Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2019, M. D..., représenté par Me C... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 mars 2017 du préfet de la région Hauts-de-France ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'EARL Carlier Renard, chacun, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'EARL Carlier Renard a demandé l'autorisation d'exploiter une parcelle d'une superficie de 22 hectares 48 ares 50 centiares de terres, située sur la commune de Machecourt (Aisne), mise en valeur par M. D..., preneur en place. Après avoir consulté la commission départementale d'orientation de l'agriculture qui a émis un avis favorable le 17 mars 2017, le préfet de la région Hauts-de-France a, par un arrêté du 31 mars 2017, délivré à l'EARL Carlier Renard l'autorisation d'exploiter les terres demandées. M. D... relève appel du jugement du 4 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, M. D... réitère de manière identique son moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 31 mars 2017 en litige. Cependant, il n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ce moyen. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 2 du jugement attaqué, de l'écarter.
3. En second lieu, aux termes du IX de l'article 93 de la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt : " - Les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles mentionnés à l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la présente loi, sont arrêtés dans un délai d'un an à compter de sa publication. / Jusqu'à l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles, le contrôle des structures s'applique selon les modalités, les seuils et les critères définis par le schéma directeur des structures agricoles de chaque département (...) ".
4. Aux termes de l'article 4 du décret du 22 juin 2015 relatif au schéma directeur régional des exploitations agricoles et au contrôle des structures des exploitations agricoles : " I. - Les articles 2 et 3 du présent décret entrent en vigueur à la même date que le schéma directeur régional des exploitations agricoles. II. - Les demandes et déclarations déposées en application des I ou II de l'article L. 331-2 dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 octobre 2014 susvisée avant la date mentionnée au I, ainsi que, le cas échéant, les dossiers concurrents relevant des mêmes dispositions, déposés après cette date, demeurent soumis aux dispositions des articles R. 331-1 à R. 331-12 dans leur rédaction antérieure au présent décret ".
5. Le schéma directeur des exploitations agricoles de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie étant entré en vigueur le 29 juin 2016 et la demande d'autorisation d'exploiter ayant été formulée par l'EARL Carlier Renard le 8 décembre 2016, soit postérieurement à cette date, la décision en litige doit être examinée au regard des dispositions des articles L. 331-2 et suivants du code rural et de la pêche maritime dans leur version en vigueur après la publication de la loi du 13 octobre 2014.
6. D'une part, aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité administrative (...) vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 et se prononce sur la demande d'autorisation par une décision motivée ". Aux termes de l'article L. 331-3-1 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L.331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L.312-1 ; / 2° Lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place (...) ".
7. D'autre part, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 29 juin 2016 établissant le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Picardie : " Ordre de Priorités - Les autorisations d'exploiter sont délivrées selon un ordre de priorité établi en prenant en compte : / - la nature de l'opération, au regard des objectifs du contrôle des structures et des orientations définies dans le présent schéma ; / - l'intérêt économique et environnemental de l'opération, selon les critères définis ci-dessous et, le cas échéant, les éléments définis à l'article 5. (...) Les priorités s'entendent des cas ou opérations qui n'induisent pas de démembrement d'une exploitation qui compromettrait la viabilité économique d'une exploitation agricole soit en la ramenant en dessous du seuil de surface fixé à l'article 4, soit en la privant d'une partie essentielle à son fonctionnement. / 1° Installation à titre principal d'agriculteurs (...). / . / 6° Agrandissement et maintien de la surface entre 1,5 à 2 fois (inclus) / UTANS le seuil de contrôle après reprise, le cas échéant. / 7° Autre situation. " L'article 5 de ce schéma directeur régional énonce que : " Les critères : / 1° Les critères d'appréciation de l'intérêt économique et environnemental reprennent les critères énoncés à l'article L. 312-1. Ils permettront de départager les candidats dans le même rang de priorité (...) ".
8. Il ressort de ces dispositions que, si le schéma directeur régional des exploitations agricoles fixe, en son article 5, des critères de départage pour apprécier l'intérêt économique et environnemental de l'opération envisagée, la mise en oeuvre de ces critères ne présente pas un caractère impératif, le préfet pouvant délivrer une autorisation d'exploiter à deux exploitants pour les mêmes terres.
9. Le requérant soutient qu'en raison de la diversité de son exploitation au niveau cultural, de son activité d'élevage et de la mise en oeuvre des mesures agro-environnementales, il relève d'un rang de priorité supérieur à celui de l'EARL Carlier Renard, dont la situation relève d'un rang de priorité inférieur au sien faisant obstacle à la délivrance de l'autorisation litigieuse. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les situations de l'EARL Carlier Renard et de M. D..., preneur en place, sont équivalentes quant à la superficie exploitée, quant au nombre de salariés et quant à la situation des associés. Ils disposent ainsi d'une seule unité de travail annuel non salarié et relèvent tous deux du même rang de priorité n° 7 du schéma directeur des exploitations agricoles, qui concerne les autres situations que les installations ou réinstallations ou certains agrandissements dès lors que les superficies exploitées sont supérieures au seuil de la priorité n° 6 qui est de 180 ha par unité de travail annuel non salarié. Ensuite, si le preneur en place exerce une activité culturale plus diversifiée que celle du demandeur dès lors qu'il exerce une production de légumes et qu'il a mis en oeuvre des mesures agro-environnementales en souscrivant un contrat d'agriculture durable et des contrats territoriaux d'exploitation visant à favoriser une agriculture multifonctionnelle, des productions de qualité ainsi que l'emploi, la gestion de l'espace et le respect de l'environnement, ces circonstances ne lui confèrent cependant pas un rang de priorité supérieur à celui détenu par l'EARL Carlier Renard et ne sont pas de nature à elles-seules à constituer un motif de refus de l'autorisation demandée, comme il a été dit au point 8.
10. Enfin, si M. D... fait valoir que la reprise de terres, objet de la demande, mettrait en péril la viabilité de son exploitation dans la mesure où celle-ci entraînerait une perte de marge brute de 26 000 euros, soit 37 % de sa marge brute normale, il ressort du tableau produit par le requérant que son exploitation a dégagé en 2016 une marge brute totale de 494 625 euros dont 431 619 euros au titre de son activité culturale et 63 006 euros au titre de son activité d'élevage et que la reprise de terres d'une superficie de 22 ha 48 a 50 ca entraînerait une perte de marge brute estimée à 26 046 euros, ce qui représente 5 % de la marge brute totale de son exploitation. En outre, cette reprise de terres n'a pas pour effet de ramener la superficie totale exploitée par M. D... en dessous du seuil de viabilité de son exploitation, fixé à 90 ha par l'article 4 du schéma directeur des exploitations agricoles du Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Dans ces conditions, le préfet de la région Hauts-de-France a pu, sans méconnaître les dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime, accorder à l'EARL Carlier Renard l'autorisation demandée.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Les conclusions de M. D... tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat et de l'EARL Carlier Renard, qui ne sont pas les parties perdantes à l'instance, le versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... le versement, au même titre, d'une somme de 1 500 euros à l'EARL Carlier Renard.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : M. D... versera à l'EARL Carlier Renard une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à l'EARL Carlier Renard et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie sera adressée au préfet de la région Hauts-de-France.
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N°19DA02641