Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 décembre 2019 et le 3 novembre 2020, le centre hospitalier d'Hénin-Beaumont, représenté par Me G... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de première instance de Mme E... ;
2°) subsidiairement, d'ordonner avant dire droit une expertise en vue de donner toutes informations sur l'arrêt de travail prescrit du 28 mai au 7 novembre 2015, ainsi que sur la nature des soins dispensés au cours de cette période, sur les motifs de cet arrêt de travail et son lien éventuel avec la maladie imputable au service, sur la nature et l'importance des arrêts de travail postérieurs au 25 novembre 2017, de décrire les soins dispensés postérieurement à la date de consolidation et dire s'ils relèvent de la maladie imputable au service ;
3°) de mettre à la charge de Mme E... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- le décret n° 2008-1191 du 17 novembre 2008 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Khater, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public ;
- les observations de Me B... H... représentant le centre hospitalier d'Hénin-Beaumont ;
- et les observations de Me A... F... représentant Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., attachée d'administration hospitalière, affectée au sein de la direction des ressources humaines du centre hospitalier d'Hénin-Beaumont aux fonctions d'adjointe au directeur, a été placée en congé de maladie pour la période du 28 mai 2015 au 7 novembre 2015. A l'issue de ce congé, elle a été affectée à la direction des finances et du contrôle de gestion, en qualité de chargée de missions transversales, contrôle de gestion et coopération, avant d'être à nouveau placée en congé maladie à compter du 7 mars 2016. Après avoir émis, le 1er juillet 2016, un avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service des troubles anxio-dépressifs présentés par Mme E..., la commission de réforme hospitalière, réunie le 2 juin 2017, s'est prononcée en faveur de la reconnaissance du caractère professionnel de cette pathologie. Par une décision du 8 juin 2017, le directeur du centre hospitalier d'Hénin-Beaumont a reconnu l'imputabilité au service de la maladie contractée par Mme E... et décidé la prise en charge de l'arrêt de travail et des soins et examens spécialisés qui y sont liés, pour la période du 7 mars 2016 au 24 mars 2017, date de consolidation. Il a, en revanche, exclut cette imputabilité s'agissant des troubles antérieurs au 7 mars 2016. Par un jugement du 25 octobre 2019, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision en tant qu'elle a limité à la période du 7 mars 2016 au 24 mars 2017 la prise en charge de la maladie contractée en service par Mme E..., et enjoint au centre hospitalier, d'une part, de reconnaître le caractère professionnel de la maladie ayant justifié les arrêts de travail et les soins durant la période du 28 mai 2015 au 7 novembre 2015, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, d'autre part, de prendre en charge, au titre de l'imputabilité au service, l'ensemble des arrêts de travail et des soins en lien direct avec la maladie professionnelle de Mme E... depuis le 25 mars 2017, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le centre hospitalier d'Hénin-Beaumont interjette appel de ce jugement.
Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme E... :
2. La requête d'appel du centre hospitalier d'Hénin-Beaumont, qui comporte notamment une demande subsidiaire tendant à voir ordonner une mesure d'expertise à laquelle il s'était opposé devant les juges de première instance, ne se borne pas à reproduire intégralement et exclusivement les écritures de première instance. Elle répond donc aux exigences de motivation des requêtes d'appel prescrites par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. La fin de non-recevoir tirée de l'absence de moyens d'appel doit, dès lors, être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ".
4. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
En ce qui concerne la période du 28 mai 2015 au 7 novembre 2015 :
5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme E... a, d'abord, été placée en arrêt de travail par son médecin traitant du 28 mai 2015 au 7 novembre 2015 pour des troubles anxio-dépressifs, ayant justifié une consultation chez un psychologue, puis un psychiatre et des prescriptions par son médecin traitant d'antidépresseurs et anxiolytiques. Mme E... a de nouveau été placée en congé maladie à compter du 7 mars 2016. Trois rapports d'expertise psychiatrique sur l'état de santé de Mme E..., établis respectivement le 18 mai 2016, le 16 octobre 2016, et le 24 mars 2017, ont conclu à l'existence d'un lien entre le service et les troubles anxio-dépressifs présentés par Mme E.... Après avoir refusé de reconnaître l'imputabilité au service des troubles invoqués, la commission de réforme hospitalière a émis le 2 juin 2017, sur le fondement du rapport d'expertise du 24 mars 2017, un avis favorable à cette reconnaissance. Par une décision du 8 juin 2017, le directeur du centre hospitalier d'HéninBeaumont a reconnu l'imputabilité au service de la maladie contractée par Mme E... pour la période du 7 mars 2016 au 24 mars 2017, date de consolidation de l'état de santé de Mme E....
