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Vu les autres pièces du dossier :
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement avertie du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,
- les observations de Me A... D..., représentant la région Hauts-de-France, et les observations de Me C... B..., représentant l'association " groupement pour la défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais ".
Une note en délibéré présentée par Me B... pour l'association " groupement pour la défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais " a été enregistrée le 7 janvier 2021.
Considérant qui suit :
1. Par une convention pluriannuelle d'objectifs conclue le 12 octobre 2015, l'association " groupement pour la défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais " et la région Hauts-de-France ont convenu des conditions de financement d'un programme d'actions, défini par cette convention et mis en oeuvre par cette association, pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016. En exécution de cette convention, la région Hauts-de-France a versé à cette association une subvention d'un montant de 44 646 euros au titre du premier semestre de l'année 2016. Par une décision du 12 juillet 2016, le président du conseil régional a rejeté la demande de l'association " groupement de défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais " de versement de subventions concernant un programme d'actions pour le second semestre de l'année 2016. L'association " groupement de défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais " a saisi, le 12 août 2016, la chambre régionale des comptes Nord-Pas-de-Calais-Picardie qui, par un avis rendu le 4 octobre 2016, a considéré que la subvention en cause ne présentait pas le caractère d'une dépense obligatoire pour la région, en l'absence, notamment, de tout engagement de celle-ci à la verser en application de la convention du 12 octobre 2015. La région Hauts-de-France relève appel du jugement du 9 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a fait droit à la demande du groupement de défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais tendant à la condamnation de la région Hauts-de-France à lui verser la somme de 44 354 euros correspondant à la subvention due au titre du second semestre de l'année 2016, en exécution de la convention pluriannuelle d'objectifs conclue le 12 octobre 2015.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Lorsque sont présentées dans la même instance des conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision et des conclusions relevant du plein contentieux tendant au versement d'une indemnité pour réparation du préjudice causé par l'illégalité fautive que le requérant estime constituée par cette même décision, cette circonstance n'a pas pour effet de donner à l'ensemble des conclusions le caractère d'une demande de plein contentieux.
3. La demande présentée devant le tribunal administratif de Lille par l'association " groupement pour la défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais " tendait, d'une part, à l'annulation de la décision du 12 juillet 2016 du président de la région Hauts-de-France rejetant la demande du groupement tendant au versement de la subvention relative à son programme d'actions pour le second semestre de l'année 2016 en exécution de la convention pluriannuelle d'objectifs conclue le 12 octobre 2015, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux formé contre ce refus et, d'autre part, à la condamnation de la région à indemniser le préjudice résultant de l'illégalité de ces décisions et à lui verser à ce titre la somme de 44 354 euros correspondant au solde de cette subvention au titre du second semestre de l'année 2016. Les premiers juges étaient, par suite, saisis de conclusions d'excès de pouvoir et de conclusions indemnitaires et ne pouvaient, en application des principes rappelés au point précédent, estimer que l'association requérante avait entendu donner à l'ensemble de son recours le caractère d'un recours de plein contentieux. En requalifiant l'ensemble de la demande de l'association en recours de plein contentieux au motif qu'elle avait présenté des conclusions indemnitaires, le tribunal administratif de Lille a dès lors méconnu son office et l'étendue de ses pouvoirs. Le jugement attaqué, entaché d'irrégularité, doit, par suite, être annulé.
4. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de la demande de l'association " groupement pour la défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais ".
Sur la recevabilité de la requête :
5. Si les dispositions de l'article R. 431-2 du code de justice administrative conditionnent la recevabilité des requêtes et des mémoires à leur présentation par un avocat lorsque les conclusions de la demande tendent au paiement d'une somme d'argent, à la décharge ou à la réduction de sommes dont le paiement est réclamé au requérant ou à la solution d'un litige né de l'exécution d'un contrat, les dispositions du 5° de l'article R. 431-3 du même code dispensent d'une telle obligation les litiges dans lesquels le défendeur est une collectivité territoriale, un établissement public en relevant ou un établissement public de santé. Par suite, la requête du groupement pour la défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais, dirigée contre la région Hauts-de-France, collectivité territoriale en vertu des dispositions de l'article 72 de la Constitution, et tendant à l'annulation d'un refus de subvention et à ses conséquences dommageables, n'est pas soumise, à peine d'irrecevabilité, à l'obligation du ministère d'avocat.
