Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire, enregistrés le 3 octobre 2014 et le 21 mars 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lille du 25 septembre 2014 ;
2°) de remettre à la charge de la SAS Vitaservices les cotisations minimales de taxe professionnelle auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 2006 et 2007 ;
3°) d'ordonner le remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens mis à sa charge en première instance.
Il soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit en retenant que les subventions perçues par la SAS Vitaservices au cours des années 2006 et 2007 ne devaient pas être prises en compte dans son chiffre d'affaires afin de déterminer le seuil d'assujettissement à la cotisation minimale de taxe professionnelle prévue par les dispositions de l'article 1647 E du code général des impôts ;
- les subventions perçues par la SAS Vitaservices, nonobstant le fait qu'elles aient été comptabilisées dans le compte 74 " subventions d'exploitation " et qu'elles aient un objet social, doivent être prises en compte dans son chiffre d'affaires dès lors qu'elles font partie de son activité professionnelle normale et courante ;
- la définition du chiffre d'affaires donnée dans l'instruction 4-G-2-99 portant sur le régime des micro-entreprises est sans incidence sur l'interprétation des dispositions de l'article 1647 E du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2014, la SAS Vitaservices, représentée par Me B...A..., demande à la cour de rejeter le recours du ministre et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les subventions d'exploitation ne constituent pas du chiffre d'affaires ;
- les subventions perçues ne sont pas des produits se rattachant à son activité normale et courante.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.
1. Considérant que la SAS Vitaservices a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 et d'un contrôle sur pièces au titre de l'année 2006 ; qu'à l'issue de ces contrôles, l'administration fiscale a rehaussé son chiffre d'affaires de 1 600 800 euros au titre de 2006 et de 1 568 711 au titre de 2007, ce qui l'a porté respectivement à 7 766 215 euros et 8 947 825 euros ; que l'administration fiscale a, par suite, estimé que la SAS Vitaservices était imposable au titre de ces deux années à la cotisation minimale de taxe professionnelle prévue par les dispositions de l'article 1647 E du code général des impôts, dès lors que son chiffre d'affaires de ces années excédait 7 600 000 euros ; que, par jugement n° 1103873 du 25 septembre 2014, le tribunal administratif de Lille a fait droit à la demande de la SAS Vitaservices en la déchargeant des cotisations minimales de taxe professionnelle auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 2006 et 2007 ; que, par le présent recours, le ministre des finances et des comptes publics relève appel de ce jugement ;
2. Considérant que pour prononcer la décharge des cotisations minimales de taxe professionnelle auxquelles la SAS Vitaservices a été assujettie au titre des années 2006 et 2007, le tribunal, après s'être référé à la définition du chiffre d'affaires donnée par l'article 222-2 du plan comptable général dans sa version en vigueur lors des années d'imposition en litige, a estimé que le montant net du chiffre d'affaires au compte de résultat est égal au montant du compte 70 " ventes hors taxe ", ce qui exclut expressément les subventions d'exploitation ;
3. Considérant cependant qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la date de l'imposition contestée : " I. la taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée (...) " ; qu'aux termes de l'article 1647 E, alors en vigueur, du même code : " La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies. Le chiffre d'affaires et la valeur ajoutée à prendre en compte sont ceux de l'exercice de douze mois clos pendant l'année d'imposition ou, à défaut d'un tel exercice, ceux de l'année d'imposition (...) " ; et qu'aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III au même code : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt. " ; que, pour déterminer si un produit se rattache au chiffre d'affaires mentionné à l'article 1647 E précité, il y a lieu de se reporter, en l'absence d'autre définition, aux dispositions du plan comptable général dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition ; qu'à cet égard, l'article 222-2 du plan comptable général dans sa version en vigueur lors des années d'imposition en litige définit le chiffre d'affaires comme le montant des affaires réalisées avec les tiers dans l'exercice de l'activité professionnelle normale et courante de l'entreprise ; qu'ainsi, pour l'application des dispositions de l'article 1647 E du code général des impôts, doivent être compris dans le chiffre d'affaires l'ensemble des produits correspondant à l'activité normale et courante de l'entreprise ;
