Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2019, M.B..., représenté par Me A... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 mars 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un certificat de résidence sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,
- et les observations de M.B....
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., né le 27 février 1968, de nationalité algérienne, est entré en France en décembre 2014. Par un arrêté du 27 mars 2018, le préfet du Nord a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi. Il interjette appel du jugement du 26 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. M. B...soutient, comme en première instance, sans assortir ses moyens d'éléments de fait ou de droit nouveaux, que le refus de titre de séjour est entaché de l'incompétence de son auteur, d'une insuffisance de motivation, et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle, et qu'il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, le préfet ne produisant pas l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui permettrait d'en vérifier la régularité, qu'il méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et qu'il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. S'il soutient, en outre, que les médecins ayant rendu l'avis du 24 janvier 2018 ne peuvent être identifiés, il ressort dudit avis, produit par le préfet du Nord, que le moyen manque en fait. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ces moyens.
3. D'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " et aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont applicables aux ressortissants algériens : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) " et aux termes de l'article 6 de cet arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure (...) ".
5. Il résulte des dispositions citées aux points 3 et 4 qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire.
6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve pour les ressortissants algériens d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi.
7. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et l'effectif accès à ces soins. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a subi, dans son pays d'origine, des pontages sur thromboses des membres inférieurs qui ont entraîné une infection. Entré en France en 2014, il a pu suivre une antibiothérapie adaptée et bénéficier de plusieurs opérations chirurgicales, dont une amputation sus-gonale du membre inférieur gauche. Appareillé, il a ensuite été suivi dans un centre de réadaptation fonctionnelle, et suit un traitement médicamenteux. Il ressort de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 24 janvier 2018, dont le préfet du Nord a pu s'approprier les termes sans pour autant se sentir lié par cet avis, que l'état de santé de M. B...nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut de celle-ci peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Le certificat médical produit par M.B..., indiquant qu'il n'existe pas " d'équivalence de matériel (au niveau de la prothèse) et d'accès aux soins en Algérie " ne suffit pas à établir qu'il ne pourrait pas bénéficier, dans son pays d'origine, d'une prise en charge médicale adaptée à sa pathologie, laquelle consiste en un suivi tous les six mois par un orthoprothésiste. Il ressort également des écritures non contestées du préfet que le traitement médicamenteux est disponible en Algérie. En outre, s'il soutient que, dépourvu de ressources, il ne pourra pas bénéficier d'un accès effectif à ces soins, il ne produit aucun élément susceptible d'établir la réalité de cette allégation. Enfin, s'il produit un certificat médical daté du 11 avril 2019 faisant état d'un diabète de type 2, cette circonstance, postérieure à l'arrêté en litige, est sans influence sur sa légalité. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées au point 8 du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour.
10. M. B...soutient, comme en première instance, sans assortir ses moyens d'éléments de fait ou de droit nouveaux, que l'obligation de quitter le territoire français est entachée de l'illégalité de son auteur, méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ces moyens.
Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :
11. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de celle portant obligation de quitter le territoire français.
12. M. B...soutient, comme en première instance, sans assortir ses moyens d'éléments de fait ou de droit nouveaux, que la décision fixant le délai de départ volontaire est entachée de l'illégalité de son auteur, et d'une motivation insuffisante, et d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle. Il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ces moyens.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 et 10 que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de celle portant obligation de quitter le territoire français.
14. M. B...soutient comme en première instance, sans assortir son moyen d'éléments de fait et de droit nouveaux, que la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée. Il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ce moyen.
15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Nord, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Nord.
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N°19DA00099