Sur les conclusions dirigées contre l'avis de la chambre régionale des comptes Nord-Pas-de-Calais-Picardie du 4 octobre 2016 :
6. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique le nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".
7. L'association " groupement pour la défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais " ne soulève aucun moyen au soutien de ses conclusions présentées contre l'avis de la chambre régionale des comptes Nord-Pas-de-Calais-Picardie du 4 octobre 2016. Par suite, les conclusions dirigées contre cet avis, dès lors qu'elles ne respectent pas les prescriptions précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, sont irrecevables et doivent, en tout état de cause, être rejetées.
Sur les conclusions dirigées contre les décisions de refus de versement de la subvention :
8. Indépendamment des actions indemnitaires qui peuvent être engagées contre la personne publique, les recours relatifs à une subvention, qu'ils aient en particulier pour objet la décision même de l'octroyer, quelle qu'en soit la forme, les conditions mises à son octroi par cette décision ou par la convention conclue en application de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000, ou encore les décisions de la personne publique auxquelles elle est susceptible de donner lieu, notamment les décisions par lesquelles la personne publique modifie le montant ou les conditions d'octroi de la subvention, cesse de la verser ou demande le remboursement des sommes déjà versées, ne peuvent être portés que devant le juge de l'excès de pouvoir, par le bénéficiaire de la subvention ou par des tiers qui disposent d'un intérêt leur donnant qualité à agir.
9. Aux termes de l'article 1er de la convention pluriannuelle du 12 octobre 2015 conclue entre la région Hauts-de-France et l'association " groupement pour la défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais " : " Par la présente convention, l'association s'engage, pour les objectifs qu'elle a définis, à poursuivre ses finalités conformément à son objet social et à mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires à sa bonne exécution. La région s'engage, dans le cadre de la politique qu'elle a définie, et sous réserve de l'inscription des crédits au budget régional, à soutenir la réalisation de ces objectifs, en finançant le programme prévisionnel d'actions inscrit à l'article 3 ". L'article 4 de la convention prévoit que, chaque année, l'association adresse à la région un dossier de demande de subvention comportant notamment un programme prévisionnel d'actions et un budget prévisionnel. Aux termes de l'article 5 de cette convention : " Après instruction par les services régionaux, la demande de subvention fera l'objet d'un examen pour avis, par la Commission " Aménagement du territoire, Tourisme, Environnement, Plan Climat " ou par toute autre commission compétente, puis sera présentée à la Commission Permanente pour décision. Sur la base de la décision de la Commission permanente, la convention annuelle d'application déterminera le montant des subventions annuelles de la région (...) ". Aux termes de l'article 6 de cette convention : " Afin d'atteindre les objectifs fixés à l'article 2, et de permettre à l'association de réaliser ses engagement, la Région s'engage à verser chaque année, sous réserve de l'inscription des crédits au budget primitif régional une aide financière, dont le montant sera fixé par la délibération de la Commission permanente et les modalités de versement précisées par la convention annuelle en fonction du programme d'action et du plan de financement proposé par l'association. / 6.1. A titre indicatif, et sous réserve de l'activité effective, le montant de la subvention annuelle de la Direction de l'Environnement serait au minimum de 89 000 euros par an représentant au plus 50 % des dépenses prévisionnelles de l'association pour la mise en oeuvre annuelle des activités décrites dans le programme d'actions environnement ".
En ce qui concerne la légalité externe :
10. Il résulte des stipulations précitées de l'article 5 de la convention du 12 octobre 2015, et alors qu'aucune disposition du code général des collectivités territoriales ne donne compétence au président du conseil régional pour se prononcer sur les demandes de subventions, que seule la commission permanente est compétente pour décider ou refuser l'octroi de la demande de subvention de l'association requérante. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que, si la commission permanente s'était prononcée sur le premier semestre de l'année 2016 au cours de la séance du 2 novembre 2015, il résulte des termes mêmes de cette délibération qu'elle n'a volontairement pas pris position quant au versement de la subvention pour le second semestre de cette année, afin de laisser à l'exécutif issu des élections régionales à venir " la responsabilité de prolonger l'engagement financier pour toute l'année, via une subvention couvrant le second semestre ". Par suite, la décision du 12 juillet 2016 par laquelle le président de la région Hauts-de-France a rejeté la demande de l'association tendant au versement de la subvention relative à son programme d'actions pour le second semestre de l'année 2016 a été adoptée par une autorité incompétente. Par voie de conséquence, le rejet du recours gracieux en date du 19 décembre 2016 est également illégal. Ces deux décisions doivent donc être annulées.
