Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 avril 2019, M. C..., représenté par Me B... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2018 de la préfète de la Seine-Maritime ;
3°) à titre subsidiaire, avant dire droit, de désigner un expert afin de déterminer si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
4°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91- 647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant albanais né le 5 avril 1976, entré en France le 8 janvier 2016 selon ses déclarations, a demandé son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision du 31 août 2016 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 26 janvier 2017 de la Cour nationale du droit d'asile. Il a ensuite demandé, le 17 mai 2017, son admission au séjour en faisant valoir son état de santé, puis le 7 juin 2018, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève appel du jugement du 1er février 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2018 de la préfète de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure.
Sur la régularité du jugement :
2. Contrairement à ce que soutient M. C..., les premiers juges ont répondu, au point 12 du jugement attaqué, au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait, pour ce motif, irrégulier.
3. Si le requérant a sollicité en première instance une expertise médicale afin de déterminer si son état de santé répondait aux conditions posées par le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier d'un titre de séjour de plein droit, il ressort de la motivation du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu au point 32 du jugement attaqué, à cette demande en estimant qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner une expertise, dépourvue d'utilité pour la solution du litige. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer sur ce point.
Sur le refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...). ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
5. Il résulte des dispositions citées au point 4 que le médecin instructeur à l'origine du rapport médical relatif à l'état de santé de l'étranger sollicitant un titre de séjour en raison de son état de santé, transmis pour avis au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ne doit pas siéger au sein dudit collège. Il ressort de l'attestation de la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en date du 11 décembre 2018 que le rapport a été établi par un médecin du service médical de l'Office différent de ceux qui composaient le collège médical qui a émis l'avis du 30 janvier 2018 sur la situation de M. C.... La circonstance que ce document ne mentionne pas l'identité précise de son auteur n'est pas de nature à remettre en cause la teneur de cette attestation. En outre, la circonstance que l'avis du collège de médecins ne comporte aucun élément concernant une convocation de l'intéressé est sans incidence, dès lors que le collège n'est pas tenu de convoquer le demandeur. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
7. L'avis émis le 30 janvier 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration précise que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Si M. C... soutient qu'il souffre d'une myélopathie cervico-arthrosique et que le défaut de prise en charge médicale entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, les seuls certificats médicaux produits, très peu circonstanciés, établis par un neurochirurgien et un médecin généraliste les 21 avril 2017, 11 octobre 2017 et 4 mai 2018 ne sont pas de nature à eux-seuls à infirmer l'appréciation du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ni à établir en tout état de cause qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un suivi et d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaît les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En troisième lieu, M. C... réitère ses moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 7° de l'article L. 313-11 de ce code, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que de l'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle dont serait entachée la décision en litige. Cependant, il n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ces moyens. Par suite, il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 12, 15 et 17 du jugement contesté.
9. Enfin, il ressort des pièces du dossier, en particulier d'une lettre en date du 22 mai 2018 que M. C... a demandé son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant valoir sa situation personnelle et professionnelle après avoir initialement demandé un titre de séjour en raison de son état de santé ainsi que sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas des termes de la décision en litige que la préfète de la Seine-Maritime aurait examiné la demande de titre de séjour présentée au titre de ces dernières dispositions. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens tirés du vice de procédure et de la méconnaissance de ces dispositions, M. C... est fondé à soutenir que la décision en litige est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle et à en demander son annulation pour ce motif. L'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et la décision fixant le pays de destination prises à l'encontre de l'intéressé doivent, par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour être annulées.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
11. Eu égard au motif qui la fonde, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement de prescrire au préfet de la Seine-Maritime, de réexaminer la situation de M. C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et dans l'attente, de délivrer une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
12. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, Me D..., avocate de M. C..., peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros, au profit de Me D..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1804100 du 1er février 2019 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 24 juillet 2018 de la préfète de la Seine-Maritime portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer la situation de M. C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 800 euros à Me D... au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Maritime et à Me B... D....
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N°19DA00843