Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2014, M.E..., représenté par Me D...F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lille du 9 octobre 2014 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2008 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les casinos n'étant tenus d'enregistrer que les gains supérieurs à 1 000 euros, l'administration fiscale a sous-évalué le montant de ses gains inférieurs à cette somme ;
- les documents qu'il fournit retraçant au jour le jour ses dépenses et ses gains de jeux, établissent que les crédits bancaires regardés comme d'origine indéterminée par l'administration fiscale correspondent à des gains de jeux ; que les retraits mentionnés n'étaient destinés qu'au jeu, les dépenses de la vie courante étant justifiées par ailleurs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le requérant, qui supporte la charge de la preuve, n'apporte aucun élément probant permettant d'expliquer l'origine et la nature des crédits bancaires restant à justifier à hauteur de 52 551 euros ;
- il n'est notamment pas démontré que les retraits effectués sur les comptes bancaires du requérant ont été effectués uniquement en vue de jouer, l'absence de dépenses courantes sur ses comptes bancaires permettant de considérer que ces retraits ont contribué à leur prise en charge, le requérant n'établissant pas non plus qu'elles auraient été prises en charge par sa compagne.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.
1. Considérant que M. E...a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2006, 2007 et 2008, à l'issue duquel l'administration fiscale, en application des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, a taxé d'office au titre de l'année 2008, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, les crédits bancaires dont l'origine demeurait injustifiée à hauteur, en dernier lieu, d'une somme de 52 551 euros ; que M. E... relève appel du jugement n° 1104362 du 9 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ;
3. Considérant que pour expliquer l'origine des versements effectués en espèce sur ses comptes bancaires, M. E...a fait état de gains de jeu provenant du casino de Saint-Amand-les-Eaux ; qu'il est constant que M. E...a pu prouver la réalité de gains supérieurs à 1 000 euros par les attestations délivrées par l'établissement de jeu, les sommes correspondantes ayant été regardées par l'administration fiscale comme constituant des ressources justifiées non imposables ; que l'administration fiscale, pour les gains inférieurs à 1 000 euros, a admis de retenir à ce titre plusieurs crédits bancaires représentant une somme de 9 960 euros dès lors que le requérant avait pu démontrer, dans une période quasi concomitante à un dépôt sur son compte bancaire, avoir retiré de l'argent dans un distributeur situé sur la commune de Saint-Amand-Les Eaux ; que pour la somme de 52 551 euros restant en litige, le requérant soutient par les documents qu'il produit, que l'administration fiscale a sous-évalué cette somme correspondant à des gains de jeux inférieurs à 1 000 euros que les casinos ne sont pas tenus de retracer ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que si M. E...produit un document informatique retraçant au jour le jour le montant des retraits qu'il a effectués sur ses comptes bancaires ainsi que les sommes qu'il a déposées sur ces derniers et qui seraient liées selon lui à son activité de jeux, ce document établi par le requérant lui-même ne permet cependant pas de justifier à lui seul de la nature et de l'origine des crédits figurant sur ses comptes bancaires et regardés comme injustifiés ; que, toutefois, l'existence prouvée d'une multiplicité de gains supérieurs à 1 000 euros n'a pu s'accompagner, pour un joueur dont l'assiduité au casino est avérée, d'une certaine proportion de gains inférieurs à 1 000 euros ; qu'en déterminant le montant de ces gains inférieurs à 1 000 euros en ne retenant que les sommes déposées sur ses comptes bancaires par M. E...dans une période concomitante à sa présence au casino établie par un retrait d'espèce dans la commune de Saint-Amand-les Eaux, l'administration fiscale a sous-évalué ce montant alors qu'il ressort des documents produits par le requérant que certains dépôts regardés comme injustifiés par l'administration fiscale ont été réalisés dans une période certes non concomitante mais néanmoins suffisamment proche pour être regardés comme constituant des gains de jeux inférieurs à 1 000 euros ; que, cependant, les documents produits par le requérant ne permettant pas de déterminer avec exactitude le montant de ses gains inférieurs à 1 000 euros, il y a lieu, en l'espèce, d'en fixer équitablement le montant à la somme de 20 000 euros ; que dans la mesure où l'administration avait déjà admis un montant de 9 960 euros au titre des gains inférieurs à 1 000 euros, c'est une somme supplémentaire de 10 040 euros qui cesse d'avoir une origine inexpliquée ; qu'en conséquence, M. E...est seulement fondé à demander la réduction correspondante des bases d'impositions retenues, ainsi que la réformation en ce sens du jugement attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à M. E...une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le montant des revenus d'origine indéterminée à retenir pour la détermination des cotisations d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles M. E... doit être assujetti au titre de l'année 2008 est réduit d'un montant de 10 040 euros.
Article 2 : M. E...est déchargé de la différence entre les cotisations d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2008 et celles qui résultent de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement n° 1104362 du tribunal administratif de Lille du 9 octobre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. E...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E...et au ministre de l'économie et des finances.
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 29 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme C...B..., première conseillère,
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 décembre 2016.
Le rapporteur,
Signé : R. FERALLe président-assesseur,
Signé : M. G...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
4
N°14DA01965