Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 septembre 2017 et 22 janvier 2019, la société Pacifica, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Compiègne à lui verser une somme totale de 106 523,28 euros en remboursement des frais exposés pour l'indemnisation de Mme A... ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Compiègne une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant le centre hospitalier de Compiègne.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née le 30 avril 1944, souffrant de diabète, a été admise le 6 septembre 2004 au centre hospitalier de Compiègne pour un mal perforant plantaire. La persistance des douleurs a imposé une nouvelle hospitalisation au centre hospitalier de Compiègne le 12 mai 2005 pour une infection de l'avant-pied gauche traînante avec atteinte osseuse et neuropathie diabétique sévère des membres inférieurs. Elle a été opérée le 20 mai 2005 pour une ostéoarthrite de l'articulation métatarsophalangienne du gros orteil du pied gauche. Des localisations infectieuses de la même nature sur les deuxième et troisième métatarsiens gauches ont imposé la mise en place d'une antibiothérapie par voie intraveineuse, pendant six semaines. Avant sa sortie, prévue le 11 juillet 2005, elle a été victime d'un choc toxique allergique aux antibiotiques avec toxidermie, syndrome d'hyper perméabilité capillaire et insuffisance rénale aiguë par néphropathie interstitielle. A la suite de l'arrêt de l'antibiothérapie, un nouvel épisode fébrile a conduit à la réalisation d'hémocultures les 23 et 24 juillet 2005 qui seront positives au germe acinetobacter baumanii et à un staphylocoque doré résistant à la méthicilline. Le lourd traitement antibiotique alors prescrit pour lutter contre cette infection a été à l'origine d'effets secondaires auditifs et sensoriels invalidants. Mme A... a saisi le tribunal de grande instance de Rouen qui a diligenté une expertise dont le rapport a été remis le 30 juin 2010. Par deux décisions en date, respectivement, des 23 juin 2014 et 8 avril 2015, ce tribunal puis la cour d'appel de Rouen ont condamné la société Pacifica, assureur de Mme A..., à lui verser une somme de 104 523,28 euros en indemnisation des préjudices résultant de l'infection nosocomiale contractée au centre hospitalier de Compiègne. Par un jugement du 6 juillet 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté le recours dirigé par la société Pacifica, subrogée dans les droits de Mme A..., tendant à la condamnation du centre hospitalier de Compiègne à lui rembourser cette somme. La société Pacifica interjette régulièrement appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes du second alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, les professionnels de santé et les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins " sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ". Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial, une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.
3. D'une part, en l'espèce, il est constant que l'infection contractée par Mme A... à la fin du mois de juillet 2005 au cours de sa prise en charge au centre hospitalier de Compiègne trouve son origine dans la greffe bactérienne présente sur le cathéter intravasculaire administrant l'antibiothérapie destinée à traiter l'ostéoarthrite ayant motivé son admission, et que le germe " acinetobacter baumanii " identifié n'était ni présent, ni en incubation au début de cette prise en charge. Cette infection présente, ainsi, le caractère d'une infection nosocomiale au sens des dispositions citées au point précédent.
4. D'autre part, les dommages résultant d'infections nosocomiales recouvrant les séquelles imputables au traitement de ces infections, les lourdes séquelles auditives et sensorielles dont demeure atteinte Mme A... à la suite du traitement antibiotique dirigé contre ce germe doivent être regardées comme présentant un lien de causalité suffisamment direct avec l'infection ayant imposé le recours à ce traitement. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de reconnaître le caractère nosocomial de l'infection contractée par Mme A....
5. Aux termes de l'article L. 1142-2 du code de la santé publique : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales (...) ".
6. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise, que Mme A... demeure atteinte d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 26 %. La circonstance que, appareillée, le déficit fonctionnel de Mme A... serait ramené à 22 % est à cet égard sans incidence, le déficit fonctionnel permanent s'entendant de celui résultant directement du dommage et apprécié préalablement à tout traitement. Il en résulte que la réparation du dommage subi par Mme A... n'incombe pas en vertu des dispositions précitées de l'article L 1142-2 du code de la santé publique au centre hospitalier de Compiègne.
7. Il résulte de ce qui précède que la société Pacifica n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement du 6 juillet 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Il y a par suite lieu de rejeter sa requête d'appel et, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions du centre hospitalier de Compiègne présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Pacifica est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Compiègne présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pacifica, à Mme D... A..., au centre hospitalier de Compiègne et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise.
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N°17DA01764