Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 mars 2016, Mme H...épouseE..., représentée par Me G...F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 février 2016 du tribunal administratif de Rouen ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2015 du préfet de la Seine Maritime ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, le temps de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me F...en vertu de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors, d'une part, que le recours devant la Cour nationale du droit d'asile en cas de mise en oeuvre de la procédure prioritaire n'a pas de caractère suspensif et, d'autre part, que l'effectivité de son recours devant la cour nationale du droit d'asile est subordonnée à sa présence sur le territoire national, son éloignement rendant sans objet son recours devant cette juridiction ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire national.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2016, la préfète de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme H...épouse E...ne sont pas fondés.
Mme H...épouse E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 mars 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme du 2 février 2012, I.M c. France, n° 9152/09 et du 6 juin 2013, M.A... c. France n° 50094/10 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.
1. Considérant que Mme H...épouseE..., ressortissante arménienne, est entrée irrégulièrement en France le 9 février 2015, selon ses dires, pour y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié ; que sa demande d'asile, instruite selon la procédure prioritaire, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 10 septembre 2015 ; que par arrêté du 8 octobre 2015, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire national dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que Mme H...relève appel du jugement du 9 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'office statue sur les demandes d'asile dont il est saisi. (...) L'office statue par priorité sur les demandes émanant de personnes auxquelles le document provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1 a été refusé ou retiré pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4, ou qui se sont vu refuser pour l'un de ces motifs le renouvellement de ce document " ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 du même code : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office " ;
3. Considérant que la demande d'asile d'un étranger dont le document provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été refusé ou retiré pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 du même code, ou qui s'est vu refuser pour l'un de ses motifs le renouvellement de ce document, fait l'objet d'un traitement selon la procédure prioritaire prévue à l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cet étranger dispose du droit de contester la décision de rejet prononcée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides devant la Cour nationale du droit d'asile ; que si ce recours n'est pas suspensif, l'étranger dispose également de la possibilité de saisir le tribunal administratif d'un recours pour excès de pouvoir suspensif contre l'obligation de quitter le territoire et la mesure fixant le pays de renvoi prises à la suite du rejet de sa demande d'asile au cours duquel il peut contester l'appréciation portée sur les risques qu'il encourt en apportant toutes les précisions et justifications utiles ou d'un référé suspension qui offre la possibilité de surseoir à l'exécution d'une mesure risquant d'entraîner une violation de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dans ces conditions, eu égard notamment au caractère suspensif du recours devant le tribunal administratif, le droit au recours effectif garanti par les stipulations de l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'implique pas nécessairement que l'étranger puisse se maintenir sur le territoire français jusqu'à l'issue de son recours devant la Cour nationale du droit d'asile, mais implique en revanche de laisser à l'étranger un délai suffisant, d'une part, pour présenter sa demande d'asile et rassembler toute pièce utile pour documenter une telle demande et, d'autre part, pour introduire un recours devant la cour nationale du droit d'asile et organiser sa représentation en justice devant cette cour et devant le tribunal administratif pour contester la légalité de l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre ;
4. Considérant qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme H...est entrée irrégulièrement en France selon ses déclarations le 9 février 2015 ; que préalablement au dépôt de sa demande d'asile, elle a bénéficié de l'aide d'une association spécialisée qui l'a informée de ses droits et obligations et l'a aidée dans ses démarches sociales et administratives ; qu'elle a présenté sa demande d'asile le 9 avril 2015, soit deux mois après son entrée sur le territoire national ; que, dans ces conditions, Mme H...doit être regardée comme ayant disposé d'un délai suffisant pour présenter sa demande d'asile et rassembler toutes les pièces utiles pour conforter cette demande ; qu'après la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 10 septembre 2015 rejetant sa demande, Mme H...a présenté le 24 septembre 2015, une demande d'aide juridictionnelle afin de former un recours contre cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile qu'elle introduira le 24 novembre 2015 ; que, par suite, à la date du 8 octobre 2015 à laquelle est intervenue la décision du préfet de la Seine-Maritime refusant de l'admettre au séjour et décidant son éloignement à l'expiration d'un délai d'un mois, la requérante doit être regardée comme ayant disposé des délais nécessaires pour faire valoir ses droits ou se faire représenter devant la Cour nationale du droit d'asile ; qu'enfin, Mme H...a saisi le tribunal administratif de Rouen le 21 novembre 2015 d'un recours suspensif contre la décision du préfet du 8 octobre 2015 qui sera rejeté le 9 février 2016 ; qu'ainsi, la requérante a pu bénéficier d'un délai suffisant pour contester la légalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire national ; qu'il convient d'ailleurs de relever à cet égard que Mme H...n'a fait valoir devant le tribunal administratif aucun risque de traitement prohibé par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ;
5. Considérant en outre, qu'aucune stipulation de la convention de Genève ni aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne subordonne l'examen du recours d'un demandeur d'asile auquel l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de reconnaître le statut de réfugié à son maintien sur le territoire français durant l'instance pendante devant la Cour nationale du droit d'asile, réserve faite de l'obligation de déférer à la comparution personnelle que la cour peut ordonner en vertu des dispositions de l'article R. 733-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si la résidence hors du territoire français est susceptible d'entraîner la suspension des droits attachés à la qualité de demandeur d'asile, notamment lorsque l'intéressé retourne volontairement dans son pays d'origine, elle n'est, en revanche, pas de nature à priver d'objet, même temporairement, son recours devant la Cour nationale du droit d'asile ; qu'en conséquence, la décision faisant obligation à Mme H...de quitter le territoire national n'a pas eu pour effet de rendre son recours devant la Cour nationale du droit d'asile sans objet et de la priver ainsi d'un recours devant cette juridiction ; qu'ainsi, il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant que Mme H...ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les mesures relatives à l'entrée, au séjour et à l'éloignement des étrangers n'emportant pas de contestation sur des droits ou des obligations de caractère civil, ni d'accusation en matière pénale ;
Sur le pays de destination :
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire national n'est pas annulée ; que Mme H...n'est dès lors pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de la mesure d'éloignement ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme H...épouse E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme H...épouse E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...H...épouseE..., au ministre de l'intérieur et à Me G...F....
Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 29 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme D...C..., première conseillère ;
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 décembre 2016.
Le rapporteur,
Signé : R. FERALLe président-assesseur,
Signé : M. I...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°16DA00560