Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 février 2020, Mme D..., représentée par Me B... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 3 avril 2019 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire, valable un an, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros au profit de Me B... C..., qui renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante congolaise née le 5 novembre 1990 et déclarant être entrée en France le 1er juin 2015 accompagnée de son enfant, a sollicité le 13 janvier 2017 son admission au séjour en raison de son état de santé, ainsi que, par un courrier complémentaire du 29 août 2018, un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 avril 2019, la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Elle interjette régulièrement appel du jugement du 16 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6 (...) ". Il ressort des pièces du dossier que, alors que l'instruction avait été close le 26 juillet 2019 par une ordonnance du 7 juillet 2019, le premier mémoire en défense produit par le préfet de la Seine-Maritime le 23 août 2019 a été communiqué à Mme D... le 27 août suivant, soit moins de soixante-douze heures avant la clôture de l'instruction intervenant, à la suite de sa réouverture automatiquement par la communication de ce mémoire, le 29 août. En se fondant sur ce mémoire, accompagné de pièces jointes, pour rejeter la demande de l'intéressée, qui n'a pu disposer d'un délai suffisant pour y répondre, les premiers juges ont méconnu le caractère contradictoire de l'instruction et entaché leur jugement d'irrégularité. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre fondement d'irrégularité invoqué, Mme D... est fondée à soutenir que le jugement attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Rouen.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
En ce qui concerne la légalité externe :
4. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué, qui n'a pas à faire référence à l'ensemble de la situation de l'intéressée ni des pièces produites par cette dernière, que l'autorité préfectorale, après avoir visé les textes dont elle fait application et rappelé les conditions d'entrée et de séjour en France de Mme D..., fait état d'éléments précis relatifs à sa situation personnelle et familiale, tels que le rejet de sa demande d'asile et l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Elle indique, après s'être réappropriée les termes de cet avis, que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressée ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il en résulte que la décision en litige, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11°A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes de l'article R.313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement (le demandeur) ou par un médecin praticien hospitalier inscrit au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical (...)le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêt mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté (...). L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
6. En l'espèce, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, composé des docteurs Sebille, Quilliot et Joseph, lesquels ont été régulièrement nommés en cette qualité par une décision du directeur général de l'Office du 8 juin 2018, publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur n° 2018-08 du 14 août 2018, s'est prononcé le 7 août 2018 sur la situation médicale de la requérante et que le médecin rapporteur, le docteur Baril, n'a pas siégé au sein du collège. La circonstance que l'identité de ce médecin rapporteur ne soit pas mentionnée sur l'avis du collège n'a pas d'incidence sur la légalité de la décision de refus de séjour en litige. Le moyen tiré du vice de procédure doit, par suite, être écarté.
7. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
8. En quatrième lieu, en se bornant à produire deux certificats médicaux en date des 2 janvier 2017 et 28 août 2018 faisant état de la nécessité de poursuivre un traitement pour des troubles anxio-dépressifs d'intensité sévère, Mme D... n'établit pas l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le préfet en considérant que le défaut de traitement ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. En outre, Mme D... ne conteste pas utilement les allégations du préfet de la Seine-Maritime, fondées, notamment, sur la liste des médicaments essentiels disponibles au Congo émanant du ministère de la santé de cet Etat, qu'elle pourrait bénéficier d'un traitement approprié en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. En cinquième lieu, Mme D... fait valoir qu'elle réside en France avec son fils mineur depuis 2015, et qu'il est scolarisé depuis quatre ans. Elle fait valoir qu'elle a épousé le 1er juin 2019, en France, un ressortissant étranger titulaire d'une carte de résident, et enfin qu'elle a des relations soutenues avec son père, qui réside également en France où il a la qualité de réfugié, tout comme sa belle-mère et ses demi-soeurs. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, Mme D..., présente en France depuis moins de quatre ans, était célibataire et sans emploi. Les seules circonstances qu'elle avait entamé une relation amoureuse en 2017 avec un ressortissant congolais résidant régulièrement en France et que son père, sa belle-mère et plusieurs belles-soeurs y résidaient en qualité de réfugiés ne sont pas de nature à regarder l'arrêté litigieux comme ayant porté une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale, alors qu'elle ne serait pas isolée en cas de retour dans son pays d'origine où résident sa mère, un frère et une soeur et où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet doivent, par suite, être écartés.
10. En sixième lieu, dès lors, d'une part, que l'arrêté litigieux n'a pas, par lui-même, pour objet de séparer Mme D... de son fils, et, d'autre part, qu'il n'est pas établi que celui-ci ne pourrait poursuivre une scolarité normale dans son pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, en application des dispositions du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français qui assortit d'une décision de refus de titre de séjour, n'a pas à faire l'objet d'une motivation en fait distincte de celle de cette décision. Celle-ci comporte, en l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 4, les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée et est ainsi suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
12. En deuxième lieu, il résulte des points 4 à 10 que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de cette illégalité à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
13. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 8 que Mme D... n'établit pas qu'elle ne pourrait bénéficier au Congo d'une prise en charge médicale appropriée à son état de santé. De plus, Mme D... n'établit ni l'irrégularité de la procédure suivie par la préfète de la Seine-Maritime devant l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ni qu'un défaut de traitement pourrait avoir des conséquences sur son état de santé d'une exceptionnelle gravité. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaitrait les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
15. En quatrième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des dispositions du 7° de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés pour les motifs énoncés aux points 9 et 10.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
16. En premier lieu, Mme D..., qui a présenté une demande de titre de séjour et a pu présenter des observations au cours de l'instruction de sa demande, ne pouvait ignorer que le refus de sa demande était susceptible d'entraîner une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, assortie d'une décision fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit d'être entendue, garanti notamment par les principes généraux du droit de l'Union européenne, doit être écarté.
17. En second lieu, ainsi qu'il a été dit, Mme D... n'établit pas que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il n'est par ailleurs pas établi par les pièces produites qu'une prise en charge adaptée aux troubles de l'intéressée ne serait pas possible dans son pays d'origine. La requérante, qui a été déboutée de sa demande d'asile en France, n'établit pas plus ses allégations relatives aux menaces personnelles et actuelles qu'elle encourrait pour sa vie ou sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour le même motif, la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
18. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 3 avril 2019. Il y a par suite lieu de rejeter sa requête, ensemble les conclusions en injonction, en astreinte, et au titre des frais exposés et non compris dans les dépens dont elle est assortie.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1902321 du 16 septembre 2019 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Rouen et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., au ministre de l'intérieur et à Me B... C....
Copie sera adressée au préfet de Seine-Maritime.
N°20DA00302 2