6. Toutefois, il ne ressort d'aucune pièce du dossier, et notamment des expertises produites, peu circonstanciées et ne faisant nullement état du contexte professionnel de l'intéressée, qu'en ce qui concerne l'arrêt de travail antérieur à cette période, du 28 mai 2015 au 7 novembre 2015, les troubles anxio-dépressifs subis par Mme E... auraient présenté un lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou avec ses conditions de travail. Ces rapports ne sont pas plus de nature à établir la réalité de l'allégation selon laquelle Mme E... aurait été victime, préalablement à la période en cause, de la part de sa hiérarchie d'agissements assimilables à des faits de harcèlement moral, ni même à l'origine d'un contexte professionnel pathogène de nature à provoquer les troubles anxio-dépressifs qu'elle invoque. Il ressort au demeurant des pièces du dossier que, par un jugement du 25 octobre 2019 devenu définitif, le tribunal administratif de Lille, saisi d'une demande de Mme E... pour être indemnisée des préjudices subis du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral dont elle aurait été victime pendant cette période au sein du centre hospitalier d'Hénin-Beaumont, a rejeté cette demande au motif qu'aucun des éléments avancés par Mme E..., au demeurant ponctuels, n'avait excédé le cadre de rapports hiérarchiques et ne pouvait être regardé comme constitutif de harcèlement moral. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a tenu pour établie l'existence d'un lien direct entre le syndrome dépressif de Mme E... avant le 7 mars 2016 et l'exercice de ses fonctions ou ses conditions de travail. Par suite, et en l'absence d'autre moyen soulevé en première instance à l'encontre de la décision du 8 juin 2017 en ce qu'elle exclut l'imputabilité au service des troubles subis durant la période allant du 28 mai 2015 au 7 novembre 2015, il y a lieu d'annuler le jugement en tant qu'il a annulé cette décision dans cette mesure et en tant qu'il a, par voie de conséquence, enjoint au centre hospitalier de reconnaître le caractère professionnel de la maladie ayant justifié les arrêts de travail et les soins durant la période du 28 mai 2015 au 7 novembre 2015.
En ce qui concerne la période postérieure au 24 mars 2016 :
7. Ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, la date de consolidation de l'état de santé correspond au moment où l'état de santé est stabilisé, ce qui permet d'évaluer l'incapacité permanente résultant de la pathologie contractée. Cette date est, par elle-même, sans incidence sur la persistance de l'affection dont peut souffrir la victime et, partant, sans incidence sur l'imputabilité à une maladie professionnelle des troubles en résultant et qui ont persisté après elle. Lorsque l'état d'un fonctionnaire ayant contracté une maladie professionnelle est consolidé, le bénéfice des dispositions précitées de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1986 est subordonné, non pas à l'existence d'une rechute ou d'une aggravation de sa pathologie, mais à l'existence de troubles présentant un lien direct et certain avec la maladie professionnelle reconnue imputable au service.
8. Il résulte des principes ci-dessus rappelés que le centre hospitalier d'Hénin-Beaumont ne pouvait sans erreur de droit se fonder sur la seule circonstance que l'avis de la commission de réforme hospitalière précité, en date du 2 juin 2017, a regardé comme consolidé l'état de santé de Mme E... à la date du 24 mars 2017, avec un taux d'incapacité permanente partielle de 30 %, pour refuser la prise en charge des arrêts de travail, soins et examens spécialisés subis par Mme E... à compter de cette date. Par suite, le centre hospitalier d'Hénin-Beaumont n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 8 juin 2017 en tant qu'elle a refusé la prise en charge, à compter du 25 mars 2017, des arrêts de travail, soins et examens spécialisés subis par Mme E... et enjoint au centre hospitalier de prendre en charge, au titre de l'imputabilité au service, l'ensemble des arrêts de travail et des soins en lien direct avec la maladie professionnelle de Mme E... depuis le 25 mars 2017.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant dire droit l'expertise médicale demandée par le centre hospitalier d'Hénin-Beaumont, que celui-ci est seulement fondé à demander l'annulation du jugement du 25 octobre 2019 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a annulé la décision du 8 juin 2017 du directeur du centre hospitalier d'Hénin-Beaumont en tant qu'elle a limité à la période courant à compter du 7 mars 2016 la prise en charge de la maladie contractée en service par Mme E... et en tant qu'il a enjoint au centre hospitalier de reconnaître le caractère professionnel de la maladie ayant justifié les arrêts de travail et les soins durant la période du 28 mai 2015 au 7 novembre 2015. Le surplus des conclusions de la requête en appel du centre hospitalier d'Hénin-Beaumont doit être rejeté.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1708103 du 25 octobre 2019 du tribunal administratif de Lille sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête en appel du centre hospitalier d'Hénin-Beaumont est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de Mme E... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier d'Hénin-Beaumont et à Mme D... E....
N°19DA02793 2