4. Considérant que si le plan comptable prévoit, pour l'établissement du compte de résultat, que le montant net du chiffre d'affaires est égal au montant du compte 70 " ventes hors taxe ", cette obligation comptable n'est prescrite que pour l'établissement du compte de résultat ; qu'ainsi, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la seule circonstance que les subventions que la SAS Vitaservices percevait aient été enregistrées au compte 74 " subventions d'exploitation " ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que ces sommes soient prises en compte pour le calcul du chiffre d'affaires visé à l'article 1647 E précité du code général des impôts servant à la détermination de la cotisation minimale de taxe professionnelle, mais qu'il convient de rechercher si ces subventions se rattachent à l'activité professionnelle normale et courante de l'entreprise ;
5. Considérant que la SAS Vitaservices exerce une activité de prestation de services aux entreprises, essentiellement dans le domaine du nettoyage ; que toutefois, il est constant que son objet social est également de permettre l'insertion, par cette activité, de personnes sans emploi rencontrant des difficultés ; qu'au titre de l'emploi de cette catégorie de personnes, la SAS Vitaservices a perçu de personnes publiques des subventions qu'elle a comptabilisées en 2006 et 2007 dans un compte 74 " subventions d'exploitations " ; qu'il résulte de l'instruction que ces subventions d'exploitation perçues directement en raison de la réalisation même de son objet social représentaient respectivement pour les années 2006 et 2007, 21% et 18 % de ses produits d'exploitation ; que la SAS Vitaservices a ainsi perçu des subventions s'élevant à plus de 1,6 millions d'euros en 2006 et à plus de 1,5 millions d'euros en 2007 ; que, compte tenu de l'objet social poursuivi par la SAS Vitaservices et de la spécificité de son activité, ces subventions doivent être regardées comme se rattachant à son activité normale et courante ; que, par suite, le montant de ces subventions doit être inclus dans le chiffre d'affaires afin d'apprécier si le seuil de l'article 1647 E du code général des impôts était atteint ; que, par suite, le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a prononcé la décharge des cotisations minimales de taxe professionnelle auxquelles la SAS Vitaservices a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 ;
6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SAS Vitaservices tant devant le tribunal administratif que devant la cour ;
7. Considérant que les cotisations minimales de taxe professionnelle auxquelles a été assujettie la SAS Vitaservices au titre des années 2006 et 2007 sont fondées sur la seule application de la loi fiscale et non sur la doctrine administrative exprimée par la décision de rescrit n° 2005/43 publiée le 6 septembre 2005 ;
8. Considérant que la mention, dans le tableau de synthèse figurant dans la proposition de rectification du 4 décembre 2009 adressée à la SAS Vitaservices, dans la rubrique " production de l'entreprise ", d'une part d'un " chiffre d'affaires " de 6 129 578 euros et, d'autre part d'un montant de " subventions d'exploitation " perçues de 1 600 800 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2006, ne constitue pas une prise de position formelle de l'administration fiscale sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal et la reconnaissance du bien-fondé de la position de la société sur la définition à retenir du chiffre d'affaires, alors que l'administration fiscale a préalablement expliqué dans cette proposition de rectification les éléments à retenir pour déterminer le chiffre d'affaires de la société pour l'application de l'article 1647 E du code général des impôts parmi lesquelles figurent les subventions d'exploitation ;
9. Considérant enfin que la SAS Vitaservices ne peut invoquer utilement, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales, l'instruction G-2-99 du 30 juillet 1999, qui concerne le régime du micro BIC, et non la détermination du chiffre d'affaires pour l'assujettissement à la cotisation minimale de taxe professionnelle ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
En ce qui concerne les frais exposés en première instance :
11. Considérant que l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille s'étend nécessairement à son article 2 par lequel il a été mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 ; que l'exécution du présent arrêt implique, en conséquence, le remboursement de cette somme à l'Etat sous réserve qu'elle ait été effectivement versée à la SAS Vitaservices ;
En ce qui concerne les frais exposés en appel :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la SAS Vitaservices la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 11003873 du 25 septembre 2014 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : Les cotisations minimales de taxe professionnelle auxquelles la SAS Vitaservices a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 sont remises à sa charge.
Article 3 : La SAS Vitaservices remboursera à l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative mise à sa charge sous réserve qu'elle ait été effectivement versée à la SAS Vitaservices.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Vitaservices et au ministre de l'économie et des finances.
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 29 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme D...C..., première conseillère,
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 décembre 2016.
Le rapporteur,
Signé : R. FERALLe président-assesseur,
Signé : M. E...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
5
N°14DA01603