Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2014, M.F..., représenté par Me A...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 9 octobre 2014 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 à 2007 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- s'il reconnaît être le bénéficiaire de 60 % des revenus distribués par la SARL Critik, le montant des impositions mises à sa charge est exagéré ;
- dès lors que l'administration fiscale a admis, dans le cadre de la reconstitution extracomptable des recettes de la SARL Critik une variation négative des stocks, elle ne peut refuser de déduire cette variation des stocks au titre des charges.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le requérant n'apporte aucun élément probant de nature à remettre en cause les impositions mises à sa charge ;
- la méthode de reconstitution des résultats de la SARL Critik tient compte de la variation des stocks et qu'à défaut de justifications probantes sur l'évaluation des stocks au 31 décembre 2006, la charge correspondante à la variation des stocks au cours de l'année 2006 ne peut être admise en déduction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL Critik qui exploite deux magasins de vêtements, et dont M. F... est associé et co-gérant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 ; qu'après avoir écarté la comptabilité de la société comme insincère et non probante, l'administration fiscale a procédé à la reconstitution extracomptable des résultats de la SARL Critik ; qu'en réponse à la demande de l'administration fiscale formulée sur le fondement des dispositions de l'article 117 du code général des impôts, M. F...s'est désigné comme bénéficiaire à hauteur de 60 % des distributions correspondant aux omissions de recettes notifiées à la société ; que l'administration fiscale a imposé ces sommes à l'impôt sur le revenu en tant que capitaux mobiliers entre les mains de M.F... ; que ce dernier relève appel du jugement du 9 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 et 2007 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...). L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) " ;
3. Considérant que lorsque les recettes d'une société ont été évaluées d'office au titre d'un exercice, après que l'administration fiscale a écarté la comptabilité comme non probante, et que la reconstitution extracomptable à laquelle elle a procédé a conduit l'administration fiscale à déterminer les recettes en évaluant certains postes du bilan, comme le stock d'entrée et de sortie de l'exercice, l'administration fiscale ne peut alors refuser de tenir compte, pour la détermination des charges déductibles, des valeurs qu'elle a ainsi retenues pour corriger les postes du bilan concerné ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour évaluer les recettes de l'activité de la SARL Critik au titre de l'exercice clos en 2006, l'administration fiscale s'est fondée sur les achats revendus de vêtements, déterminés à partir des achats effectués auprès des fournisseurs, corrigés de la variation des stocks ; que pour déterminer cette variation des stocks au titre de cet exercice, l'administration fiscale a estimé la valeur des stocks en fin d'exercice à la somme de 117 334 euros alors que ces mêmes stocks étaient inscrits au bilan de clôture de cet exercice dans la comptabilité de la société, écartée comme non probante, pour la somme de 218 212 euros ; que, dès lors, l'administration fiscale ne pouvait refuser de retenir au titre des charges déductibles de l'exercice clos en 2006, la variation des stocks issue des valeurs de stock qu'elle avait elle-même retenue pour l'évaluation des recettes ; qu'ainsi, la valeur du stock au 1er janvier 2006 s'élevant à 173 624 euros et la valeur de sortie au 31 décembre 2006 à 117 334 euros, M. F...est fondé à soutenir que la variation de stock de 56 290 euros devait être admise par l'administration fiscale en tant que charge déductible de cet exercice ; qu'en conséquence, la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à la charge de M. F...au titre de l'année 2006 doit être réduite en prenant en compte dans le résultat de la SARL Critik, au titre de l'exercice 2006, une charge déductible d'un montant de 56 290 euros ;
5. Considérant que, si M. F...sollicite la décharge de l'ensemble des impositions supplémentaires mises à sa charge, il n'invoque cependant aucun moyen à l'égard de l'année 2007 ; qu'en conséquence, M. F...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a refusé de faire droit à sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignées au titre de l'année 2006 en raison du refus de la prise en compte au titre des charges déductibles de la SARL Critik d'un montant de 56 290 euros correspondant à la variation des stocks ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à M. F...une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le montant des revenus de capitaux mobiliers à retenir pour la détermination des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. F... doit être assujetti au titre de l'année 2006 est réduit en prenant en compte dans le résultat de la SARL Critik, au titre de l'exercice 2006, une charge déductible d'un montant de 56 290 euros.
Article 2 : M. F...est déchargé de la différence entre les cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2006 et celles qui résultent de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement n° 1104471 du tribunal administratif de Lille en date du 9 octobre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. F...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. F...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...F...et au ministre de l'économie et des finances.
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 29 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme E...D..., première conseillère,
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 décembre 2016.
Le rapporteur,
Signé : R. FERALLe président-assesseur,
Signé : M. G...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°14DA01902