Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 février 2020, M. C..., représenté par Me B... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du préfet de l'Eure du 23 octobre 2019 ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire, valable un an, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure, dans l'hypothèse où seul un moyen de légalité externe serait retenu, de délivrer, dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir, une autorisation provisoire de séjour à M. C..., dans l'attente du réexamen de sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative une somme de 1 500 euros au profit de la Selarl Mary et Inquimbert Avocats, qui renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
-la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant congolais né le 5 novembre 1987, déclare être entré en France le 2 septembre 2012. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 19 août 2013, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 29 avril 2014. En parallèle, compte tenu de son état de santé, M. C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui lui a été délivré le 19 avril 2013 et renouvelé trois fois. Par un arrêté du 10 août 2017, dont la légalité a été reconnue par un jugement du 19 décembre 2017 confirmé par un arrêt de la cour du 5 février 2019 devenu définitif, le préfet de l'Eure a rejeté la demande de renouvellement de son titre de séjour. A la suite de l'évolution de sa situation notamment familiale, M. C... a à nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour, sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11, 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 octobre 2019, le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, et lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. C... relève appel du jugement rendu le 14 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., arrivé en France au mois de septembre 2012, a obtenu plusieurs titres de séjour en qualité d'étranger malade et a vécu en concubinage avec une ressortissante angolaise en situation régulière sur le territoire national avec laquelle il a eu deux enfants, nés à Vernon le 15 février 2015 et le 2 juin 2017 et qu'il a reconnus à leur naissance. A la suite de la séparation du couple, M. C... a saisi, le 25 octobre 2018, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Evreux aux fins de fixation des modalités d'exercice de l'autorité parentale et de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants. Par un jugement du 20 mai 2019, le juge aux affaires familiales, après avoir constaté que les parents exerçaient en commun l'autorité parentale sur les deux enfants, a fixé leur résidence au domicile de la mère et dit qu'à défaut d'accord sur la fréquence et la durée des périodes d'accueil par leur père, celui-ci les accueillerait les fins de semaine paires et la moitié des vacances scolaires et a fixé la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants de M. C... à 30 euros par mois et par enfant. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision litigieuse, M. C... s'acquittait de cette obligation de contribution financière. Il établit par ailleurs, par la production de preuves d'achat, d'un témoignage et de photographies, s'investir dans l'éducation de ses enfants dans la mesure de ses moyens. L'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français litigieuse aurait nécessairement pour effet de le priver de l'exercice de son autorité parentale, et de priver les enfants de leur père et affecterait ainsi de manière suffisamment directe leur situation. Dans ces conditions, et dans les circonstances particulières de l'espèce, l'arrêté litigieux doit être regardé comme ayant méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
4. Il résulte de qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2019 du préfet de l'Eure lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi.
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
5. Eu égard au motif que la fonde, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de l'Eure délivre à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... la somme de 800 euros, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1903795 du 14 janvier 2020 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 23 octobre 2019 du préfet de l'Eure portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Eure de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 800 euros à Me D... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur, au préfet de l'Eure et à Me B... D....
N°19DA00343 2