Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 avril 2018, M.B..., représenté par Me C...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 16 janvier 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2017 de la préfète de la Seine-Maritime ;
3°) à titre principal, d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous la même condition de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...B..., ressortissant tunisien né le 12 juin 1986, entré en France en février 2011 en provenance d'Italie, a été interpellé en mars 2013 dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé et a fait l'objet d'une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français le 4 mars 2013. S'étant soustrait à cette mesure d'éloignement, il a de nouveau été interpellé le 8 juillet 2015 et s'est à nouveau soustrait à la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet à cette date. Il a demandé le 29 février 2016 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Il relève appel du jugement du 16 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2017 de la préfète de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer ce titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". Aux termes de l'article 11 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Enfin, l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L.313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. (...) ".
3. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. B... en qualité de salarié sur le fondement des dispositions précitées, la préfète de la Seine-Maritime s'est fondée sur le fait que l'intéressé ne disposait pas d'un visa de long séjour. Il est constant que M. B...ne justifie pas du visa de long séjour exigé par les dispositions précitées. Ce motif justifie, à lui seul, le refus de lui délivrer la carte de séjour temporaire qu'il demandait. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine préalable de la DIRECCTE par la préfète, n'est, en tout état de cause, pas de nature à justifier son annulation.
4. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que, pour contester la décision refusant de l'admettre au séjour au titre du travail, M. B..., qui est de nationalité tunisienne, ne saurait utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si l'intéressé fait valoir qu'il justifie de circonstances humanitaires et de motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour en qualité de salarié, dès lors qu'il résidait en France depuis quatre ans à la date de l'arrêté contesté et qu'il est bien intégré professionnellement, il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que la préfète de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. B... en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation pour lui délivrer un titre de séjour. Le requérant ne peut, en outre, utilement se référer aux énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui est dépourvue de valeur réglementaire.
5. En second lieu, aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
6. M. B...fait valoir qu'il réside en France depuis 2011, qu'il justifie d'une intégration professionnelle et que son père réside sur le territoire français sous couvert d'une carte de résident de dix ans. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui a quitté son pays d'origine à l'âge de vingt-cinq ans, est célibataire et sans charge de famille et n'établit ni être dépourvu d'attaches familiales en Tunisie, ni l'intensité des liens tissés en France. En outre, il s'est soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement prononcées le 4 mars 2013 et le 8 juillet 2015. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de séjour du requérant, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a, par suite, pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la préfète n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M.B....
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
7. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 3, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la décision en litige doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
9. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 6, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. B...doivent être écartés.
Sur le pays de destination :
10. M. B...a sollicité son admission au séjour. Il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de la décision qui lui a refusé l'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de celle-ci. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de son droit d'être entendu, conformément au principe général du droit de l'Union européenne.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.
12. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 6, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. B...doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur et à Me C...D....
Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
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N°18DA00826