Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2018, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de première instance en tant qu'elle est dirigée contre la décision fixant le pays de renvoi.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'à la suite de son interpellation par les services de police le 13 décembre 2017 dans la zone d'accès restreinte de la liaison fixe Trans Manche à Coquelles, caché dans la remorque d'un poids lourd, M.C..., ressortissant érythréen, né le 1er janvier 1997 selon ses déclarations aux services de police, démuni de tout document d'identité ou documents exigés pour entrer ou séjourner en France, après audition et refus de sa part de procéder au relevé de ses empreintes, a fait l'objet le même jour d'un arrêté du préfet du Pas-de-Calais l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination et décidant son placement en rétention administrative ; que le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 3 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe l'Erythrée comme pays de renvoi ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que la Cour européenne des droits de l'Homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (28 février 2008, Saadi c. Italie, n° 37201/06, paragraphes 129-131 et 15 janvier 2015, AA. c. France, n° 18039/11) ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.C..., qui n'a pas demandé l'asile lors de son arrivée en Europe, se borne à faire état de menaces liées à une situation de guerre en Erythrée sans assortir ses allégations d'aucun autre élément ; qu'en particulier, il n'apporte aucun commencement de preuve s'agissant de la province dont il serait originaire ; que, dès lors, il n'est pas fondé à se prévaloir du niveau de violence généralisée pour contester le pays de destination retenu ; qu'il n'établit pas davantage faire l'objet, de manière suffisamment personnelle, certaine et actuelle, de menaces quant à sa vie ou sa liberté ou de risque d'être exposé à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de renvoi en Erythrée ; que, dans ces conditions, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu, pour annuler la décision fixant le pays de destination, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...contre la décision fixant le pays de renvoi devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille ;
En ce qui concerne les moyens relatifs à la légalité externe :
5. Considérant que par un arrêté du 3 avril 2017, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais du même jour, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. B...A..., chef de la section éloignement, à l'effet de signer notamment la décision contestée ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige manque en fait et doit, dès lors, être écarté ;
6. Considérant que l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Pas-de-Calais s'est fondé pour désigner notamment le pays dont M. C...revendique la nationalité comme pays de renvoi et pour s'assurer qu'il a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ; que s'il soutient que le préfet a omis de mentionner sa minorité, il ne produit aucun élément permettant de déterminer son âge, alors qu'il ressort du procès-verbal de l'audition du requérant qu'il a déclaré être né le 1er janvier 1997 ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision manque également en fait ;
En ce qui concerne les moyens tirés, par voie d'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant que, comme il a été dit aux points 5 et 6, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées et du défaut de motivation manquent en fait et doivent être écartés ;
8. Considérant que les circonstances que M. C...n'a pas été interrogé de manière spécifique sur les raisons de son départ d'Erythrée, sur les risques auxquels il serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine et sur sa volonté de demander l'asile en France sont sans incidence à l'encontre de la décision attaquée qui n'a pas pour objet de définir le pays de destination de l'éloignement de l'intéressé ; que par suite, le moyen tiré de ce que la décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle doit être rejeté ;
9. Considérant que si M. C...soutient être né en 2001 et non le 1er janvier 1997 ainsi qu'il l'a déclaré lors de son audition par les services de police, il ne produit aucun élément permettant de déterminer son âge ; que, dès lors, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur de fait pour n'avoir pas pris en compte sa minorité et elle ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
10. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C...aurait demandé l'asile en France ou aurait manifesté sa volonté de demander l'asile en France ; qu'ainsi, il n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige aurait méconnu l'article 33 de la convention de Genève relative au statut des réfugiés et serait entachée d'une erreur de droit ;
11. Considérant que M.C..., qui ne se prévaut d'aucune attache familiale en France, n'apporte aucun élément de nature à caractériser une quelconque atteinte grave et manifestement disproportionnée au regard de sa situation personnelle ; que, dès lors, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, par l'article 1er du jugement attaqué, annulé sa décision du 13 décembre 2017 en tant qu'elle fixe le pays à destination duquel M. C...pourrait être renvoyé ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1710658 du 3 janvier 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Lille, tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2017 du préfet du Pas-de-Calais en tant qu'il désigne l'Erythrée comme pays de renvoi est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... C....
Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.
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N°18DA00229