Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2019, M. H..., représenté par Me D... F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir et d'enregistrer sa demande d'asile dans un délai de sept jours à compter de la même date, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans les deux cas ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (CE) n° 767/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 ;
- le règlement n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme G... E..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. H..., ressortissant congolais né le 6 juin 1991, qui déclare avoir quitté la République Démocratique du Congo en raison de craintes de persécutions, serait arrivé en France par le Portugal le 25 juin 2018. Il a déposé en France une demande d'asile le 31 juillet 2018. Par un arrêté du 22 novembre 2018, la préfète de la Seine-Maritime a décidé du transfert de l'intéressé vers le Portugal. M. H... relève appel du jugement du 18 décembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Dans sa requête d'appel, M. H... reprend les moyens soulevés en première instance, tirés du défaut de motivation de l'acte attaqué, du défaut d'examen particulier de sa situation et de l'erreur manifeste d'appréciation à ne pas avoir mis en oeuvre les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 sans apporter le moindre élément nouveau de fait ou de droit, de nature à remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué sur ces points. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge aux points 3 et 12, d'écarter ces moyens.
3. Par un jugement du 6 novembre 2018, le magistrat désigné a annulé une précédente décision de transfert du 2 octobre 2018 au motif que la préfète n'avait pas procédé à un examen approfondi de la situation du requérant. Eu égard au motif d'annulation retenu par ce jugement, il était loisible à la préfète de la Seine-Maritime de prendre une nouvelle décision prononçant à nouveau le transfert de M. H... au Portugal. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'autorité de la chose jugée doit être écarté.
4. Il résulte de la combinaison des dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et des articles L. 742-3 à 5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à la suite de la décision du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
5. En l'espèce, le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 a été interrompu par le recours de M. H... contre la décision du 2 octobre 2018 puis contre la décision du 22 novembre 2018. Le délai de six mois a recommencé à courir à la suite de la notification des jugements rendus sur ces décisions. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, que M. H... a été déclaré en fuite le 28 janvier 2019, ce qu'il ne conteste pas. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'à la date de la décision attaquée, la France serait devenue responsable de sa demande d'asile.
6. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ". Aux termes de l'article 35 de ce règlement : " 1. Chaque État membre notifie sans délai à la Commission les autorités chargées en particulier de l'exécution des obligations découlant du présent règlement et toute modification concernant ces autorités. (...) / (...) / 3. Les autorités visées au paragraphe 1 reçoivent la formation nécessaire en ce qui concerne l'application du présent règlement / (...) " et aux termes de l'article 4 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres désignent pour toutes les procédures une autorité responsable de la détermination qui sera chargée de procéder à un examen approprié des demandes conformément à la présente directive. (...) / (...) / 3. Les États membres veillent à ce que le personnel de l'autorité responsable de la détermination visée au paragraphe 1 soit dûment formé (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier, notamment des éléments produits par la préfète en première instance que M. H... a bénéficié de l'entretien individuel prévu par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dans les locaux de la préfecture de la Seine-Maritime, le 31 juillet 2018. En l'absence de tout élément de nature à faire naître un doute sérieux sur ce point, le seul fait que ce compte-rendu ne comporte pas la mention du nom et de la qualité de l'agent de la préfecture qui a mené cet entretien ne peut suffire à établir, que cet agent n'aurait pas été mandaté à cet effet par la préfète de la Seine-Maritime après avoir bénéficié d'une formation appropriée et ne serait, par suite, pas une " personne qualifiée en vertu du droit national " au sens des dispositions citées au point précédent. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que ces dispositions auraient été méconnues et celui tiré de l'irrégularité de la procédure à l'issue de laquelle l'arrêté en litige a été pris doivent être écartés.
8. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 7 du règlement (CE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " La détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre. " et du paragraphe 2 de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Si le demandeur est titulaire d'un visa en cours de validité, l'État membre qui l'a délivré est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, sauf si ce visa a été délivré au nom d'un autre État membre en vertu d'un accord de représentation prévu à l'article 8 du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (1). Dans ce cas, l'État membre représenté est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. ". Toutefois, le paragraphe 4 de l'article précité précise que : " si le demandeur est seulement titulaire d'un ou de plusieurs titres de séjour périmés depuis moins de deux ans ou d'un ou de plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un État membre, les paragraphes 1, 2 et 3 sont applicables aussi longtemps que le demandeur n'a pas quitté le territoire des États membres ".
