Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 mai 2015 et 7 juillet 2016, M. F..., représenté par Me I...J..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 février 2015 du tribunal administratif de Lille ;
2°) de condamner la commune de Lille à lui verser la somme de 26 450 euros en réparation des préjudices subis à la suite d'une chute survenue le 23 décembre 2009 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Lille les entiers dépens ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Lille la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la commune ne rapporte pas la preuve de l'entretien normal de la chaussée ;
- sa chute est due à un défaut d'entretien normal de la chaussée et à une absence de signalisation du danger ;
- il établit le lien entre la présence de neige sur la chaussée et ses préjudices.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2016, la commune de Lille, représentée par Me B...E..., conclut à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à la condamnation de la SA Nicollin à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, et à ce que soit mise à la charge de M. F...la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le lien de causalité entre la présence de neige sur la chaussée et le dommage allégué par M. F...n'est pas établi ;
- elle établit l'absence de défaut d'entretien ;
- une signalisation spécifique n'était ni utile, ni requise ;
- le manque de précaution de M. F...est la cause exclusive du dommage ;
- elle avait délégué à la S.A. Nicollin la mission de viabilisation des chaussées.
Par un mémoire, enregistré le 27 mai 2016, la S.A. Nicollin, représentée par la SCP Grappin Adde-Soubra, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, et à titre subsidiaire, au rejet de l'appel en garantie formé par la commune de Lille, et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la partie perdante sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille qui n'a pas produit de mémoire.
M. F...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 mars 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,
- et les observations de Me A...H..., représentant la commune de Lille.
1. Considérant que M. G...F...relève appel du jugement du 17 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Lille soit condamnée à lui verser la somme de 26 450 euros en réparation des préjudices subis à la suite d'une chute survenue le 23 décembre 2009 rue d'Eylau à Lille ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant que, pour obtenir réparation, par le maître de l'ouvrage, des dommages qu'ils ont subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, les usagers doivent démontrer devant le juge administratif, d'une part, la réalité de leur préjudice et, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage ; que, pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage, soit d'établir qu'elle a normalement aménagé ou entretenu l'ouvrage, soit de démontrer la faute de la victime ou l'existence d'un évènement de force majeure ;
3. Considérant que M F...soutient avoir glissé et chuté sur la chaussée recouverte de neige rue d'Eylau à Lille, alors qu'il venait de quitter son véhicule ; qu'il produit deux attestations qui, contrairement à ce que soutient la commune de Lille, et en dépit de l'absence de maîtrise de la langue française de leurs auteurs, émanent de témoins directs de la chute, et établissent tant la réalité de celle-ci que les circonstances dans lesquelles elle a eu lieu ; qu'il résulte, dès lors, de l'instruction que M. F...établit le lien de causalité entre la présence de neige sur la chaussée et le dommage allégué ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune subissait, depuis plusieurs jours, des chutes de neige constantes et des températures négatives ou très faiblement positives ; que les températures, le jour de l'accident, étaient comprises entre -2°C et 1°C ; que la commune produit le contrat par lequel elle a chargé la S.A. Nicollin du salage et du déneigement de la voirie en période hivernale ; qu'il ressort de ce contrat que l'entreprise devait procéder au salage et au déneigement des voies selon un ordre de priorité lié à la fréquentation des voies et au caractère prioritaire de certains établissements publics, en particulier l'abord des écoles et crèches ; que M. F...reconnaît lui-même que la rue d'Eylau, eu égard à ses caractéristiques de circulation, ne faisait pas partie des axes dont le déneigement était prioritaire ; que l'entreprise établit avoir procédé au salage et au déneigement de certaines rues du quartier de Wazemmes dans lequel se situe la rue d'Eylau ; que, par suite, la commune de Lille établit l'absence de défaut d'entretien normal de la chaussée ;
5. Considérant, au surplus, que même si la rue d'Eylau n'était pas au nombre des voies traitées en priorité par l'entreprise, il résulte de l'instruction que M.F..., qui venait de garer son véhicule et d'en descendre, ne pouvait ignorer la présence de neige sur la chaussée, compte tenu notamment des chutes de neige intervenues les jours précédents ; que la présence de neige sur la chaussée d'une voie secondaire n'excède pas les risques ordinaires contre lesquels les usagers doivent se prémunir en prenant toute précaution utile, et dont ils doivent supporter les conséquences ; que la présence de neige sur les chaussées, qui ne pouvait être ignorée par les usagers, ne constituait pas un danger exceptionnel un jour de 23 décembre en fin d'après midi, compte tenu des conditions météorologiques des jours précédents et n'avait, dès lors, pas à faire l'objet d'une signalisation particulière ; que par suite, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, M. F...n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la commune de Lille pour la chute dont il a été victime, alors que la commune établit l'absence de défaut d'entretien normal de l'ouvrage public et que la chute du requérant est exclusivement imputable à une faute d'inattention de sa part ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Lille, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. F...à l'occasion du litige ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. F...les sommes demandées sur le fondement des mêmes dispositions par la commune de Lille et la S.A. Nicollin ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Lille et par la SA Nicollin sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...F..., à la commune de Lille, à la SA Nicollin et à Me I...J....
Copie sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai.
Délibéré après l'audience publique du 29 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme D...C..., première conseillère,
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 décembre 2016.
Le premier conseiller le plus ancien,
Signé : M. C...Le président-assesseur,
Signé : M. K...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA00807