Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 mars 2015, M.E..., agissant pour le compte de l'indivision successorale de Mme G...E..., représenté par Me H...F..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Lille du 22 janvier 2015 en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande de restitution de la somme de 508 222 euros au titre du plafonnement des impôts directs à 50 % des revenus que sa mère a perçus au titre de l'année 2007 ;
2°) de condamner l'Etat à lui restituer la somme de 508 222 euros au titre du plafonnement des impôts directs à 50 % des revenus que sa mère a perçus au titre de l'année 2007 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- l'administration ne conteste pas dans ses écritures de première instance que Mme E..., sa mère, avait déposé, en lettre simple, une demande de restitution de la créance de bouclier fiscal le 22 septembre 2009, soit avant l'expiration du délai fixé à l'article 1649-0 A du code général des impôts ; par suite, c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il n'apportait pas la preuve que cette demande avait été faite avant l'expiration du délai fixé par cet article ;
- l'administration a commis une erreur dans l'établissement de l'avis d'imposition de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2007 qui a engendré un retard d'un an dans la délivrance d'un avis d'imposition rectificatif et, par suite, cette erreur a constitué un obstacle au dépôt de sa demande de restitution de la créance de bouclier fiscal ;
- cette demande de restitution de créance constitue une réclamation tendant à l'obtention du bénéfice d'un droit au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et, par suite, celle-ci doit pouvoir bénéficier du délai général de deux ans fixé par les dispositions du c) de l'article R. 196-1 du même livre dans la mesure où l'avis d'imposition rectificatif du 22 septembre 2009, qui a eu un impact sur le calcul de la créance de bouclier fiscal, constitue la réalisation d'un évènement motivant cette réclamation ;
- cet avis d'imposition rectificatif constitue le point de départ du délai de réclamation pour déposer une nouvelle demande de restitution de la créance de bouclier fiscal dans la mesure où cette rectification a consisté en une reprise au sens de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales qui prévoit un délai général de réclamation ; la nouvelle demande de restitution faisant suite à cet avis d'imposition rectificatif pouvait ainsi être déposée jusqu'au 31 décembre 2011 ; cette demande en date du 29 décembre 2011 n'était ainsi pas tardive.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- M. D...E...ne justifie pas, en ce qui concerne la requête d'appel, du mandat lui donnant autorisation d'agir pour le compte de l'indivision successorale de sa mère ; au surplus, la demande présentée par l'intéressé devant le tribunal administratif précisait qu'il agissait en qualité d'héritier et non pour le compte de l'indivision successorale ; par suite, les conclusions de la requête présentées à ce titre par M. E...ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables ; en tout état de cause, si l'intéressé agit en qualité d'héritier, sa requête n'est recevable qu'à hauteur de ses droits dans l'indivision ;
- le requérant n'établit pas que sa mère aurait déposé avant le 31 décembre 2009, sa demande de plafonnement des impôts directs à 50 % des revenus perçus au titre de l'année 2007 par courrier simple ;
- l'émission d'un avis d'imposition rectificatif le 22 septembre 2009 n'a pas fait obstacle à Mme E...de déposer sa demande de plafonnement avant le 31 décembre 2009 ;
- si les demandes de plafonnement des impôts directs prévues par l'article 1 du code général des impôts constituent des réclamations contentieuses tendant à obtenir un droit au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, l'établissement d'un avis d'imposition rectificatif ne constitue pas la réalisation d'un évènement et n'est ainsi pas de nature à ouvrir le délai général de réclamation de deux ans prévu par l'article L. 196-1 du livre des procédures fiscales ;
- dès lors que cet avis rectificatif a été établi et acquitté avant le dépôt d'une demande de restitution de bouclier fiscal et avant l'expiration du délai particulier prévu au 8 de l'article 1649-0 A du code général des impôts, il n'est pas de nature à exercer une influence sur le bien-fondé de cette demande tant dans son principe que dans son montant ; à supposer que cet avis rectificatif soit considéré comme un évènement permettant de motiver une demande de plafonnement, celle-ci ne peut être admise qu'à hauteur de l'incidence de cet avis sur cette demande, soit une somme limitée à 6 667 euros ;
- l'avis rectificatif ne constitue pas une reprise dès lors qu'il ne résulte ni d'une procédure de rectification contradictoire, ni d'une procédure de régularisation spontanée, ni d'une procédure d'imposition d'office, ni d'un avis de mise en recouvrement fondée sur la déchéance d'un régime de faveur ;
- les dispositions de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales qui ouvrent au contribuable un délai général de réclamation ne trouvent à s'appliquer que dans le cadre d'une réclamation ayant pour objet la contestation de l'imposition rectificative alors qu'en l'espèce, la réclamation présentée tend à la restitution d'une fraction de l'ensemble des impositions excédant 50 % des revenus au titre de l'année 2007.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 25 septembre 2015, M. E...conclut aux mêmes fins que sa requête.