9. Il ressort des pièces du dossier que les services préfectoraux de la Seine-Maritime ont interrogé le fichier Visabio lors du dépôt de la demande d'asile de M. H... à l'aide du relevé de ses empreintes digitales. Si l'intéressé n'était pas recensé sous ce nom dans le fichier Eurodac pour demande d'asile dans un Etat membre ou pour franchissement irrégulier d'une frontière, il a pu être établi qu'il était en possession d'un visa délivré par les autorités portugaises en se présentant sous le nom de A... B..., de nationalité angolaise né le 6 juin 1988. Il ressort des pièces du dossier que le visa délivré par les autorités portugaises à M. H... sous cet alias couvrait la période allant du 1er février 2018 au 17 mars 2018. Par suite, à la date de la demande d'asile déposée par M. H... en France, soit le 31 juillet 2018, il n'était pas périmé depuis plus de six mois. Ainsi, en application du paragraphe 4 de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013, l'Etat membre responsable de la demande de protection internationale déposée par M. H... était bien le Portugal. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article doit être écarté.
10. Aux termes de l'article 6 du règlement (CE) n° 767/2008 du 9 juillet 2008 susvisé : " Accès au VIS aux fins de la saisie, de la modification, de l'effacement et de la consultation des données (...) 1. L'accès au VIS aux fins de la saisie, de la modification ou de l'effacement des données visées à l'article 5, paragraphe 1, conformément au présent règlement, est exclusivement réservé au personnel dûment autorisé des autorités chargées des visas. 2. L'accès au VIS aux fins de la consultation des données est exclusivement réservé au personnel dûment autorisé des autorités nationales compétentes pour les besoins visés aux articles 15 à 22, dans la mesure où ces données sont nécessaires à la réalisation de leurs tâches, conformément à ces besoins, et proportionnées aux objectifs poursuivis. 3. Chaque État membre désigne les autorités compétentes dont le personnel dûment autorisé sera habilité à saisir, à modifier, à effacer ou à consulter des données dans le VIS. Chaque État membre communique sans délai une liste de ces autorités à la Commission, y compris celles visées à l'article 41, paragraphe 4, ainsi que toute modification apportée à cette liste. Cette dernière précise à quelle fin chaque autorité est autorisée à traiter des données dans le VIS. (...) ". Aux termes de l'article 28 dudit règlement : "1. Le VIS est relié au système national de chaque État membre par l'intermédiaire de l'interface nationale dans l'État membre concerné. 2. Chaque État membre désigne une autorité nationale, qui autorise l'accès au VIS des autorités compétentes visées à l'article 6, paragraphes 1 et 2, et relie cette autorité nationale à l'interface nationale. 3. Chaque État membre applique des procédures automatisées de traitement des données. 4. Chaque État membre est responsable: a) du développement du système national et/ou de son adaptation au VIS, conformément à l'article 2, paragraphe 2,de la décision 2004/512/CE ; b) de l'organisation, de la gestion, du fonctionnement et de la maintenance de son système national ; c) de la gestion et des modalités d'accès au VIS du personnel dûment autorisé des autorités nationales compétentes, conformément aux dispositions du présent règlement, ainsi que de l'établissement d'une liste du personnel et de ses qualifications et de la mise à jour régulière de cette liste; d) des coûts afférents aux systèmes nationaux et à leur connexion à l'interface nationale, y compris des coûts d'investissement et de fonctionnement de l'infrastructure de communication entre l'interface nationale et le système national. 5. Avant d'être autorisé à traiter des données stockées dans le VIS, le personnel des autorités ayant un droit d'accès au VIS reçoit une formation appropriée concernant les règles en matière de sécurité et de protection des données et est informé des infractions et des sanctions pénales éventuelles en la matière. ".
11. Le moyen tiré de ce que la préfète de la Seine-Maritime n'aurait pas apporté la preuve de ce qu'elle a respecté les obligations découlant des dispositions précitées n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. H... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... H... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.
N°19DA00136 2