Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mars 2020, M. D..., représenté par Me A... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 mai 2019 du préfet du Nord ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de lui enjoindre de procéder à un nouvel examen de sa demande, sous la même condition de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. D..., la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,
- et les observations de M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., de nationalité guinéenne, entré sur le territoire français le 10 octobre 2016, selon ses déclarations, a été pris en charge en qualité de mineur isolé par l'aide sociale à l'enfance par un jugement du 19 décembre 2016 du juge pour enfants du tribunal de grande instance de Lille. Il a demandé, le 12 juillet 2018, son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève appel du jugement du 13 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mai 2019 du préfet du Nord refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure.
Sur le moyen commun aux décisions attaquées :
2. M. D... réitère de manière identique son moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions en litige. Cependant, il n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ce moyen. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, de l'écarter.
Sur le refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, M. D... soulève à nouveau de manière identique ses moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision en litige et du défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle. Toutefois, là encore, il n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ces moyens. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, de les écarter.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. " Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. "
5. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
6. M. D... soutient qu'il est en possession d'un jugement supplétif d'acte de naissance et d'un extrait du registre de l'état civil qui ont été délivrés par les autorités guinéennes ainsi que d'un passeport dont l'authenticité n'a jamais été remise en cause et que, par suite, en l'absence de fraude, il justifie de son identité.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a, lors de sa demande de titre de séjour, présenté un extrait du registre de l'état civil transcrit le 26 mai 2017 et un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance du 20 mai 2017 par lequel la cour d'appel de Conakry (Guinée) a dit et jugé que M. D... était né le 2 septembre 2000. Toutefois, les vérifications effectuées auprès de la cellule de fraude documentaire et à l'identité de la police aux frontières montrent que l'extrait de registre de l'état civil indique une date de naissance différente du requérant, soit " le 2 septembre 2017 ". En outre, les services du consulat général à Conakry ont indiqué au préfet du Nord que le jugement supplétif, produit près de dix-sept ans après l'évènement, est intervenu le jour même de la demande visant à l'obtention du jugement, laquelle est datée du jour même de l'audience et ne permettait ainsi aucune enquête réelle sur les déclarations de l'intéressé. Ces services ont aussi relevé que ce jugement ne comporte pas les mentions obligatoires au regard de l'article 176 du code civil guinéen, qu'il ne respecte pas les délais d'appel en méconnaissance de l'article 601 du code de procédure civile guinéen et qu'il ne comporte pas les mentions requises de l'article 180 du code civil guinéen. Il résulte de ces éléments que le jugement supplétif d'acte de naissance comporte de nombreuses irrégularités, que l'extrait du registre de l'état civil dont se prévaut M. D... comporte une date de naissance erronée et qu'ils sont, ainsi, dépourvus d'authenticité.
8. Si M. D... produit un acte de notoriété tenant lieu d'acte de naissance, délivré le 16 août 2016 et une carte d'identité consulaire guinéenne établie le 13 juin 2017, qui n'est qu'un document à usage interne pour les services de l'administration guinéenne, ces documents ne constituent pas des documents d'identité valables sur le territoire français. Si M. D... se prévaut également d'un passeport valable du 14 septembre 2017 au 14 septembre 2022, celui-ci, qui a pu être délivré sur la base de documents d'état civil non authentiques, ne saurait avoir force probante. Par suite, le préfet du Nord n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 111-6 et R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni celles de l'article 47 du code civil en refusant de délivrer un titre de séjour à M. D.... Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. "
10. M. D... réitère de manière identique ses moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de cet article. Cependant, il n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ces moyens. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, de les écarter.
11. En quatrième lieu, M. D... soutient qu'il est entré en France le 10 octobre 2016, qu'il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance et a poursuivi une scolarité avec de bons résultats. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, si M. D..., depuis son entrée sur le territoire français, poursuit des études dont les résultats sont satisfaisants dès lors qu'il est inscrit en première année de certificat d'aptitude professionnelle " plâtrier-plaquiste " en 2017-2018 dans le cadre d'un contrat d'apprentissage, puis en 2018-2019, il n'établit cependant pas ne pas pouvoir poursuivre ses études hors de France. En outre, M. D... est célibataire et sans charge de famille et dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident sa mère, un frère et une soeur. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour contestée méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. D....
12. Enfin, le moyen tiré de l'erreur de fait n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
13. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision doit être écarté.
14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11, le préfet du Nord n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. D....
Sur la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :
15. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision d'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision doit être écarté.
16. M. D... réitère son moyen tiré de ce que la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Cependant, il n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ce moyen. Par suite, il y a lieu, par adoption du motif retenu à bon droit par les premiers juges, de l'écarter.
Sur la décision fixant le pays de destination :
17. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision obligeant M. D... à quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision doit être écarté.
18. L'arrêté du 21 mai 2019 vise le dernier alinéa de l'article L. 511-1 et l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relève la nationalité de l'intéressé et précise qu'il n'établit pas que sa vie ou sa liberté sont menacées dans son pays d'origine ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision désignant notamment le pays dont l'intéressé a la nationalité comme pays de renvoi est, ainsi, suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
19. M. D... réitère son moyen tiré de ce que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cependant, il n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ce moyen. Par suite, il y a lieu, par adoption du motif retenu à bon droit par les premiers juges, de l'écarter.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 par le conseil de l'intéressé.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., au ministre de l'intérieur et à Me A... C....
Copie sera adressée au préfet du Nord.
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N°20DA00454