Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 mai, 26 juin, 2 novembre et 4 décembre 2015 et le 16 février 2016, la commune de Guînes, représentée par Me C... G..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 mars 2015 du tribunal administratif de Lille ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. H...devant les premiers juges ;
3°) de mettre à la charge de M. H...la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le lien de causalité entre les préjudices allégués par M. H...et le stade municipal n'est pas établi ;
- le requérant n'établit ni le caractère anormal des préjudices allégués, ni le caractère certain du dommage ;
- le requérant a acquis sa propriété après la mise en service du stade ;
- les conclusions fondées sur la responsabilité pour faute sont nouvelles en appel et par conséquent irrecevables.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 4 septembre et 17 novembre2015, M. J...H..., représenté par Me E...B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Guînes la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son préjudice présente un caractère anormal et spécial ;
- il a acquis sa propriété avant la construction du stade et sa mise en fonctionnement ;
- son préjudice est lié à l'existence et au fonctionnement du stade ;
- le devis réalisé par l'expert prend en compte l'aggravation de son préjudice ;
- la responsabilité pour faute de la commune est engagée en raison de la carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,
- et les observations de Me A...I..., substituant Me C...G..., représentant la commune de Guînes.
1. Considérant que la commune de Guînes relève appel du jugement du 16 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille l'a condamnée à verser la somme de 16 626,29 euros à M. J...H...en réparation des préjudices subis par celui-ci du fait du fonctionnement du stade municipal ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant que la responsabilité du maître d'un ouvrage public peut être engagée, même sans faute, à l'égard des demandeurs tiers par rapport à cet ouvrage ; que les personnes mises en cause doivent alors, pour dégager leur responsabilité, établir la preuve que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure, sans que puisse être utilement invoqué le fait d'un tiers ; que la victime doit toutefois apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'elle allègue avoir subis et de l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public et lesdits préjudices, qui doivent en outre présenter un caractère anormal et spécial ;
3. Considérant que M. H...est propriétaire d'une maison à usage d'habitation située en face du stade municipal dans la commune de Guînes ; que l'intéressé établit par la production d'une attestation émanant de l'un de ses voisins et d'une expertise qu'il a commandée le 09 décembre 2010 que le fonctionnement du stade municipal est à l'origine de jets de ballons sur sa propriété ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du rapport établi le 11 août 2015, suite à l'expertise contradictoire diligentée par la commune de Guînes, que la distance entre les cages de but et la façade de la maison de M. H...s'élève à plus de 21 mètres et que le filet de protection rehaussant la clôture du terrain litigieux s'élève à 5,67 mètres ; que l'expert dans son rapport du 11 août 2015 impute au gel et aux intempéries les éclats sur le revêtement des briques de la façade de M.H..., éclats qui sont également retrouvés, bien qu'en plus faible nombre, sur la façade opposée au terrain ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que les dommages aux briques seraient causés par les ballons provenant du terrain de football ; que si M. H...s'appuie sur l'expertise qu'il avait commandée, au demeurant non contradictoire, pour évoquer des dommages causés par les ballons sur sa toiture, il résulte de l'instruction que ces dommages ne sont pas établis et n'ont pas été relevés lors de la seconde expertise ; qu'au surplus, il ne produit aucune facture relative aux réparations qu'il aurait effectuées ; qu'il résulte par ailleurs des deux expertises et du courrier envoyé par M. H...à la mairie de Guînes que les bris de vitres et de volets résultent de jets de cailloux et de vandalisme ; que, dans ces conditions, il résulte de l'instruction que le lien de causalité direct entre les dommages allégués et le stade de football n'est pas établi ; que si les jets de ballons sur la pelouse de l'habitation de M. H...et dans le watergang séparant la chaussée de son terrain sont établis par les deux expertises, et ne sont d'ailleurs pas contestés par la commune, il est constant que le stade municipal existait depuis plusieurs années lorsque M. H... a acquis sa propriété ; que, dans ces conditions, ces éléments ne suffisent pas à caractériser un préjudice anormal excédant les sujétions susceptibles d'être, sans indemnité, normalement imposées dans l'intérêt général aux riverains des ouvrages publics ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Guînes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille l'a condamnée à verser la somme de 16 626,29 euros à M. J...H...en réparation des préjudices subis par celui-ci du fait du fonctionnement du stade municipal ; qu'il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens développés par M. H...devant le tribunal administratif et devant la cour ;
Sur la carence dans l'exercice des pouvoirs de police :
5. Considérant que s'il est établi, comme il a été dit au point 3, que des ballons provenant du stade municipal atterrissent sur la propriété de M. H...et dans le watergang séparant celle-ci de la chaussée, il résulte de l'instruction, d'une part, que la commune a mis en place un filet pare-ballons, d'une hauteur de 5,67 mètres séparant le terrain de sport de la chaussée et, d'autre part, que le maire a réglementé, par arrêté municipal, les jours et heures d'ouverture de ce stade ; que M. H...n'établit pas que ces mesures seraient insuffisantes pour limiter les préjudices qu'il est susceptible de subir du fait du fonctionnement de ce stade ; que, dans ces circonstances, l'intéressé n'établit pas que le maire aurait dû prendre d'autres mesures dans le cadre de ses pouvoirs de police que lui confère l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ; que, par suite, M. H...n'est pas fondé à soutenir que le maire de la commune de Guînes a commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police ;
6. Considérant, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune, qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Guînes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille l'a condamnée à verser la somme de 16 626,29 euros à M. H...en réparation des préjudices subis par celui-ci du fait du fonctionnement du stade municipal ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Guînes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. H... à l'occasion du litige ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. H...la somme de 1 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 16 mars 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. H...devant les premiers juges et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : M. H...versera à la commune de Guînes la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Guînes et à M. J...H....
Délibéré après l'audience publique du 29 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme F...D..., première conseillère,
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 décembre 2016.
Le premier conseiller le plus ancien,
Signé : M. D...Le président-assesseur,
Signé : M. K...Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA00822