En ce qui concerne la légalité interne :
11. Il résulte des stipulations des articles 4, 5 et 6 de la convention précitée que la demande de subvention ainsi que son montant doivent être soumis, sur la base d'un dossier de demande adressé annuellement à la région et sous réserve de l'inscription des crédits au budget régional, pour avis à la commission " Aménagement du territoire, Tourisme, Environnement, Plan Climat " du conseil régional, puis présenté à la commission permanente de ce conseil pour décision. L'octroi de la subvention, conditionné, en vertu des stipulations de l'article 1er de la convention, au respect du cadre de la politique définie par la région, est ainsi décidé au terme d'une procédure préservant à l'autorité décisionnaire un pouvoir d'appréciation et ne résulte pas automatiquement des stipulations de la convention. La circonstance selon laquelle l'association requérante aurait respecté les conditions prévues par la convention quant à la conformité de son programme d'actions par rapport aux objectifs définis par celle-ci, et celle selon laquelle la région ne justifie pas de la non-inscription des crédits correspondant à son budget, sont par suite sans incidence sur la légalité des décisions litigieuses. Par ailleurs, ce n'est qu'à titre indicatif et conditionnel que les stipulations de l'article 6 de la convention mentionnent un montant annuel de subvention à hauteur de 89 000 euros. Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient l'association requérante et à ce qu'ont estimé les premiers juges, aucun engagement ferme de la région à verser à l'association une subvention annuelle de 89 000 euros ne résulte de la convention conclue le 12 octobre 2015, ainsi que l'a au demeurant estimé la chambre régionale des comptes Nord-Pas-de-Calais-Picardie dans son avis du 4 octobre 2016. En outre, il ressort des pièces du dossier que les motifs opposés à l'association requérante, résidant dans la volonté de faire de l'emploi et du développement économique une priorité régionale et de mieux maîtriser les dépenses publiques, ne sont pas dénués de lien avec l'intérêt général. Enfin, le détournement de pouvoir invoqué, tiré de ce que les décisions litigieuses auraient pour seul objet de pénaliser les associations s'opposant à la pratique de la chasse, n'est pas établi.
12. Il résulte de tout ce qui précède que l'association " groupement pour la défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais " est seulement fondée à demander l'annulation des décisions contestées au motif qu'elles ont été prises par une autorité incompétente.
Sur les autres conclusions :
13. Si les décisions attaquées, annulées en raison de l'incompétence de leur auteur, sont illégales et, par suite, fautives, cette illégalité externe n'est pas, par elle-même, à l'origine du préjudice subi par l'association résultant du défaut de versement de la subvention demandée. Elle n'est pas plus à l'origine d'un préjudice moral au demeurant non étayé. Les conclusions indemnitaires tendant à l'indemnisation de ce préjudice doivent, par suite, être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à la région Hauts-de-France de se prononcer à nouveau sur la demande de subvention présentée par l'association au titre du second semestre de l'année 2016, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'association " groupement pour la défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais ", qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la région Hauts-de-France au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la région Hauts-de-France le versement à l'association " groupement pour la défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais " d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE
Article 1er : Le jugement n° 1610234 du 9 avril 2019 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La décision du 12 juillet 2016 et la décision de rejet du recours gracieux formé contre celle-ci, en date du 19 décembre 2016, sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint à la région Hauts-de-France de procéder au réexamen de la demande de versement de subvention de l'association " groupement de défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais " au titre du second semestre de l'année 2016 dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : La région Hauts-de-France versera à l'association " groupement de défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais " une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la région Hauts-de-France et à l'association " groupement de défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais ".
N°19DA01327 2