Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 décembre 2020 et le 20 juillet 2021, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Euphémie Derche, représenté par Me Caroline Lesné, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du 31 octobre 2018 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de Mme D... tendant à l'annulation de cette décision ;
3°) de mettre à la charge de Mme D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2010-1139 du 29 septembre 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère,
- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,
- et les observations de Me Xavier Camille Laurent pour l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Euphémie Derche.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... D... a été recrutée, par contrat à durée déterminée, en qualité d'infirmière diplômée d'Etat par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Euphémie Derche à compter du mois de juillet 2015. A compter du 1er août 2016, elle a été nommée infirmière stagiaire en soins généraux et spécialisés pour une durée d'un an. Au cours de son stage, elle s'est vu infliger un avertissement, par décision du 2 juin 2017, pour manquement au devoir de réserve pour avoir publié sur un réseau social des commentaires sur le fonctionnement de l'établissement et dénigré sa collègue infirmière par des remarques injurieuses à son égard. Son stage a été prolongé jusqu'au 1er août 2018. Suivant l'avis de la commission administrative paritaire départementale du 17 octobre 2018, le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Euphémie Derche a, par une décision du 31 octobre 2018, mis fin au stage de Mme D... et ainsi refusé de procéder à sa titularisation. Par un jugement du 15 octobre 2020, dont l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Euphémie Derche relève appel, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 37 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " La titularisation des agents nommés dans les conditions prévues à l'article 29, aux a et c de l'article 32 et à l'article 35 est prononcée à l'issue d'un stage dont la durée est fixée par les statuts particuliers (...) ".
3. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne. L'autorité compétente ne peut donc prendre légalement une décision de refus de titularisation, qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, que si les faits qu'elle retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressé. Cependant, la circonstance que tout ou partie de tels faits seraient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de refus de titularisation, pourvu que l'intéressé ait été alors mis à même de faire valoir ses observations.
4. Il résulte de ce qui précède que, pour apprécier la légalité d'une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations.
5. Il ressort des pièces du dossier que la décision de non titularisation de Mme D... prise par le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Euphémie Derche repose sur les insuffisances constatées dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressée, en particulier, sur ses défaillances dans l'exécution des soins techniques en matière d'hygiène, les manquements à son obligation de discrétion professionnelle et de retenue, l'intéressée ayant publié sur un réseau social des messages relatifs au fonctionnement de l'établissement et dénigrant l'infirmière coordinatrice, avec laquelle elle entretenait des relations conflictuelles et, de manière plus générale, des difficultés relationnelles importantes avec ses collègues de travail, y compris le médecin coordinateur de l'établissement et la pharmacienne et des propos inadaptés voire désobligeants à l'égard des résidents. Les critiques liées à la prolongation de son stage ont été signalées dans deux courriels adressés à la direction de l'établissement par la cadre de santé, Mme C... et la nouvelle infirmière coordinatrice, Mme E..., respectivement les 25 et 28 mai 2018 et ont ensuite été reprises dans le rapport adressé à la commission administrative paritaire départementale saisie pour avis sur la non titularisation de Mme D..., qui pointe les difficultés relationnelles entre Mme D... et les différentes infirmières coordinatrices et le médecin traitant intervenant dans l'établissement, un manquement à son devoir de discrétion professionnelle ainsi qu'un comportement qui rend difficile le travail en équipe et qui est préjudiciable dans ses relations avec les résidents.
6. Toutefois, Mme D..., qui a admis l'exactitude des manquements à son devoir de réserve pour lesquels elle a fait l'objet d'un avertissement le 2 juin 2017, qu'elle n'a pas contesté et qui a justifié la prolongation de son stage à compter du 1er août 2017 jusqu'au 1er août 2018, conteste chacune des autres insuffisances dans la manière de servir qui lui sont reprochées. A cet effet, elle produit plusieurs attestations, précises et circonstanciées, émanant tant des résidents de l'établissement que du personnel médical et des infirmiers et aides-soignants, ayant travaillé avec elle et, notamment, l'attestation de Mme E..., nouvelle infirmière coordinatrice de la maison de retraite depuis le 16 avril 2018, à l'origine du courriel du 28 mai 2018, qui a produit une attestation élogieuse des qualités de l'intéressée devant la commission administrative paritaire départementale et celle du docteur B..., qui indique que ses relations professionnelles avec Mme D... ont toujours été cordiales. Tous ces témoignages soulignent les qualités professionnelles, la disponibilité, la bienveillance, le respect et la rigueur de Mme D... dans l'exercice de ses fonctions et sa notation au titre de l'année 2017 précise qu'en ce qui concerne les soins techniques, l'intéressée donne toute satisfaction. Aucune des pièces produites en appel par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Euphémie Derche ne permet d'étayer davantage que devant les premiers juges l'exactitude matérielle de l'insuffisance reprochée à Mme D... dans sa manière de servir, permettant de justifier sa non-titularisation.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Euphémie Derche n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 15 octobre 2020, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 31octobre 2018.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme D..., qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme que demande l'établissement pour personnes âgées dépendantes Euphémie Derche à ce titre. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Euphémie Derche la somme de 1 500 euros demandée par Mme D... au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Euphémie Derche est rejetée.
Article 2 : L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Euphémie Derche versera à Mme D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Euphémie Derche et à Mme A... D....
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N°20DA01990