Il soutient, en outre, que :
- il n'est pas tenu de présenter un mandat de chaque indivisaire pour déposer une requête ; en tout état de cause, il produit ce mandat ;
- il a la qualité de responsable solidaire avec chaque indivisaire et, par suite, sa demande présentée devant les premiers juges est recevable ;
- le conseil d'Etat a, dans une décision du 11 mai 2015 SCS Sicli, posé le principe selon lequel un contribuable ne peut être privé d'un avantage fiscal du seul fait de l'absence de déclaration dans les délais prévus ; il pouvait régulariser sa demande en restitution jusqu'au 31 décembre 2011 dans la mesure où l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales instaure une procédure de régularisation dans le délai de réclamation similaire à celle de l'article R. 196-1 du même livre ;
- l'avis d'imposition rectificatif a eu pour effet de modifier le montant dû de l'impôt sur le revenu et aussi la détermination de la créance de bouclier fiscal conformément au 2) de l'article 1649-0 A du code général des impôts ; par suite, la demande de restitution de cette créance ouvre droit au remboursement total de celle-ci, soit la somme de 508 222 euros.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 4 août 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère,
- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,
- et les observations de Me B...A..., représentant M.E....
1. Considérant que, par une décision du 30 juin 2010, l'administration a rejeté la demande de Mme G...E...tendant au bénéfice du plafonnement des impôts directs à 50 % des revenus au titre de l'année 2007 au motif qu'elle était tardive ; qu'une seconde demande présentée le 29 décembre 2011 par M. D...E..., à la suite du décès de sa mère survenu le 17 octobre 2011, a été rejetée par une décision du 12 janvier 2012, pour le même motif ; que M.E..., agissant pour le compte de l'indivision successorale de sa mère, relève appel du jugement du 22 janvier 2015 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté sa demande de restitution de la somme de 508 222 euros au titre du plafonnement des impôts directs à 50 % des revenus que sa mère a perçus au titre de l'année 2007 ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du code général des impôts : " Les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 50 % de ses revenus. / Les conditions d'application de ce droit sont définies à l'article 1649-0 A " ; qu'aux termes du 8 de l'article 1649-0 A du même code, dans sa réaction applicable au présent litige : " Les demandes de restitution doivent être déposées avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la réalisation des revenus mentionnés au 4.(...) / Le reversement des sommes indûment restituées est demandé selon les mêmes règles de procédure et sous les mêmes sanctions qu'en matière d'impôt sur le revenu même lorsque les revenus pris en compte pour la détermination du droit à restitution sont issus d'une période prescrite. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles de procédure applicables en matière d'impôt sur le revenu " ; qu'aux termes de l'article L. 286 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable aux années d'imposition en litige : " Toute personne tenue de respecter une date limite ou un délai pour présenter une demande, déposer une déclaration, exécuter un paiement ou produire un document auprès d'une autorité administrative peut satisfaire à cette obligation au plus tard à la date prescrite au moyen d'un envoi postal, le cachet de la poste faisant foi, ou d'un procédé télématique ou informatique homologué permettant de certifier la date d'envoi. " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme G...E...a, le 26 mai 2010, présenté une demande tendant au bénéfice du plafonnement des impôts directs à 50 % de ses revenus perçus au titre de l'année 2007 ; que si elle a joint à cette demande un imprimé daté du 22 décembre 2009 faisant apparaître une demande de restitution d'un montant de 508 222 euros, cette seule circonstance ne permet toutefois pas d'établir, en l'absence de tout élément justificatif produit, que l'intéressée aurait effectivement présenté à cette date une telle demande, comme le fait d'ailleurs valoir expressément l'administration en défense ; que si le requérant allègue que Mme E...aurait toujours déposé ses demandes précédentes de restitution dans les délais fixés, cette circonstance, au demeurant non établie, ne le permet pas davantage ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que M. E...n'apportait pas la preuve qui lui incombe de ce que la demande de restitution des impôts directs portant sur les revenus 2007 aurait été faite avant l'expiration du délai fixé par les dispositions précitées du 8 de l'article 1649-0 A, soit le 31 décembre 2009 ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que M. E...fait valoir que l'administration a commis une erreur dans l'établissement de l'avis d'imposition de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2007, ce qui a engendré un retard d'un an dans la délivrance de l'avis d'imposition rectificatif et constitué un obstacle au dépôt de la demande de restitution de la créance de bouclier fiscal ; que toutefois, il résulte de l'instruction que l'administration a émis un avis d'imposition rectificatif le 22 septembre 2009 et que Mme E...a acquitté la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu due au 30 octobre 2009 ; que par suite, l'intéressée disposait d'un délai de deux mois avant l'expiration du délai, le 31 décembre 2009, pour présenter une demande de restitution ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire." ; qu'aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : (...) c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation (...) " ;
