Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2020, la préfète de la Somme demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif d'Amiens.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B... épouse C..., ressortissante géorgienne née le 15 septembre 1985, est entrée en France le 6 octobre 2018 pour y solliciter l'asile qui lui a été refusé par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 juillet 2019, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 31 décembre 2019. Entre-temps, par un arrêté du 10 septembre 2019, Mme B... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif d'Amiens du 13 novembre suivant. Le 11 octobre 2019, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 31 juillet 2020, la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 26 novembre 2020, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté et a enjoint à la préfète de la Somme de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. La préfète de la Somme relève appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif d'Amiens :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur leur fondement, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qu'elles mentionnent, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays d'origine de l'étranger. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que la préfète de la Somme, pour refuser de délivrer à Mme B... un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'est fondée sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en date du 27 février 2020, produit par l'administration devant les premiers juges, et selon lequel, si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pourra bénéficier dans son pays d'origine du traitement approprié. A cet égard, il ressort des pièces du dossier que Mme B... est atteinte de glaucomes qui pourraient engendrer une cécité en l'absence de traitement. Mme B... soutenait devant les premiers juges que les médicaments qui lui ont été prescrits au titre de cette pathologie étaient indisponibles en Géorgie, notamment l'Azyter, le Ganfort, le Vismed, le Diffu K et le Diamox, et produisait un document daté du 8 octobre 2019 émanant de l'agence du médicament de Géorgie, traduit par une interprète assermentée, attestant que ces médicaments n'étaient pas enregistrés au marché pharmaceutique géorgien. Devant la cour, comme elle l'avait fait devant les premiers juges, la préfète de la Somme produit toutefois la liste des médicaments disponibles en Géorgie dont il ressort que les médicaments destinés au traitement du glaucome sont disponibles dans ce pays et soutient, sans contradiction, que la Géorgie dispose de plusieurs centres de traitement de cette pathologie. Mme B... n'établit par aucune pièce médicale au dossier que les traitements ainsi disponibles ne sont pas appropriés à sa pathologie. La préfète de la Somme est donc fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle avait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prononcer l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 26 novembre 2020.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif d'Amiens.
Sur les autres moyens soulevés en première instance par Mme B... :
7. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 2 à 4 du présent arrêt.
8. En second lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Si Mme B... se prévaut de la scolarisation depuis trois ans de ses deux enfants, âgés de sept et douze ans, elle ne fait état d'aucune circonstance qui ferait obstacle à ce que ses enfants puissent être scolarisés en Géorgie. Par suite, la décision attaquée, qui n'a pas vocation à séparer les enfants de leurs parents, ne méconnaît pas ces stipulations.
9. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de prononcer l'annulation du jugement du 26 novembre 2020 et de rejeter la demande de première instance de Mme B... et, par voie de conséquence, ses conclusions présentées en appel au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2002575 du tribunal administratif d'Amiens du 26 novembre 2020 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif d'Amiens et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme A... B... épouse C... et à Me Emmanuelle Pereira.
Copie sera adressée à la préfète de la Somme.
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N°20DA01989