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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Courault, présidente de chambre,
- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. F...B..., ressortissant guinéen né le 10 mai 1993, a sollicité le bénéfice de l'asile en France le 2 octobre 2018. La consultation du fichier Eurodac a révélé que les empreintes digitales de l'intéressé avaient été enregistrées le 19 avril 2017 en Italie et le 3 octobre 2017 en Belgique. Par un arrêté du 27 décembre 2018, le préfet du Nord a ordonné le transfert de M. B...aux autorités italiennes. Le préfet interjette appel du jugement du 25 janvier 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.
Sur le motif d'annulation retenu par le jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ".
3. En vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013, une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et cet Etat est déterminé par application des critères fixés par le chapitre III de ce règlement, dans l'ordre énoncé par ce chapitre. Aux termes de l'article 20 de ce règlement : " 1. Le processus de détermination de l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est engagé dès qu'une demande d'asile est introduite pour la première fois auprès d'un Etat membre (...) ". Aux termes de l'article 7 de ce règlement : " 1. Les critères de détermination de l'Etat membre responsable s'appliquent dans l'ordre dans lequel ils sont présentés dans le présent chapitre. 2. La détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre. ".
4. Les articles 8 à 15 du règlement fixent les critères permettant de déterminer l'Etat membre responsable de la demande d'asile. Aux termes de l'article 13 : " 1. Lorsqu'il est établi, (...), que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. / 2. Lorsqu'un État membre ne peut pas , ou ne peut plus être tenu pour responsable conformément au paragraphe 1 du présent article et qu'il est établi, (...), que le demandeur qui est entré irrégulièrement sur le territoire des États membres ou dont les circonstances de l'entrée sur ce territoire ne peuvent être établies a séjourné dans un Etat membre pendant une période continue d'au moins cinq mois avant d'introduire sa demande de protection internationale, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale (...) ".
5. Aux termes de l'article 18 du même règlement : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : / a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre État membre ; / b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; / c) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29 le ressortissant de pays tiers ou l'apatride qui a retiré sa demande en cours d'examen et qui a présenté une demande dans un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; / d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre./ (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que le 19 avril 2017, les empreintes de M. B...ont été enregistrées dans la base Eurodac par les autorités italiennes pour franchissement irrégulier des frontières. Le 3 octobre 2017, les empreintes de M. B...ont été enregistrées par les autorités belges en tant que demandeur d'asile. En application des dispositions précitées du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, la détermination de l'État membre responsable du traitement de la demande d'asile de M. B...s'est effectuée en fonction de la situation de M. B... qui existait à la date du 3 octobre 2017, date d'enregistrement de la première demande de protection internationale de l'intéressé. A cette date, l'Italie, pays dans lequel M. B...est entré irrégulièrement le 19 avril 2017, était l'État membre responsable en vertu des dispositions du premier paragraphe de l'article 13 du règlement précité. En conséquence, en saisissant l'Italie d'une demande de prise en charge sur le fondement des dispositions de l'article 13, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur de droit. Par suite, ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé, pour ce motif, l'arrêté du 27 décembre 2018 décidant le transfert de M. B...à destination de l'Italie.
7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif et devant la cour.
Sur les autres moyens soulevés par M. B...:
8. L'arrêté du 27 décembre 2018 contesté a été signé par Mme C...E..., attachée principale d'administration de l'Etat, cheffe du bureau de l'asile, qui a reçu délégation, par un arrêté du 25 juillet 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord du même jour, du préfet du Nord pour signer notamment les décisions de transfert. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte de la décision attaquée doit être écarté.
9. Pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
10. L'arrêté en litige vise notamment l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, après avoir précisé les circonstances de l'entrée et du séjour irréguliers de M. B... sur le territoire français. Il énonce que la consultation du système Eurodac a révélé que les empreintes digitales de l'intéressé avaient été enregistrées en Italie le 19 avril 2017 pays dans lequel il est entré irrégulièrement puis le 3 octobre 2017 en Belgique, pays dans lequel il a déposé une demande d'asile. L'arrêté contesté précise également que les autorités belges ont refusé la reprise en charge de l'intéressé et que les autorités italiennes ont accepté leur responsabilité par un accord implicite intervenu le 19 décembre 2018. Ces motifs permettent d'identifier le critère prévu par le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dont le préfet du Nord a entendu faire application pour désigner l'Italie comme le pays vers lequel M. B... pouvait être transféré. Par suite, les motifs figurant dans l'arrêté contesté sont suffisamment précis pour permettre à l'intéressé de bénéficier du recours effectif visé au paragraphe 1 de l'article 27 du règlement, et comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision de transfert en litige. Elle est ainsi suffisamment motivée.
11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de M.B.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit être écarté.
12. M. B...soutient que la décision prononçant sa remise aux autorités italiennes repose sur des faits matériellement inexacts dès lors que l'arrêté en litige mentionne qu'il a séjourné au moins cinq mois en Italie et que ledit arrêté fait référence au critère prévu à l'article 13.2 du règlement (UE) n° 604/2013 qui ne lui est dès lors pas applicable. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, même s'il n'avait pas pris en compte la circonstance que l'intéressé avait séjourné au moins cinq mois en Italie et qu'il n'avait pas fait référence au critère prévu par l'article 13.2 du règlement (UE) n° 604/2013, le préfet aurait pris la même décision de transfert vers l'Italie, unique État membre responsable de l'examen de la demande d'asile de M. B..., désigné une fois pour toute le 3 octobre 2017 à l'occasion de la première demande de protection internationale déposée par l'intéressé en Belgique moins de douze mois après son entrée irrégulière en Italie le 19 avril 2017. Par suite, en admettant que le préfet ait commis une inexactitude matérielle en relevant dans son arrêté que M. B...avait séjourné au moins cinq mois en Italie, cette erreur de fait n'est pas de nature à entacher d'illégalité cette décision.
13. Il ressort des pièces versées au dossier que la demande de prise en charge de M. B... par les autorités italiennes, produite par le préfet du Nord, a été formée le 19 octobre 2018 par le réseau de communication " DubliNet ", qui permet des échanges d'information fiables entre les autorités des Etats membres de l'Union européenne qui traitent les demandes d'asile. Le préfet du Nord produit, pour en justifier, la copie d'un courrier électronique du 19 octobre 2018 qui constitue la réponse automatique du point d'accès national français, document comportant la référence " FRDUB1 9930186742-590 " qui correspond au numéro attribué à M. B...par la préfecture. En outre, le préfet produit la copie d'un autre courrier électronique du 26 décembre 2018 qui constitue la réponse automatique du point d'accès national français intitulé " Implicit Aceptance " et comportant le même numéro de référence. Les mentions figurant sur ces accusés de réception édités automatiquement par le réseau de communication électronique " Dublinet ", créé précisément dans le but d'authentifier ces démarches, permettent d'établir, conformément aux dispositions citées au point précédent, que les autorités italiennes ont bien été saisies d'une demande de reprise en charge concernant M. B... ainsi que la date de leur accord implicite. Ainsi, les moyens tirés de l'irrégularité de procédure découlant de l'absence de preuve de l'envoi d'une requête de prise en charge aux autorités italiennes et de preuve d'un accord des autorités italiennes à cette prise en charge manquent en fait et doivent, par suite, être écartés.
14. Si M. B...invoque le bénéfice des dispositions dérogatoires de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, de même que des stipulations protectrices de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'a assorti ces moyens d'aucune précision de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé et n'a pas davantage produit de telles précisions en cause d'appel. Ces moyens ne peuvent, par suite, qu'être écartés.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 27 décembre 2018. Par voie de conséquence, les conclusions de M. B...présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900013 du 25 janvier 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. B...ainsi que ses conclusions d'appel présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. F...B....
Copie sera adressée au préfet du Nord.
N°19DA00599 2