6. Considérant qu'une demande de restitution de la fraction des impositions qui excède 50 % des revenus constitue une réclamation tendant à obtenir le bénéfice d'un droit au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; que le délai particulier prévu par le 8 de l'article 1649-0 A du code général des impôts pour formuler une demande de restitution ne fait pas obstacle à ce que soit invoquée, après l'expiration de ce délai, la réalisation d'un événement qui motive la réclamation, au sens de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ;
7. Considérant que comme cela a été dit au point 3, la demande de restitution présentée par Mme E...le 26 mai 2010 concernant ses revenus de l'année 2007 était tardive ; qu'en outre, il résulte de l'instruction qu'une seconde demande a été présentée le 29 décembre 2011 par M. D...E...à la suite du décès de sa mère survenu le 17 octobre 2011, soit à l'expiration du délai prévu par le 8 de l'article 1649-0 A du code général des impôts précité ; que si l'avis d'imposition rectificatif établi le 22 septembre 2009 au titre de l'année 2007 et mis en recouvrement le 30 septembre 2009 modifie le montant de la restitution sollicitée au titre de la demande de plafonnement des revenus de l'année 2007 et constitue ainsi un événement qui motive la réclamation au sens du c) de l'article R. 196-1 précité, toutefois, il est constant que cet évènement ne s'est pas réalisé après l'expiration du délai particulier de deux ans prévu par le 8 de l'article 1649-0 A du code général des impôts précité ; que par suite, Mme E...était en mesure de présenter sa demande de restitution avant le 31 décembre 2009 en tenant compte de cette imposition supplémentaire, dans le délai de deux ans prévu par le 8 de cet article ; que par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le délai pour présenter une demande de restitution expirait le 31 décembre 2011 en application du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable aux années d'imposition en litige : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts directs locaux et aux taxes annexes, doivent être présentées à l'administration des impôts au plus tard le 31 décembre de l'année suivant, selon le cas : /a) L'année de la mise en recouvrement du rôle ; / b) L'année de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation ; / c) L'année de la réception par le contribuable d'un nouvel avis d'imposition réparant les erreurs d'expédition que contenait celui adressé précédemment ; / d) L'année au cours de laquelle le contribuable a eu connaissance certaine de cotisations d'impôts directs établies à tort ou faisant double emploi " ;
9. Considérant que M. E...ne peut se prévaloir de la possibilité de bénéficier de la procédure de régularisation prévue par les dispositions précitées de l'article R. 196-2 du même livre qui ne concerne que les réclamations relatives aux impôts directs locaux et aux taxes annexes ;
10. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article R. 196-3 du code général des impôts : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations " ;
11. Considérant que l'avis d'imposition rectificatif a été établi à la suite de la réception d'une lettre de Mme E...du 18 mars 2009 signalant la prise en compte erronée d'une réduction d'impôt pour un investissement locatif dans une résidence de tourisme à hauteur de 6 667 euros ; qu'il procède ainsi à la réparation d'une erreur commise dans l'établissement de l'imposition sur le revenu au titre de l'année 2007 et s'inscrit donc dans le cadre de la procédure de reprise prévue par les dispositions précitées de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales ; que toutefois, le délai spécial de réclamation prévu dans le cadre d'une procédure de reprise n'est ouvert au contribuable qu'à l'égard de l'imposition à l'occasion de laquelle l'administration a engagé cette procédure et pour la même année ; que ce délai, qui n'était ouvert qu'à l'égard de l'imposition sur le revenu, ne s'applique ainsi pas dans le cas d'une demande de restitution de la fraction des impôts directs qui excède le seuil de 50 % de leurs revenus faite sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1649-0 A du code général des impôts ; que par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que M. E...ne pouvait bénéficier du délai prévu par les dispositions précitées de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales ;
12. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les demandes de restitution présentées par Mme E...et son fils, en sa qualité de mandataire de l'indivision successorale, ont été présentées tardivement ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre des finances et des comptes publics, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la restitution complémentaire au titre du plafonnement de leurs impôts directs à 50 % des revenus de l'année 2007 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...E...et au ministre de l'économie et des finances.
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 29 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Muriel Milard, première conseillère,
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 décembre 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. C...Le président-assesseur,
Signé : M. I...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA00504