Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2017, Mme C..., représentée par Me B...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 mai 2017 du préfet de la Somme ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Somme de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante nigériane née le 12 novembre 1980, est entrée en France le 26 juin 2013, selon ses déclarations. Elle a vainement sollicité le bénéfice de l'asile, puis le réexamen de cette demande, et a fait l'objet, le 10 juillet 2015, d'une décision de refus de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français. Elle a demandé la régularisation de sa situation au regard du séjour en invoquant la présence et la scolarisation en France de ses enfants mineurs. Mme C... fait appel du jugement du 5 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande en annulation de l'arrêté du préfet de la Somme du 19 mai 2017 refusant à nouveau de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant notamment le Nigéria comme pays de renvoi.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. A l'appui de sa demande, Mme C... soutenait notamment qu'en se fondant sur la circonstance qu'elle ne remplissait pas les conditions posées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un titre de séjour, alors que sa demande tendait à ce que l'autorité administrative fasse usage en sa faveur de son pouvoir exceptionnel de régularisation, le préfet de la Somme aurait commis une erreur de droit. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, son jugement doit être annulé.
4. Dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif d'Amiens.
Sur la légalité de l'arrêté du 19 mai 2017 :
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme C... a demandé, le 29 novembre 2016, la régularisation de sa situation au regard du séjour, au moyen d'un formulaire intitulé : " demande d'admission exceptionnelle au séjour parent d'enfant étranger mineur scolarisé ". D'une part, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet de la Somme a, sans méconnaître la portée de la demande dont il était saisi, examiné notamment la possibilité d'une admission exceptionnelle au séjour de l'intéressée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, si le préfet de la Somme a ensuite relevé dans son arrêté que Mme C... ne pouvait se prévaloir d'aucune autre disposition ou stipulation pour régulariser sa situation administrative, il ne saurait être déduit de cette seule mention qu'il aurait, par principe, refusé de faire usage du pouvoir général de régularisation dont il dispose sauf texte contraire. Le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché l'arrêté du 19 mai 2017 doit, par suite, être écarté.
6. En deuxième lieu, Mme C... fait valoir qu'elle vit depuis quatre années en France, où résident avec elle son compagnon et ses trois enfants mineurs, nés respectivement en 2005, 2008 et 2016, les deux aînés étant scolarisés. Toutefois, elle ne produit aucun élément de nature à contredire les mentions, figurant dans l'arrêté contesté du 19 mai 2017, selon lesquelles son compagnon était alors en situation irrégulière sur le territoire français. Mme C... ne saurait, par ailleurs, utilement se prévaloir ni de l'attestation, renouvelée le 25 juillet 2017, de dépôt d'une demande d'asile formée pour sa plus jeune fille le 29 juin 2017, ni de l'annulation pour ce motif, par un jugement du 1er décembre 2017, de la décision de remise aux autorités espagnoles prises à l'encontre de son compagnon le 27 novembre 2017, dès lors que ces circonstances, postérieures à l'arrêté du 19 mai 2017, font seulement obstacle à l'exécution de cet arrêté jusqu'à ce qu'il soit définitivement statué sur la demande d'asile de la fillette. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment aux conditions du séjour en France de Mme C..., qui n'apporte en outre aucune justification sur les liens sociaux et amicaux qu'elle dit y avoir noués, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et n'a, par suite pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En troisième lieu, l'arrêté du 19 mai 2017 n'a pas, par lui-même, pour effet de séparer les enfants de leur mère ou de leur père, dès lors qu'ils sont tous les cinq de nationalité nigériane, que son compagnon n'avait alors fait l'objet d'aucune décision de remise aux autorités espagnoles, et qu'aucune demande d'asile n'avait été formulée pour la plus jeune fille de la requérante à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, ces circonstances, postérieures à cet arrêté, font seulement obstacle à son exécution jusqu'à ce qu'il soit définitivement statué sur la demande d'asile de la fillette. En outre, la requérante ne fait état d'aucun empêchement à scolariser au Nigéria ses enfants en âge de fréquenter l'école. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance par l'arrêté attaqué de l'intérêt supérieur des enfants de Mme C..., en violation du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doit être écarté.
8. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste commise par le préfet de la Somme dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de Mme C....
9. En cinquième lieu, Mme C... n'assortit d'aucun élément probant ses allégations selon lesquelles elle se trouverait personnellement exposé dans son pays à des risques pour sa vie et sa sécurité. Au demeurant, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté sa demande d'asile, puis sa demande de réexamen. Dans ces conditions, la décision fixant le pays de renvoi n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 19 mai 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la demande de Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante doivent également être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens soient mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1701584 du 5 octobre 2017 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif d'Amiens et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de la Somme.
4
N°17DA02429