacité et d'accessibilité géographique ". Aux termes de l'article L. 6122-9 du code de la santé publique : " (...) Dans le mois qui précède le début de chaque période, le directeur général de l'agence régionale de santé publie un bilan quantifié de l'offre de soins faisant apparaître les territoires de santé dans lesquels cette offre est insuffisante au regard du schéma d'organisation des soins. Les demandes tendant à obtenir une autorisation de création d'une activité de soins ou d'un équipement matériel lourd ne sont recevables, pour la période considérée, que pour des projets intéressant ces territoires de santé (...) ". Aux termes de l'article D. 6121-6 du code de la santé publique : " Les objectifs quantifiés de l'offre de soins qui sont précisés par le schéma d'organisation des soins portent sur les activités de soins et les équipements matériels lourds faisant l'objet du schéma d'organisation des soins mentionnés à l'article L. 1434-9 ". Aux termes de l'article D. 6121-7 de ce code : " Les objectifs quantifiés de l'offre de soins mentionnés à l'article D. 6121-6 sont exprimés pour les activités de soins : 1° Par territoire de santé : nombre d'implantations assurant une activité de soins déterminée, définie à l'article R. 6122-25 (...) ".
3. Il résulte du schéma régional d'organisation des soins adopté par le directeur général de l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais le 31 décembre 2011 que, s'agissant des soins de suite et de réadaptation, il a été retenu comme objectifs, notamment, de maintenir à dix-sept le nombre d'implantations de services de soins de suite et de réadaptation non spécialisés sur le territoire de santé du Littoral, et d'" optimiser l'accès et la qualité de l'orientation des personnes vers l'offre de soins de suite et de réadaptation [en incitant] dans chaque territoire de santé, les acteurs hospitaliers à maintenir ou à mettre en place des filières organisées de soins par type de mention spécialisée (...) ".
4. Enfin, par l'arrêté du 4 décembre 2014 relatif au bilan quantifié de l'offre de soins, le directeur général de l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais a identifié, pour le territoire de santé du Littoral, le besoin d'une implantation d'un service de soins de suite et de réadaptation non spécialisés, à la suite du passage de dix-sept à seize du nombre d'implantations de ce type de service.
5. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'exigence de maintien ou de mise en place de filières organisées de soins par type de mention spécialisée n'est opposable que dans le cadre de l'objectif visant à " inciter, dans chaque territoire de santé, les acteurs hospitaliers à maintenir ou à mettre en place des filières organisées de soins par type de mention spécialisée ". En l'espèce, d'une part, il ressort des pièces du dossier que le projet de la SAS clinique de Saint-Omer portait, à titre principal, sur la création d'un service de soins de suite et de réadaptation non spécialisés, et répondait ainsi tant à la carence identifiée par l'arrêté relatif au bilan quantifié de l'offre de soins du 4 décembre 2014 quant au nombre d'implantations de ce type de services au sein du territoire de santé Littoral, qu'à l'objectif du schéma régional d'organisation des soins visant à maintenir à dix-sept le nombre d'implantations de ces services. La ministre des solidarités et de la santé n'apporte aucun élément de nature à établir, ainsi qu'elle le soutient dans ses écritures, que le projet présenté par la SAS clinique de Saint-Omer dissimulerait en réalité une volonté de création d'un service de soins de suite et de réadaptation spécialisés exclusivement orientés sur les suivis post-chirurgicaux des patients de la clinique. Une telle volonté ne ressort au demeurant pas des pièces du dossier, et notamment du dossier de demande d'autorisation adressé par la clinique requérante à l'agence régionale de santé. Par suite, le directeur général de l'agence régionale de santé ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, opposer à la SAS clinique de Saint-Omer une insuffisante inscription de son projet dans le cadre des filières organisées de soins par type de mention spécialisée, cet objectif étant inopposable au projet de la clinique de Saint-Omer visant à répondre aux besoins identifiés sur le territoire de santé du Littoral en matière de soins de suite et de réadaptation non spécialisés. Il ne ressort en outre pas des pièces du dossier que le directeur général aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur le second motif invoqué, tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 6123-124 du code de la santé publique, au demeurant inapplicable à la SAS clinique de Saint-Omer qui n'accueillait, préalablement à la demande litigieuse, aucun service de soins de suite et de réadaptation.
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, la SAS clinique de Saint-Omer est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 août 2015.
Sur les conclusions en injonction :
7. Le présent arrêt implique nécessairement que l'agence régionale de santé des Hauts-de-France réexamine la demande litigieuse de la SAS clinique de Saint-Omer, dans un délai de trois mois à compter de sa notification. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. L'Etat versera à la SAS clinique de Saint-Omer une somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 29 décembre 2017 et la décision du directeur général de l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais du 12 août 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au directeur général de l'agence régionale de santé des Hauts-de-France d'examiner à nouveau, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, la demande d'autorisation portant sur un service des soins de suite et de réadaptation non spécialisés présentée par la SAS clinique de Saint-Omer.
Article 3 : L'Etat versera à la SAS clinique de Saint-Omer une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS clinique de Saint-Omer, à l'agence régionale de santé des Hauts-de-France et à la ministre des solidarités et de la santé.
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N°18DA00482